RIP² : rest in peace, référendum d’initiative partagée [R. Rambaud]

Entre le Coronavirus et les élections municipales, et les deux ensemble, y aura-t-il quelques articles de presse pour rappeler que le 12 mars 2020, à minuit, le référendum d’initiative partagée visant à faire ériger Aéroports de Paris en service public national, interdisant sa privatisation, sera enterré ? En effet, le 12 mars 2020 est la date de clôture de la période de recueil des soutiens de 9 mois, qui avait débuté le 13 juin 2019.

Au 4 mars 2020, 1 116 000 soutiens ont été exprimés au référendum d’initiative partagée, loin des 4 717 396 soutiens nécessaires (10 % du corps électoral) exigés par l’article 11 de la Constitution et la décision n°2019-1 RIP du 9 mai 2019 du Conseil constitutionnel.

Ces 1 116 000 soutiens constituent déjà un engouement important, lorsqu’on constate les difficultés en l’état du droit à porter une campagne visant à récolter des soutiens. En effet, les règles du recueil des soutiens sont, comme en matière de campagnes électorales classiques, très restrictives (interdiction de financement par des personnes morales par exemple), et le Conseil constitutionnel avait bien noté dans son communiqué de presse du 1er juillet que « S’agissant du débat public portant sur la procédure en cours, le Conseil constitutionnel note que le législateur n’a pas prévu de prise en charge financière spécifique par l’État d’actions visant à favoriser ou défavoriser le soutien à une initiative référendaire mais que les partis ou groupements politiques peuvent financer de telles actions par des dons ou des prêts dans des conditions prévues à l’article L. 558-37 du code électoral » . Par ailleurs, il n’y eut pas davantage de régulation de la télévision, le Conseil constitutionnel ayant estimé dans une décision n°2019-1-2 RIP du 15 octobre 2019 que « Le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions n’implique pas, par lui-même, que des mesures soient nécessairement prises, notamment par le Gouvernement, pour assurer l’information des électeurs sur l’existence, les modalités et les enjeux d’une opération de recueil des soutiens à une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution ou pour organiser la communication audiovisuelle des opinions en faveur ou en défaveur de ce soutien ». Les forces politiques ont donc été livrées à elles-mêmes et se confrontées aux difficultés classiques en France pour faire campagne, a fortiori sans le soutien des médias… Et cela n’a pas suffi.

L’échec de ce premier référendum d’initiative partagée, sans aucun doute, portera un rude coup au dispositif… Certes, la privatisation d’ADP semble pour l’instant repoussée en raison notamment de la situation des marchés financiers, mais la loi autorise bien aujourd’hui le Gouvernement à privatiser ADP. Il pourra donc y revenir plus tard.

En tout état de cause, le RIP, s’il veut remplir ses promesses démocratiques, devra donc être réformé, tant pour diminuer le nombre de soutiens nécessaires que pour permettre l’initiative citoyenne. Comme il l’a déjà été soutenu dans le présent blog, il ne faut en effet pas craindre le référendum d’initiative citoyenne.

On ne peut donc que souhaiter une évolution du dispositif. Dans le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique d’août 2019, il était proposé, dans un nouvel article 69 de la Constitution, de diminuer le nombre de parlementaires nécessaires pour porter un RIP à un dixième et surtout le nombre d’électeurs soutenant la proposition de loi à 1 million, l’initiative pouvant par ailleurs être amorcée aussi par les électeurs et non seulement, comme aujourd’hui, par les parlementaires… Cela ferait ainsi de ce référendum un véritable outil d’initiative partagée, et non seulement un référendum d’initiative parlementaire comme c’est le cas aujourd’hui. Cette réforme semble donc nécessaire, même si elle ne suffira pas, la question des prérogatives du Parlement et de l’articulation entre la démocratie représentative et la démocratie directe devant continuer à être discutées.

Le hasard fait parfois mal les choses. Entre l’échec à venir du premier RIP et les risques pesant sur les élections municipales du fait du Coronavirus, c’est à une double crise de la démocratie, représentative et directe, que l’on risque d’assister. Espérons que nous en sortions par le haut dans les semaines et les mois qui viennent.

Romain Rambaud