Chères lectrices et chers lecteurs,
Nous nous sommes quittés en 2019 avec un joli cadeau de Noël, la publication par le ministère de l’intérieur de ses nécessaires (quoi que non suffisants) mémentos (ou « guides ») du candidat pour les élections municipales. Le Gouvernement (notamment le ministère de l’intérieur) a aussi pensé aux vœux de la nouvelle année en nous offrant un autre cadeau : la fin promise des applications absurdes de l’interdiction de la combinaison « bleu, blanc, rouge » dans les documents de propagande électorale officielle (affiches et circulaires ; les bulletins de vote ne peuvent avoir qu’une seule couleur).
Cette règle est issue de l’article R. 27 al. 1 du code électoral, qui disposait jusqu’au 31 janvier 2019 : « Les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique sont interdites ». Le 27 décembre a été publié un décret de simplification (ce décret pourrait être analysé en rapport avec les deux lois de clarification du 2 décembre 2019, mais ceci est un autre sujet qui fera l’objet d’une publication à l’AJDA et/ou d’un article de blog), le décret n°2019-1494 du 27 décembre 2019 portant diverses modifications du code électoral et du décret n° 79-160 du 28 février 1979 portant application de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Ce décret entre en vigueur dès le 1er janvier 2020. Il procède à des ajustements mineurs du droit électoral dont la plupart n’auront pas d’impact sur les élections municipales de 2020.
Il existe cependant une exception de taille : son article 1 7° dispose que à l’article R. 27, le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes : « Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ».
La précision selon laquelle l’interdiction vaut pour l’emblème national (ce qui est une clarification importante qui règle la question de l’utilisation du drapeau) et pour la « juxtaposition » (et non plus la « combinaison ») des couleurs bleu, blanc, rouge dans l’hypothèse où elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national – mais seulement dans cette hypothèse -, vise à résoudre le problème récurrent de l’excès de zèle de certaines commissions de propagande (voire même en amont, d’imprimeurs !), dans l’application de cette règle, qui pouvaient par exemple voir dans une cravate rayée ou dans la présence d’un ciel bleu, d’une chemise blanche et d’une veste rouge, la présence interdite des trois couleurs. Certaines applications de cette règle confinaient à l’absurde, comme tous les acteurs ont pu à un moment donné ou à un autre le constater dans leur pratique. Ce point avait d’ailleurs fait l’objet de discussions lors du débat parlementaire sur les lois de clarification.
Ici, il ne faut pas perdre de vue le fait que ces principes sont faits, historiquement (on pense notamment au IInd Empire) comme de façon contemporaine, pour ne pas donner l’impression qu’il existe des candidatures « officielles » ou « institutionnelles » (Rép. min. n° 16703, JO Sénat Q 19 mai 2016, p. 2095 ; CE, 17 févr. 2015, n°380893, Él. des conseillers consulaires et des délégués consulaires pour la circonscription de Bruxelles ; Cons. const., 24 oct. 2002, n°2002-2612 AN, Loire-Atlantique, 3e circ. ; Cons. const., 8 déc. 2017, n°2017-5145 AN, Nord, 16e circ.). C’est d’ailleurs en ce sens que se positionne le guide du candidat de 2020, avant la modification de l’article R. 27. Celui-ci indique ainsi que « Les circulaires qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique, sont interdites si cette combinaison a pour effet de conférer au document de propagande un caractère institutionnel ou officiel (art. R. 27) ».
Ce nouvel article R. 27 permettra donc en théorie de revenir à une interprétation plus raisonnable de cette règle historique. Reste à savoir comment il sera appliqué par les différents acteurs lors des élections à venir (candidats, commissions de propagande, juges électoraux) !
En tout état de cause, fort de cette bonne nouvelle, le blog du droit électoral vous souhaite à tous une excellente année 2020 !!
Romain Rambaud