Consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie : les spécificités du référendum [R. Rambaud]

Ce dimanche 4 novembre est organisée la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie : un référendum évidemment essentiel pour la population de ce territoire. S’il n’est pas le lieu ici de traiter en détail de cet outil sur le plan politique, ce qui sera beaucoup fait ce week-end par des personnes très averties, il est possible de mettre en avant quelques éléments d’un outil présentant de nombreuses singularités. On renverra aussi pour compléter l’analyse à l’article de notre collège Géraldine Giraudeau sur le blog Jus Politicum écrit en décembre 2017.

Fondée sur l’article 77 de la Constitution, qui fait référence aux  » conditions et (…) délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté », cette consultation est organisée par les articles 216 et s. de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, modifiée par la loi organique n°2018-280 du 19 avril 2018 relative à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, et par le décret n° 2018-457 du 6 juin 2018 portant convocation des électeurs et organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

La question qui sera posée est « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Les électeurs répondront par OUI ou par NON. Si les habitants de Nouvelle-Calédonie répondent OUI, la Nouvelle-Calédonie deviendra un Etat indépendant.

Cette consultation est singulière sur de nombreux aspects, concernant le corps électoral, les règles de campagne électorale, les opérations électorales et le contentieux.

Le corps électoral

Le corps électoral, tout d’abord, est spécifique avec un corps électoral spécial pour cette élection, traduit par la mise en place d’une liste électorale spéciale pour la consultation.

L’article 218 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 fixe les critères à remplir pour participer au référendum : elle fixe des conditions très complexes et très controversées pour pouvoir voter en tant qu’il ne concerne pas tous les français domiciliés en Nouvelle-Calédonie mais érige un corps électoral restreint. Il faut pour voter a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; b) N’étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ; c) N’ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ; d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux ; e) Avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux ; f) Pouvoir justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ; g) Etre nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ; h) Etre nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. Un système très baroque, faisant au droit du sang ou à un droit du sol très exigeant une place inhabituelle. Mais ce n’est pas nouveau.

Le campagne électorale

La campagne électorale s’avère aussi originale en tant qu’elle s’articule autour d’une égalité entre les partisans et les opposants à l’indépendance.

En effet, il a été institué une commission de contrôle de l’organisation et du déroulement de la consultation, présidée par un conseiller d’Etat et composée de magistrats administratifs et judiciaire. Cette commission de contrôle a pour mission de veiller à la régularité et à la sincérité de la consultation et est notamment chargée de dresser la liste des partis et groupements habilités à participer à la campagne en raison de leur représentativité en Nouvelle-Calédonie qui s’apprécie au vu de leur représentation au sein du congrès. En effet trois heures d’émissions radiodiffusées et trois heures d’émissions télévisées sont mises à disposition des partis habilités et ces temps d’antenne sont répartis, entre les partis ou groupements habilités à participer à la campagne, par accord entre les présidents des groupes au congrès, sans que cette répartition puisse conduire à octroyer à l’un de ces partis ou groupements un temps d’antenne hors de proportion avec sa représentation au congrès. La commissions statue en cas d’absence d’accord.

La commission de contrôle de l’organisation et du déroulement de la consultation s’est réunie le 19 juin 2018 afin de statuer sur les demandes des partis et groupements politiques souhaitant participer à la campagne officielle. Sont ainsi habilités à participer à la campagne officielle d’une part les partis et groupements non indépendantistes : les Républicains calédoniens, les Républicains Rassemblement Mouvement Populaire Calédonien, Calédonie ensemble et d’autre part les partis et groupements indépendantistes Union Nationale pour l’Indépendance, UC FNLKS et nationalistes.

Ce qui est à souligner ici est que par accord en août 2018, les partis indépendantistes et non indépendantes se sont mis d’accord pour une répartition égalitaire entre les partis de tendance indépendantiste et les partis de tendance non-indépendantiste. Un système de répartition des temps de parole « à l’anglaise » peu courante pour un référendum en France : par exemple, le référendum en 2005 n’avait pas suivi une telle structure. Signe de pacification, il faudra en voir les effets.

Au delà même des émissions de campagne officielle, on constate qu’il est également prévu que les chaînes de télévision et le CSA veillent, à compter du début de la campagne et jusqu’à la veille du scrutin à zéro heure, à ce que les partis et groupements politiques bénéficient d’une présentation et d’un accès à l’antenne équitables en ce qui concerne la reproduction des déclarations et écrits émanant des représentants de chaque parti ou groupement politique.

Les dépenses de campagne électorale faites par chaque parti à partir de son habilitation par la commission de contrôle pourront être remboursées par l’État dans la limite d’un plafond de 13 millions de francs Pacifique. Seuls les frais d’impression des affiches, circulaires, tracts et brochures, les frais d’apposition d’affiches et les frais liés à la tenue de manifestations et de réunions pourront être remboursés. Il faut noter ici que les groupes ou partis pourront faire imprimer une circulaire, à condition de respecter les exigences du code électoral, ce qui n’est pas non plus habituel dans le cadre d’un référendum national.

Les opérations électorales

Concernant les opérations électorales, outre la question de l’existence d’une liste spéciale et de procédures d’inscription d’office sur les listes, certains spécificités peuvent être mentionnées.

Il existe des bureaux de vote délocalisés. La loi organique du 19 avril 2018 prévoit que les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à la consultation des communes de Bélep, de l’île des Pins, de Lifou, de Maré et d’Ouvéa peuvent, à leur demande, participer au référendum dans les bureaux de vote ouverts à cet effet à Nouméa sous la responsabilité du maire de chaque commune concernée.

Le vote par procuration est possible mais les règles de procuration sont plus strictes que pour les autres scrutins. En effet, l’électeur doit fournir un justificatif pour démontrer son absence ou son incapacité à se rendre dans son bureau de vote. La procuration ne peut être donnée qu’à un électeur lui-même inscrit sur la liste spéciale.

Concernant le résultat, la commission de contrôle achève les travaux de recensement des votes et proclame les résultats au plus tard le 5 novembre 2018, à dix-huit heures.

On notera enfin, situation assez rare, que le scrutin sous déroulera avec des observateurs de l’ONU et des pays voisins, ce qui est bien entendu justifié par le contexte.

Le contentieux de la consultation

En vertu de l’article 220 de la loi organique de 1999, la régularité de la consultation peut être contestée par tout électeur admis à y participer et par le haut-commissaire devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux. Les recours sont déposés soit au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, soit auprès du haut-commissaire dans les dix jours suivant la proclamation des résultats. Une ouverture contentieuse très forte donc, et à la différence d’un référendum national soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, il pourra y avoir un contentieux a posteriori.

Conclusion

Les modalités électorales adoptées en Nouvelle-Calédonie sont spécifiques et semblent adaptées à la volonté des acteurs eux-mêmes concernant les modalités du vote. Il est donc possible de penser que les conditions ont été réunies pour un scrutin sincère. Résultat dimanche.

Romain Rambaud