18/01/2013 : Droit constitutionnel et droit des sondages italiens, de l’importance des sondages locaux dans un Etat régional

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(Le droit des sondages sur Facebook, c’est ici !)

L’actualité est particulièrement chargée ces derniers jours, ce qui explique sans doute partiellement la faible médiatisation de la campagne législative italienne qui a lieu actuellement et qui s’achèvera dans un peu moins d’un mois. Pourtant, il fait peu de doutes que cette élection sera très importante pour l’avenir de la zone euro.

Or, c’est bien l’incertitude sur son issue qui caractérise pour le moment cette élection. Ainsi que le relevait Le Monde dans son édition d’hier, l’Italie pourrait se trouver sans majorité claire après les élections. Certes, la coalition de gauche est donnée gagnante dans tous les sondages, contre la coalition de droite de Silvio Berlusconi ou la coalition de centre droit de Mario Monti. Néanmoins, il n’est pas dit que cette avance se transforme en présidence du Conseil et en gouvernement stable, pour deux raisons tenant aux particularités du régime constitutionnel italien et notamment sa nature d’Etat Régional.

Cette dernière caractéristique a alors un impact important sur les sondages : à la différence de la France où l’élection présidentielle phagocyte toutes les autres, les élections se déroulant au niveau régional ont une très grande importance en Italie ; ce qui ne manque pas de rejaillir sur la production, très importante, de sondages régionaux.

 

Les particularités du système constitutionnel italien : régime parlementaire et Etat régional.

Deux raisons principales concourent à l’incertitude actuelle qui règne sur les résultats des élections parlementaires italiennes.

 

Les incertitudes liées au régime parlementaire

La première raison tient à la nature du régime, à savoir que l’Italie est un régime parlementaire. Or, dans le cadre de la présente élection, la majorité, ou l’étendue de celle-ci, n’est pas totalement acquise à la Chambre des députés à la coalition de gauche. La Chambre des députés est, comme toutes les chambres basses et en application de l’article 56 de la Constitution italienne, élue au suffrage universel direct, lequel risque d’entraîner, au regard du nombre de partis et de la dispersion des voix qu’on constate dans les sondages, un éclatement du pouvoir. Cependant, dans l’hypothèse où l’avance donnée par les sondages à la coalition de gauche se réaliserait dans les urnes, celle-ci pourrait disposer de la « prime majoritaire nationale » dont dispose la coalition en tête, ce qui pourrait lui donner jusqu’à 55% des voix.

Ce dispositif a pour but d’éviter l’instabilité ministérielle, mais ne réduit pas toutes les incertitudes, au regard des complexités du régime parlementaire italien. On a d’ailleurs déjà abordé ici les problèmes que pose un tel un système en matière de sondages : le travail des sondeurs consiste beaucoup à imaginer les coalitions possibles, et de ce point de vue, la position de Mario Monti, qui pourrait s’allier à la gauche, se révélera déterminante.

Des sondages publiés récemment en Italie commencent d’ailleurs à interroger les italiens sur leurs souhaits en cas d’absence de majorité claire : pour l’instant, ils semblent partagés entre l’organisation d’un nouveau vote et une coalition entre Bersani et Monti.

Mais ce n’est pas le seul problème.

 

Les incertitudes liées à la nature régionale de l’Etat.

La deuxième explication aux incertitudes actuelles sur les résultats des élections tient au fait que que l’Italie n’est pas un Etat unitaire comme la France ou fédéral comme les Etats-Unis mais un Etat que l’on qualifie, en droit constitutionnel, d’Etat Régional. L’Etat régional est une sorte d’entre-deux que l’on trouve également en Espagne et qui se caractérise par des autonomies locales très poussées, sans qu’on leur reconnaisse pourtant la qualité à part entière d’Etat fédéré.

Conformément à son histoire, l’Italie réalise cette synthèse entre ses entités régionales et son unité de civilisation : ainsi, l’article 5 de la Constitution italienne prévoit que « La République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales ».

C’est alors le Sénat qui, comme la plupart des chambres hautes, vise à représenter ces autonomies locales. Toutefois, l’importance de celles-ci en Italie conduit à la mise en place d’un régime  qui ne ressemble en rien au régime français.  Ainsi, l’article 57 de la Constitution italienne prévoit que le Sénat est élu  sur une base régionale, la répartition des sièges étant proportion du nombre de la population dans chaque région. Par ailleurs, l’article 58 de la Constitution prévoit que les sénateurs sont élus au suffrage universel direct. Enfin, les articles 70 et suivants de la Constitution italienne mettent en place un bi-bicaméralisme quasi égalitaire, c’est à dire un système dans lequel le Sénat dispose d’un pouvoir quasi-équivalent à l’Assemblée Nationale.

Or, ce  point pose des difficultés du point de vue de la majorité parlementaire. Car si la majorité à la Chambre des députés pourrait aller à  la gauche, le Sénat pourrait rester à la droite. Comme le relève Le Monde dans l’article précité, nombre de grandes régions d’Italie sont des bastions historiques de la droite. L’hypothèse de deux chambres étant de couleur politique différente n’est pas absurde, ce qui pourrait entraîner une sorte de cohabitation en Italie, rendant la gestion du pays d’autant plus difficile.

Cette incertitude explique la très grande importance des sondages régionaux en Italie.

 

L’importance des sondages régionaux en Italie

Outre l’élection à la Chambre des députés, des élections auront donc lieu au Sénat le même jour, les 24 et 25 février 2013, manifestation parlementaire de la nature régionale de l’Etat.

Mais par ailleurs, et pour ne rien simplifier, un certain nombre d’élections locales, à vocation strictement régionales destinées à élire les organes des régions, seront aussi organisées en même temps : c’est le cas dans les régions du Lazion, de Lombardie et de Molise. Et il n’est pas rare, en Italie, que des élections régionales soient organisées le même jour que des élections nationales, renforçant la nature régionale de cet Etat.

Pour toutes ces élections, les règles relatives aux sondages électoraux s’appliquent : on peut se référer sur ce point à la delibera de l’AGCOM 666/12 pour les premières et à la delibera 13/13 pour les secondes. C’est notamment en application de ces principes que les sondages régionaux sont également publiés sur le site officiel de la présidence du Conseil auquel on a déjà fait référence de nombreuses fois sur ce blog.

Or, ces deux élections concourent à la multiplication de la réalisation de sondages régionaux en Italie, qui sont très courants, qu’ils concernent les élections au Sénat ou les élections régionales au sens strict. Ainsi, le site officiel de la présidence du Conseil recense un nombre très important de sondages locaux.

On peut citer ici un certain nombre d’exemples : ainsi un sondage réalisé par Euromedia research pour l’Observatoire politique d’Euromedia Reseach et publié le 16/01/2013 relatif aux élections au Sénat dans les régions de Lombardie, Venise, Campania et Sicile, où la droite talonne voire dépasse la gauche. Ou encore, un sondage réalisé par Ipsos pour le Parti Démocrate de Lombardie publié le 15/01/2013 concernant l’élection régionale. En outre, on trouve des sondages testant à la fois les élections à la Chambre des députés et les élections au Sénat, le champ d’enquête étant alors national pour la première élection et régional pour la seconde : ainsi d’un sondage réalisé par IPR Marketing pour Magniole Telecom Italie Media La7et  publié le 14/01/2013.  On pourrait encore multiplier les exemples, le nombre de sondages réalisés en Italie étant, on le sait, considérable.

 

Les sondages régionaux sont donc très courants, parce que très importants, en Italie. Cela est sans aucun doute lié à la nature régionale de cet Etat. Ceci est une différence notable avec le système français où si, certes, des sondages locaux existent et parfois sont publiés ou fuitent dans la presse, ils sont finalement peu importants pour le système politique, tout entier accaparé par l’élection présidentielle.

De quoi démontrer une nouvelle fois les liens indissociables entre le droit des sondages et le système constitutionnel d’un pays, idée forte du droit comparé des sondages électoraux.

 

Romain Rambaud

 

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