Retour sur l’enjeu financier des élections législatives de juin 2022 : quelle traduction du vote pour le financement public des partis politiques en lice ? [Z. Brémond]

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Alors que le 1er tour des élections législatives a donné lieu à une véritable bataille de chiffres entre la coalition « Ensemble ! (Majorité présidentielle) » et l’alliance « Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) » afin de déterminer lequel de ces deux groupements politiques est arrivé en tête, il paraît intéressant de revenir sur les incidences de ces résultats quant au financement de la vie politique. En effet, si l’on sait que les élections législatives sont déterminantes, dans le régime parlementaire qu’est la Ve République, pour guider la désignation du Gouvernement par le Président de la République – la XVIe législature en étant alors une illustration notable –, ce que l’on sait moins, c’est que le 1er tour des élections législatives va également être déterminant pour l’attribution aux partis politiques d’une partie des financements publics auxquels ils peuvent prétendre durant l’ensemble de la législature. Sans préjuger sur ce que sera le montant des aides versées aux partis politiques ayant présenté des candidats à cette élection, il s’agit ici tout d’abord de rappeler les conditions de versement de l’aide publique aux partis politiques (A) avant d’examiner la répartition qui pourra en être faite à l’issue des élections législatives de juin 2022 (B).

Les conditions de versement de l’aide publique aux partis politiques

Au vu des nombreux scandales politico-financiers qui ont pu émailler la vie politique française dans les années 1980, le gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac a œuvré en faveur de l’adoption d’une loi relative à la transparence financière de la vie politique (loi n° 88-227 du 11 mars 1988). Cette loi institua un financement annuel au bénéfice des partis et groupements politiques représentés au Parlement. Une telle modalité de financement apparaissait cependant particulièrement discriminante en ce que seuls les partis disposant d’élus à l’Assemblée nationale et au Sénat pouvaient en bénéficier. Aussi, compte tenu du retour du scrutin majoritaire pour l’élection des députés lors de l’élection législative de 1988 et des spécificités du scrutin sénatorial, de grands courants d’opinion, tels que le Front national, n’arrivaient pas nécessairement à obtenir de sièges de parlementaires et ne pouvaient donc prétendre à aucun financement public. La loi fut donc révisée dès 1990 de manière à dissocier en deux parts égales les sources du financement public des partis politiques :

  1. D’un côté subsiste la part fondée sur la représentation des partis et groupements au Parlement.
  2. De l’autre, fut ajoutée une seconde fraction tributaire des résultats obtenus aux élections à l’Assemblée nationale, plus précisément au vu du nombre de voix obtenues au 1er tour par les candidats ayant déclaré se rattacher au parti ou groupement politique prétendant au versement de cette aide.

Les conditions d’accès au financement pour les partis ayant présenté des candidats aux élections législatives

Régis par les articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988, l’accès par les partis à ce financement nécessite que soient remplies plusieurs conditions :

  1. D’abord le fait que des candidats se soient présentés sous les couleurs du parti dans un certain nombre de circonscriptions à l’occasion du dernier renouvellement de l’Assemblée nationale : initialement fixé à 75, ce chiffre a été ramené à 50 par la loi du 29 janvier 1993. Notons que cette condition ne s’applique pas aux partis ou groupements ayant présentés des candidats exclusivement en outre-mer.
  2. Ensuite, l’ordonnance du 8 décembre 2003 a complété cette condition en prévoyant que les candidats concernés doivent avoir obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du 1er tour des dernières élections législatives, sachant que pour les partis présentant des candidats en métropole, il suffit que cette condition soit remplie dans au moins 50 circonscriptions pour rendre le parti éligible au financement là où les partis ayant présenté des candidats exclusivement en outre-mer doivent remplir cette condition dans l’ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se présentent.
  3. Enfin, ajoutons que depuis la loi du 19 janvier 1995, les suffrages obtenus par des candidats déclarés inéligibles sont déduits du total de voix prises en compte pour le calcul de la dotation : afin de laisser le temps à la justice de prononcer les éventuelles inéligibilités, la dotation est calculée seulement à partir de l’année suivant les élections (en 2023 donc pour les élections législatives 2022).

Les modalités de calcul de la dotation

Dès lors qu’un parti ou groupement remplit ces conditions, il devient éligible au versement de l’aide publique sachant que le montant total des aides versées aux partis et groupements politiques au titre de leur participation aux élections est équivalent au montant total des aides pouvant être versées aux partis représentés au Parlement. Ainsi, il était prévu en 2022 une aide annuelle de 37 402,33 € par parlementaire, soit une enveloppe totale de 34 335 338,94 € pour 918 parlementaires éligibles (570 députés, dont 3 non rattachés et 348 sénateurs, dont 4 non rattachés). Une enveloppe équivalente étant donc pourvue pour la fraction de l’aide versée au titre des résultats obtenus aux élections législatives, celle-ci est répartie « proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour » des élections législatives « par chacun des partis et groupements » qui y sont éligibles. En 2022, cela correspondait environ à une aide de 1,64 € par voix obtenue par un candidat du parti concerné.

Une modulation de l’aide fondée sur le respect des obligations de parité entre les hommes et les femmes

La loi du 6 juin 2000 a cependant conduit à introduire une modulation de ce versement visant à en limiter le montant selon que le parti concerné ait présenté un nombre équivalent d’hommes et de femmes ou non. Cette modulation, dite « parité », est régie par l’article 9-1 de la loi du 11 mars 1988. Celui-ci prévoit l’application de la modulation dès lors que l’écart entre les candidats de chacun des deux sexes est supérieur à 2 % du nombre total des candidats présentés par le parti ou groupement concerné. Par exemple, lors des élections législatives de 2017, le parti Les Républicains avait présenté 182 femmes pour 278 hommes, ce qui traduit un écart d’environ 20,8 %. Le montant de l’aide perçue lors de chacune des années de la législature a donc été minoré. Mais cette modulation joue dans les deux sens et le parti animaliste, qui avait présenté 91 femmes pour 56 hommes, fit également l’objet de cette modulation, l’écart étant d’environ 23,8 %. Initialement, la minoration était déterminée à hauteur de 50 % du pourcentage d’écart, ce qui pouvait apparaître insuffisamment dissuasif, certains partis préférant prendre le risque de s’exposer à cette minoration plutôt que de se plier aux exigences de parité. Ainsi, lors des élections législatives de 2002, l’UMP avait présenté 466 hommes pour 114 femmes, soit un écart d’environ 60,7 % tandis que le PS avait présenté 350 hommes pour 185 femmes, soit un écart d’environ 30,8 %. En conséquence, le coefficient appliqué au pourcentage d’écart pour déterminer le pourcentage de minoration de l’aide fut progressivement rehaussé, d’abord à 75 % en 2007, puis à 150 % suite à l’adoption de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette loi fut appliquée pour la première fois lors des élections législatives de 2017 et conduisit donc à une réduction de l’aide versée au parti Les Républicains à hauteur de 31,2 % (soit 1 787 354,47 € de minoration et un versement ramené à 3 922 250,1 €) et de l’aide versée au parti animaliste de 35,7 % (soit 37 325,48 € de minoration et un versement ramené à 67 185,87 €). Notons que la modulation parité fut également appliquée à l’époque notamment à La France insoumise (4,2 % d’hommes en plus que de femmes) et Debout la France (2,1 % d’hommes en plus que de femmes). Certains partis ayant présentés des candidats seulement en outre-mer ont également pu voir l’ensemble de l’aide à laquelle ils auraient pu prétendre annulée du fait de la modulation : c’est le cas par exemple de Calédonie Ensemble qui a présenté 2 hommes et 0 femme et du parti réunionnais progrès 974 qui a présenté 2 femmes et 0 homme. Précisons toutefois qu’il existe une tolérance pour ces partis, la modulation n’étant pas appliquée lorsque l’écart n’est que de 1 candidat (c’est typiquement le cas pour les partis qui ne présenterait qu’un seul candidat et qui se trouvent donc de fait sur un écart de 100 %).

Des conditions renforcées de rattachement des candidats à un parti ou groupement politique

Au vu du caractère prohibitif de la modulation parité, la loi du 4 août 2014 a renforcé les conditions dans lesquelles les candidats sont rattachés à un parti ou groupement politique prétendant à cette fraction de l’aide publique. En effet, il appartenait jusque-là au seul candidat de mentionner, au moment de sa candidature, le parti ou groupement politique auquel il entend se rattacher. Les partis n’avaient ainsi qu’un contrôle très relatif sur les candidates et candidats se présentant en leur nom, leur rôle se bornant à demander au ministère d’être référencé sur le formulaire de rattachement à un parti ou à un groupement politique en vue de bénéficier du dispositif de financement public. Si tant est que cette demande avait un intérêt en termes de lisibilité, elle demeurait néanmoins facultative, dans la mesure où les candidat(e)s sont libres d’indiquer un parti ne figurant pas dans la liste. Or, cela pouvait conduire à décompter des candidatures dissidentes ce qui, certes, permettait d’augmenter le nombre de voix attribuées au parti, mais rendait en même temps relativement incontrôlable le respect de la règle de parité entre les candidates et candidats. Il est donc désormais prévu qu’en complément de la déclaration de rattachement fournie par les candidat(e)s, les partis adressent leurs propres investitures au ministère de l’Intérieur, étant entendu qu’un candidat qui demanderait son rattachement sans être présenté par le parti concerné est considéré comme n’étant rattaché à aucun parti. Dans le contexte des élections législatives de juin 2022, cette formalité apporte un éclairage complémentaire quant au positionnement des différents partis en présence vis-à-vis des candidat(e)s se rattachant à l’une des deux grandes alliances électorales qui ont concouru.

Les perspectives ouvertes par les élections législatives de juin 2022 pour le financement de la vie publique

Les élections législatives de juin 2022 se sont singularisées par la présence de deux grandes alliances électorales, l’une comportant une mutualisation en ce qui concerne le versement de l’aide publique – le groupement « Ensemble ! » – là où l’autre laisse subsister une comptabilité différenciée entre les partis qui en sont membres – la coalition « NUPES ». Le caractère controversé de cette dernière a alors pu conduire à provoquer un certain nombre de candidatures dissidentes, certaines demeurant rattachées financièrement à l’un des partis de la coalition là où d’autres ont pu opter pour leur rattachement à un autre parti. Aussi, la lecture des résultats de ces élections par le prisme financier comporte certaines divergences comparativement à la présentation qui en a été faite au soir du 1er tour. Pour une projection détaillée de l’estimation, le lecteur peut se rapporter aux données compilées dans le fichier diffusé sur la base de données data.gouv. Après avoir établi certaines remarques méthodologiques, nous dresserons plusieurs observations quant au niveau d’aide auquel pourront prétendre les principaux partis en lice durant cette élection.

Les difficultés relatives à la distinction entre nuances et partis politiques des candidats

En règle générale, la lecture des résultats des élections législatives implique une concordance entre les nuances attribuées aux différents candidats et les partis politiques qui les présentent pour le versement de la fraction de l’aide publique fondée sur les résultats obtenus au premier tour des élections législatives. Si cette lecture se confirme pour la plupart des formations politiques en lice lors des élections législatives 2022 – y compris pour la coalition Ensemble ! qui est désignée comme seule entité de rattachement pour les candidats des différents partis qui la composent –, ce n’est pas le cas pour la NUPES. En effet, bien que ses candidats ont acquis de la part du Conseil d’État la possibilité d’être référencés par cette seule nuance au moment de la publication des résultats, il n’en va pas de même pour l’accès au financement, chaque parti membre de la coalition entendant décompter ses propres voix pour obtenir sa propre part de l’aide publique.

Ainsi, le calcul de l’aide publique attribuée aux différents partis politiques ne saurait se baser sur la seule lecture des résultats affichés par le ministère de l’Intérieur à l’issue du 1er tour. Il est de fait nécessaire d’identifier à la fois, précisément quels sont les candidats officiellement investis par les partis politiques et en même temps distinguer les résultats en fonction de ce critère. Concernant le premier élément, cela nécessite d’avoir connaissance des investitures adressées au ministère de l’Intérieur par chacun des partis politiques prétendant au financement public. Pour cela, il convient de se référer à la liste des investitures publiée par le ministère sur son site internet, conformément à l’article 3 du décret du 21 avril 2015. Or, la confrontation du fichier des candidatures par nuances (6290) avec celui des investitures (5567) va réserver quelques surprises et complexifier la lecture des résultats. Ajoutons de surcroît la présence d’un certain nombre de discordances entre les fichiers (noms mal orthographiés, suppléant investi à la place du titulaire, discordance dans les données relatives aux candidats…). Afin de donner la lecture la plus juste possible des résultats, nous avons pris le parti, pour la présente étude, de rectifier ces erreurs dont il n’est pas évident de savoir si elles sont imputables au ministère de l’Intérieur ou aux partis. Cela étant, l’estimation qui va suivre peut donc comprendre certaines discordances avec les dotations qui seront effectivement attribuées à partir de l’année prochaine et pour l’ensemble de la XVIe législature.

L’estimation de la dotation globale relative au financement des partis politiques durant la XVIe législature

Pour donner une estimation au plus près du niveau d’aide à laquelle pourront prétendre les différents partis en lice pour les élections législatives de juin 2022, nous partirons du montant de la dotation globale annuelle retenue durant la XVe législature, en l’occurrence 68 670 672 € pour les deux fractions de l’aide publique aux partis politiques. La moitié de cette somme étant dédiée aux partis étant représentés au Parlement (à hauteur de 37 119,28 € par élu dans un Parlement comprenant 577 députés et 348 sénateurs), il reste une enveloppe annuelle de 34 335 336 € à répartir entre les partis et groupements politiques remplissant les conditions pour bénéficier de l’aide publique fondée sur le résultat du 1er tour des élections législatives. À l’issue de ce scrutin, 43 partis ou groupements (dont 23 exclusivement en outre-mer) remplissent ces conditions en se partageant 21 768 099 voix, sous réserve des éventuelles inéligibilités pouvant être prononcées à l’avenir. Cela donne donc une aide annuelle équivalente à environ 1 ,577 € par voix hors modulation parité. À ce stade, il est intéressant de souligner qu’en dépit d’une relative stagnation du nombre de suffrages exprimés par rapport au 1er tour des élections législatives de 2017 (+ 90 544 en 2022), le nombre de voix prises en compte a augmenté de 847 501, ce qui traduit une certaine dispersion de la vie politique française (sous la XVe législature, seuls 32 partis ou groupements ont pu prétendre à l’aide).

L’aide publique pour le groupement Ensemble !

Comme nous l’avons mentionné, Ensemble ! est un groupement comprenant plusieurs partis politiques, mais dont l’accord constitutif prévoit que l’ensemble des candidats se rattache exclusivement à celui-ci pour le versement annuel de l’aide publique. Celle-ci devrait ensuite être reversée aux différents partis membres en fonction des résultats obtenus par leurs candidats aux élections. Il appartiendra donc aux cadres de la coalition de réaliser une analyse interne des résultats par formation politique. En revanche, le calcul de l’aide publique versée paraît beaucoup plus simple pour les observateurs externes, puisqu’il suffit de se baser sur la liste des candidates et candidats et sur les résultats définitifs publiés par le ministère de l’Intérieur. Concernant les candidatures officielles Ensemble !, on en dénombre 555 sous la nuance ENS. Si la quasi-totalité de ces candidats sont effectivement investis par Ensemble ! (les seules exceptions concernant trois candidats polynésiens investis par un parti local), 5 candidats présentés en outre-mer et en Corse-du-Sud nuancés divers droite, divers centre et UDI sont également associés à cette formation pour le calcul de l’aide publique. Ce sont donc au final 557 candidats effectivement rattachés à ce groupement. Avec 287 hommes pour 270 femmes, nous pouvons constater un écart de 3,05 % et donc une modulation parité qui s’élève à 5 %. Pour ce qui est des voix prises en compte, on en dénombre 5 845 574, ce qui est relativement proche du résultat officiel de la nuance ENS (5 857 561 selon les chiffres du ministère de l’Intérieur). En intégrant la modulation parité, la fraction de l’aide publique annuelle liée aux résultats pour les partis de cette coalition est donc estimée à 8 796 439,7 €. Par ailleurs, avec 246 députés élus et 37 sénateurs rattachés (chiffres 2022), la coalition Ensemble ! bénéficiera également d’une aide annuelle de 10 504 756,24 €, sachant que la représentation au Parlement peut évoluer en cours de législature (il est en cela probable que Damien Abad ou son suppléant se rattachera à l’un des partis de la majorité).

L’aide publique pour les partis de la NUPES

Comme nous l’avons dit précédemment, le calcul de l’aide publique prévisionnelle des partis de la NUPES apparaît moins aisé au vu de la présentation des résultats par nuance. Il a donc été nécessaire de laisser de côté la présentation nationale des résultats qui a tant fait couler d’encre, pour en revenir à une analyse circonscription par circonscription visant à déterminer le montant de l’aide à laquelle peut prétendre chacun des partis membres de l’alliance. Il est alors intéressant de relever l’ambigüité qu’ont pu avoir certains membres de la coalition à l’égard de candidats pourtant dissidents.

L’aide publique prévisionnelle de La France insoumise

Principale formation de la NUPES, LFI a présenté 338 candidat(e)s, comprenant 167 hommes pour 171 femmes. Cela constituant un différentiel de 1,18 %, le parti ne fera pas l’objet de la modulation parité. Précisons que parmi ces candidats, 11 ont été investis en Corse et en outre-mer sans être inclus dans la nuance NUPES. Par ailleurs, on note 2 candidates étiquetées LFI dans le Gers et dans la Sarthe, qui n’ont pourtant pas été investies par le parti, dont une qui a été finalement élue (Elise Leboucher dans la 4e circonscription de la Sarthe). Si l’on avait pu penser que cela puisse s’expliquer par la nécessité de se conformer aux règles de parité entre candidatures, le seuil de 2 % n’aurait pas pour autant été dépassé. Notons que si ces voix ne sont pas décomptées pour le calcul de la fraction de l’aide liée aux résultats, rien n’empêche en revanche pour la députée élue d’être rattachée à LFI pour le versement de l’aide liée à sa représentation au Parlement. Avec 3 363 903 voix, La France insoumise devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 5 304 875,03 € au vu des résultats de ses candidats et de 2 709 707,44 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (73 députés et 0 sénateur).

Remarque : si le groupe LFI à l’Assemblée nationale affiche aujourd’hui 75 membres, précisons que certains peuvent être rattachés à des partis ultramarins d’où l’incertitude quant au nombre exact de parlementaires pris en compte. Pour cette estimation, nous nous en sommes tenu à ceux qui ont été, ou aurait dû – comme Elise Boucher – être investis pour cette élection, soit 73 députés. 

L’aide publique prévisionnelle d’Europe écologie les Verts

EELV a investi 108 candidat(e)s, sachant que cela comprend également la plupart des candidatures présentées par les petits partis de la NUPES tels que Génération. s ou Génération Écologie. Avec 53 hommes pour 55 femmes, le parti reste sous le seuil des 2 % (1,85 % d’écart) et échappe donc à la modulation parité. 9 candidat(e)s ne sont pas présentés sous la nuance NUPES, essentiellement en outre-mer. On note toutefois une exception notable dans la 8e circonscription de Haute-Garonne où a concouru une candidate investie EELV (Annabelle Fauvernier) face au candidat socialiste Joël Aviragnet. Ce doublon de candidatures à gauche peut donc expliquer le fait que ce dernier n’ait pas été classé sous la nuance NUPES par le ministère de l’Intérieur.  

Avec 1 157 263 voix, EELV devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 1 825 003,75 € au vu des résultats de ses candidats et de 1 299 174,8 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (23 députés et 12 sénateurs à ce jour).

L’aide publique prévisionnelle du Parti socialiste

Le PS a présenté 74 candidat(e)s, comprenant 38 hommes pour 36 femmes. Cela constituant un différentiel de 2,7 %, le parti s’expose à une modulation parité de 4 %. Parmi ces candidats, 11 ne sont pas inscrits sous la nuance NUPES, dont 5 en métropole. Outre les cas controversés de Joël Aviragnet, Hervé Saulignac et Dominique Potier alors nuancés DVG, on notera également deux candidatures dissidentes PS à Paris (Lamia El Aaraje) et dans la Sarthe (la députée sortante Sylvie Tolmont). Le cas de cette dernière interroge dans la mesure où elle fut présentée dans la circonscription où la candidate officielle de la NUPES n’a été investie par aucun parti. En dehors de ces candidats demeurant rattachés au parti, il convient de mentionner la présence d’un certain nombre de candidats PS dissidents dont l’investiture pour le versement de l’aide publique a été délivrée par le Parti radical de gauche. 92 candidats (47 hommes et 45 femmes) ont ainsi été investis par le PRG, lui offrant ainsi 256 308 voix et 391 017,36 € d’aide publique.

Au final, les candidats investis officiellement par le PS ont obtenu 863 311 voix, ce qui devrait leur offrir une aide annuelle prévisionnelle, modulation parité incluse, de 1 306 247,87 € au vu des résultats de ses candidats et de 3 337 854,48 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (28 députés et 63 sénateurs à ce jour).

L’aide publique prévisionnelle du Parti communiste français

Le PCF a présenté 55 candidat(e)s, comprenant 27 hommes pour 28 femmes. Cela constituant un différentiel de 1,82 %, le parti ne fera pas l’objet de la modulation parité. Parmi ces candidats, 4 ne sont pas inscrits sous la nuance NUPES dont 1 dissident en métropole dans la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis. En dehors de ce dissident « officiel », 11 autres candidats se revendiquant du PCF se sont présentés contre des candidats NUPES, mais sans pour autant solliciter le rattachement à un autre parti. Les voix obtenues par ces candidats ne sont donc pas prises en compte.

Avec 530 464 voix, le PCF devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 836 541,73 € au vu des résultats de ses candidats et de 1 039 339,84 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (12 députés et 16 sénateurs à ce jour).

Pour conclure sur cette analyse relative à l’aide publique dont seront bénéficiaires les partis de la NUPES et contribuer ainsi à la bataille de chiffres ayant suivi le 1er tour, on notera un total de 5 914 941 voix pour une aide annuelle totale estimée à 9 272 668,38 € au vu des résultats des candidats présentés par les partis de la NUPES et à 8 386 076,56 € au vu du nombre de parlementaires qui y sont rattachés. Il y a donc effectivement un léger avantage à ces partis en ce qui concerne le nombre de voix comparativement à la coalition Ensemble ! (+ 69 367), mais un niveau de financement global qui est en revanche nettement inférieur (- 1 642 451 €).

L’aide publique attribuée aux autres formations politiques nationales

En dehors des deux grandes coalitions précédemment étudiées, 15 autres partis nationaux sont éligibles au versement de l’aide publique liée aux résultats. Il s’agit, par ordre d’importance en nombre de voix, du Rassemblement national, du parti Les Républicains, de Reconquête !, de la formation Régions et peuples solidaires, du Parti animaliste, du Parti radical de gauche, de l’Union des démocrates européens centristes et indépendants (UDECI), de Lutte ouvrière, du Mouvement écologiste indépendant, de la formation Écologie au centre, des Patriotes, de Debout la France, de la Gauche républicaine, de l’Alliance centriste et du mouvement de la Ruralité. Dans le cadre de la présente étude, nous évoquerons seulement les principales formations représentées au Parlement. Nous ne reviendrons pas, par ailleurs, sur les 23 partis éligibles ayant présenté exclusivement des candidats en outre-mer.

Le Rassemblement national

En obtenant l’élection de 88 députés, le RN apparaît comme la deuxième force politique nationale et, par voie de conséquence, le deuxième parti bénéficiant le plus de l’aide publique après la coalition Ensemble ! Le RN a présenté 565 candidat(e)s, comprenant 286 hommes pour 279 femmes. Cela constituant un différentiel de 1,24 %, le parti ne fera pas l’objet de la modulation parité. Si l’ensemble de ces candidats sont nuancés RN, il convient de souligner que deux candidats nuancés RN n’ont pas été investis par le parti : un l’a été par une formation politique ultramarine et l’autre l’a été par le parti Reconquête ! Avec un total de 982 447 voix et une députée élue, ce dernier devrait bénéficier d’une aide annuelle de 1 586 438,2 €.

Les candidats investis par le RN ont de leur côté récolté un total de 4 231 125 voix, le parti devant bénéficier d’une aide publique annuelle estimée à 6 672 484,13 € au vu des résultats et à 3 303 615,92 € au vu du nombre de parlementaires qui y sont rattachés (88 députés et 1 sénateur).

Les Républicains

LR a présenté 424 candidat(e)s, comprenant 262 hommes pour 162 femmes. Cela constituant un différentiel de 23,58 %, le parti s’expose à une modulation parité de 35 %, ce qui constitue à ce jour le record si l’on exclut le cas des petits partis outre-mer ayant présenté exclusivement des candidats d’un seul sexe. Conscient de ce problème, le parti a opté pour une stratégie visant à sous-investir les candidats masculins, 34 candidats nuancés LR n’ayant pas été présentés par le parti. Le faible nombre de voix obtenues par ces candidats tend à démontrer que leur non-investiture a pu être un calcul visant à minorer l’impact de la modulation parité. Il y a néanmoins ici une interrogation quant à un contournement manifeste de l’exigence de parité entre candidates et candidats que le parti gaulliste a toujours eu du mal à respecter. Une autre spécificité doit être également mentionnée concernant deux candidats néocalédoniens (Thierry Santa et Virginie Ruffenacht) qui ont été doublement investis par le parti et par son démembrement local Le Rassemblement Les Républicains. Si l’esprit de la loi semble impliquer que l’on ne peut se rattacher qu’à un seul parti, rien n’interdit formellement cette pratique concernant la fraction de l’aide liée aux résultats. Par comparaison, le texte est beaucoup plus clair concernant la fraction liée à la représentation au Parlement, l’article 9 de la loi de 1988 disposant que « Chaque membre du Parlement ne peut indiquer qu’un seul parti ou groupement politique ». Au regard de cette ambigüité et de l’enregistrement sans réserve de cette double investiture par le ministère de l’Intérieur, nous avons donc pris le parti de décompter normalement les voix associées à ces deux candidats.

Avec 2 345 345 voix, le parti Les Républicains devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 2 390 138,88 € au vu des résultats de ses candidats et de 7 535 213,84 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (62 députés et 141 sénateurs à ce jour).

Régions et peuples solidaires

Avec 6 députés élus, l’alliance régionaliste « Régions et peuples solidaires » constitue la 8e formation politique à envoyer le plus de députés à l’Assemblée nationale. Ce succès se traduit par une augmentation du nombre de voix récoltées au 1er tour des élections législatives avec un total de 378 126 voix pour les candidats rattachés contre 167 838 en 2017. Avec 312 candidatures comprenant 157 candidats et 155 candidates (un écart de 0,64 %), le parti ne fera pas l’objet de la modulation parité. Précisons par ailleurs qu’en dépit d’une organisation claire des investitures, les candidats de cette formation politique sont classés sous diverses nuances, notamment régionaliste, mais aussi LR, ECO ou encore divers extrême gauche. Il y a donc là une véritable disparité entre la lecture des résultats par nuance et par investiture. Au final, ce parti devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 596 304,70 € au vu des résultats de ses candidats et de 742 385,60 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (6 députés et 14 sénateurs à ce jour).

L’Union des démocrates européens, centristes et indépendants

Le groupement UDECI constitue une alliance analogue à ce qu’est la formation Ensemble ! en ce qu’il réunit sous cette bannière des candidats issus de diverses formations politiques centristes, en particulier ceux de l’Union des démocrates et indépendants (UDI). La plupart de ces candidats sont alors nuancés UDI ce qui facilite la lisibilité de ces résultats. Avec 79 candidatures comprenant 39 hommes pour 40 femmes (un écart de 1,27 %), cette formation ne fera pas l’objet de modulation parité. Au final, elle devrait bénéficier d’une aide annuelle prévisionnelle de 368 133,30 € au vu des résultats de ses candidats et de 2 264 276,08 € au vu du nombre de parlementaires rattachés (5 députés et 56 sénateurs à ce jour).

Pour conclure cette réflexion sur l’enjeu financier des élections législatives, on peut noter le fait que si la lecture politique a pu déterminer le Conseil d’État dans l’attribution des nuances pour la présentation des résultats, on ne peut faire l’impasse sur la lecture juridique lorsqu’il est question de déterminer le niveau d’aide publique auquel ont droit les différents partis en lice. Aussi, l’étude approfondie de la question du rattachement des candidats aux partis souhaitant bénéficier de l’aide publique dénote d’une certaine divergence avec la présentation des résultats par nuance. Les élections législatives de juin 2022 ont ainsi été fortement marquées par des controverses quant à la manière de décompter les forces en présence. En un sens, le prisme financier apporte une vision plus objective des choses. Il pourrait donc être opportun, dans le cadre de la réforme électorale envisagée, de poser la question des modalités de présentation des résultats. De fait, si l’on en revient à la proportionnelle, il y aura de toute façon nécessité de trouver une présentation des résultats plus claire que celle retenue actuellement. Au vu de la composition de la XVIe législature et des difficultés probables pour le Gouvernement d’en faire émerger une majorité, il n’est pas exclu que ce débat se pose plus rapidement que prévu en cas de dissolution. À noter d’ailleurs que si celle-ci devait survenir durant l’année 2022, l’élection qui s’ensuivrait effacerait totalement les résultats des élections législatives qui viennent de s’achever et remettrait donc en cause les aides publiques annuelles prévisionnelles versées aux partis politiques à partir de l’année 2023.

Zérah Brémond