La réforme PLM… vue de Lyon ! [par un nouvel auteur, Christophe Chabrot]

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Faut-il que le conseil municipal de Lyon, Marseille et Paris soit élu directement par les électeurs de ces trois villes et non plus désigné à partir de l’élection des conseils d’arrondissements qui fausse le scrutin ? La réflexion initiée par le président Macron depuis un an et demi et reprise en février 2025 par le premier ministre Bayrou n’est sans doute pas la plus urgente actuellement, mais la perspective des élections de mars 2026 pousse à agir vite.

La proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024 par trois députés macronistes parisiens entrainés par S. Maillard, et qui sert de base à la réforme en cours, envisage une solution : mettre en place un double scrutin pour élire le même jour mais distinctement les conseillers d’arrondissement et les conseillers municipaux, en permettant d’être candidat aux deux élections. Uniformisation des modes de scrutin municipaux, clarification des choix électoraux, même poids électoral des bulletins de vote quel que soit l’arrondissement, les objectifs affichés sont louables. Par ailleurs, la prime électorale serait abaissée à 25% des sièges pour la liste arrivée en tête, et une revalorisation des pouvoirs des mairies d’arrondissement est prévue. Mais cette proposition semble oublier une chose : Lyon, ou plus exactement la métropole de Lyon devenue collectivité territoriale en 2015.

Car existe déjà à Lyon un double scrutin simultané : l’élection des conseillers d’arrondissement (dont certains deviendront également conseillers municipaux) et celle des conseillers métropolitains élus directement depuis 2020. Il parait ainsi impossible d’organiser en plus et le même jour un autre scrutin pour élire directement le conseil municipal, ne serait-ce que d’un point de vue technique : pas de place pour d’autres panneaux électoraux, pour d’autres tables électorales et une nouvelle urne dans les bureaux de vote, difficulté pour trouver du personnel pour tenir celle-ci, pour dépouiller, etc.

L’hypothèse de ce troisième scrutin impliquerait alors par nécessité de disjoindre les élections municipales (des conseils d’arrondissement et du conseil municipal) et métropolitaines. Ces dernières pourraient être décalées de quelques semaines (municipales en mars, métropolitaines en juin) ou couplées aux élections départementales reportées par ailleurs au printemps 2028. Ce découplage ne serait pas incongru, et serait même idéal pour dissocier les deux campagnes qui ont donné une rocambolesque cacophonie en 2020, autant pour les candidats que pour les électeurs. Cette confusion devrait d’ailleurs inviter à rebours à la prudence quant au couplage des élections municipales et d’arrondissement, de valeur électorale différente et d’enjeux distincts mais s’emmêlant facilement dans une campagne simultanée.

Une autre hypothèse serait à envisager : la suppression des élections directes d’arrondissements au profit de la seule élection du conseil municipal dans une circonscription unique, avec une prime majoritaire au niveau municipal ramenée à 20 ou 25%, et la répartition ensuite des élus d’arrondissement selon le score obtenu par les listes dans chacun de ceux-ci, sur le modèle régional des secteurs départementaux. Chaque bulletin municipal comprendrait ainsi la liste des candidats municipaux et une liste de candidats d’arrondissements, qui seraient respectivement élus en fonction des voix obtenues à la fois à l’échelle municipale, pondérée par la prime majoritaire, et des voix obtenues dans l’arrondissement. Pour plus de lisibilité, seraient prévus des bulletins spécifiques par arrondissement, présentant en partie gauche les 73 candidats municipaux lyonnais et en partie droite les candidats complémentaires au conseil d’arrondissement (de 14 à 36 selon les arrondissements). Cela municipaliserait plus clairement les enjeux de campagne, poussant à des alliances électorales pour optimiser les voix, tout en maintenant une identité par arrondissement mais sans effet de bastion. Cela permettrait même au pire le maintien simultané des élections métropolitaines. Cette solution lyonnaise pourrait être également appliquée à Paris et à Marseille, pour tenir compte du nombre plus important encore des candidats (503 élus d’arrondissements dont 163 conseillers municipaux à Paris, 303 élus d’arrondissements dont 101 municipaux à Marseille).

En tout état de cause ces deux hypothèses ne sauraient évacuer d’autres problèmes démocratiques qui se posent à Lyon. Par exemple, le nombre d’élus municipaux par arrondissements fixé par une loi du 31 décembre 1982 ne correspond plus à la démographie actuelle. Le 6ème arrondissement ne représente ainsi que 9,7% de la population lyonnaise mais désigne 12,3% des élus au conseil municipal, quand le 7ème arrondissement comprend 16,8% de la population lyonnaise pour seulement 12,3% des élus municipaux, autant que le 6ème avec pourtant près de 40.000 habitants de plus. De même, la taille des arrondissements varie de 29 000 à 101 000 habitants, renforçant les distorsions électorales et invitant peut-être à scinder le plus grand, le 3ème arrondissement, en deux pour harmoniser les circonscriptions. Sans parler des écarts selon les arrondissements entre nombre d’habitants et nombre d’électeurs, le 3ème ayant ainsi 46% de ses habitants non électeurs quand le 6ème n’en a que 37,5%, ce qui n’est pas sans conséquences au vu de la sociologie électorale.

Enfin, isoler la réforme électorale des autres réformes à envisager, comme les pouvoirs des mairies d’arrondissement, l’intervention des habitants, ou la date et le mode de scrutin de la métropole de Lyon voire l’éventuelle élection du maire au suffrage direct, revient à continuer de tisser un habit d’Arlequin local sans mise en place d’une pensée globale de la décentralisation, de cette domocratie locale distincte de la démocratie nationale.

Mais en l’état, autant pour une réforme générale que pour cette simple rectification électorale qui ne fait pas consensus, dispose-t-on vraiment du temps et des conditions nécessaires pour faire un choix éclairé ? Si la loi par une adoption plus discutée mais alors plus tardive peut bien sûr déroger le cas échéant à l’obligation posée par l’articleL.567-1 A du C électoral de ne pas modifier un mode de scrutin l’année précédent le premier tour, il semblerait préférable de se donner les moyens d’une réflexion collective plus solide et mettant en place une organisation territoriale stable et cohérente appelée à durer quelques lustres sans rafistolage annuel, plutôt que d’opérer dans la précipitation par petits bouts.

Christophe Chabrot

maître de conférences HDR de droit public à l’université Lumière Lyon 2,
faculté de droit Julie-Victoire Daubié,
Responsable de l’axe Métropole(s) et Territoire du centre de recherches Transversales (christophe.chabrot@univ-lyon2.fr)