28/05/2012 : Législatives – les problèmes des sondages réalisés par des instituts inexpérimentés commencent !

Comme nous l’avions souligné dans un article précédent du 07 mai 2012 : l’élection présidentielle est terminée, cap sur les législatives ! Des problèmes spécifiques des sondages pendant les élections, les sondages électoraux posent des problèmes particuliers pendant les élections législatives, car ils sont utilisés par les candidats comme des armes contre les autres candidats, alors même que leur qualité est souvent moindre que les sondages nationaux car souvent réalisés par des instituts inexpérimentés.

 

La guerre des sondages dans la 10ème circonscription du Nord

 

Ce problème a connu une illustration significative dans la 10 ème circonscription du Nord. La voix du Nord fait état d’une « guerre des sondages » entre Christian Vanneste et Gérald Darmanin, les candidats de la droite, qui porte même sur les techniques de réalisation de ces sondages, ce qui ne peut manquer de nous intéresser.

Ainsi, comme le relate la voix du Nord sur son internet et vous pouvez cliquer ici pour le lien, c’est bien une lutte de technique sondagière qui existe ici. Par exemple :

A l’étude électorale commandée par Christian Vanneste à Aléa-Opinion (« La Voix » d’hier), Gérald Darmanin oppose un sondage qu’il a commandé à l’IFOP, début avril (*).

« Mon sondage a été fait avant le sien et présente tous les standards de sérieux. Il a été réalisé auprès de 600 personnes et non 300 comme celui de Christian Vanneste. Au second tour, si je suis le seul candidat de la droite républicaine dans la circonscription, je gagnerai, en effet, par 53/47 %, ce qui correspond exactement aux résultats de la présidentielle. Et 92 % des gens qui ont voté Vanneste en 2007 voteraient pour moi aujourd’hui », observe le candidat que l’UMP vient de conforter dans son investiture. Il faut, bien sûr, rappeler que le sondage date d’avant la demande de ré-inivestiture de Christian Vanneste ».

Cette guerre des sondages est donc un cas de figure fort intéressant, d’autant que le sondage qui est cité ici a finalement fait l’objet d’une mise au point de la Commission des sondages !

 

La correction de la Commission des sondages

 

Le samedi 26 mai 2012, La Voix du Nord a publié un communiqué de la Commission des sondages concernant un sondage publié relatif aux élections législatives réalisé par l’Institut Aléa, pour la dixième circonscription du Nord, commandé par Christian Vanneste.

On peut retrouver ce communiqué et l’article qui y est associé sur le lien URL suivant : http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Tourcoing/actualite/Secteur_Tourcoing/2012/05/26/article

Le communiqué de la Commission des sondages, comme d’habitude, n’entre pas dans le détail de ce qui a posé problème dans la construction du sondage, mais il semble qu’il s’agisse de problèmes méthodologiques assez fondamentaux puisqu’ils touchent à la représentativité de l’échantillon et notamment aux techniques de redressement politique de cet échantillon :

 « La méthode utilisée par l’institut Aléa pour établir les scores publiés a suscité des interrogations de la part de la commission des sondages. Invité à fournir des informations complémentaires, l’institut de sondage a donné des explications qui n’ont pas paru suffisantes à la commission. D’une part, il apparaît que les modalités de constitution de l’échantillon des personnes interrogées ne permettent pas de s’assurer de sa représentativité. D’autre part, la commission n’a pas été mise à même de justifier la cohérence de la méthode utilisée pour redresser les résultats bruts. Dans ces conditions, la commission estime que les résultats de ce sondage sont dépourvus de tout caractère significatif… ».

 

Ce communiqué n’est pas sans rappeler le problème auquel nous faisions référence quant à la spécificité des élections législatives du point de vue du contrôle des sondages dans ce blog, et nous renvoyions ici à l’article cité au tout début de ce billet. Nous faisions ici référence au fait que dans les législatives, les problèmes viennent souvent de petits instituts ou d’instituts débutants qui ne respectent pas forcément les méthodes classiques de construction des sondages.

Il semble que le problème ait ici frappé. La méthode de cet institut, fondé sur une méthode aléatoire, semble ne pas avoir convaincu la Commission des sondages, même si l’on ne peut avoir de détail sur ce qu’elle a estimé précisément.

En tout cas, le sondage dont il s’agit ici voit sa validité complètement remise en cause. Il faut dire que M. Vanneste est une personnalité politique plutôt… controversée… un peu comme les sondages qu’il commande, en somme.

 

Les conséquences sur la validité de l’élection

 

De manière générale, ainsi que nous l’avons démontré dans notre ouvrage, le juge électoral se comporte de manière indépendante vis à vis du droit des sondages : la publication de ce faux sondage ne risque pas d’invalider l’élection, sauf à démontrer qu’il a faussé la sincérité du scrutin… ce qui n’arrivé à notre connaissance qu’une seule fois, en 1984 : arrêt Elections municipales d’Etampes, n° 51584, 23 janvier 1984.

 

Par contre, et M. Darmanin pourrait utilement y penser, rien ne l’empêche de mettre à profit cette mauvaise réalisation du sondage à son profit électoral : ainsi, dans une décision de 1978, le Conseil constitutionnel a refusé d’annuler une élection au cours de laquelle un candidat aux législatives avait placardé, partout, une mise au point de la Commission des sondages insistant sur le fait qu’un sondage réalisé par l’adversaire était bidon !!! Voir Conseil constitutionnel, n° 78-836 AN, 10 mai 1978.

 

Espérons que M. Darmanin soit un électeur assidu de ce blog !

 

Romain Rambaud