Elections municipales : dernière ligne droite ! [R. Rambaud]

Après la validation de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 23 mars 2020 par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 juin dernier, la promulgation le 23 juin 2020 de la loi n°2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires marque l’entrée dans la dernière ligne droite des élections municipales, sauf pour la Guyane qui en raison du maintien de l’épidémie voit son second tour reporté.

Des élections qui, en raison de l’épidémie de Covid 19, sont soumises à des règles spécifiques, en vertu d’une galaxie de textes adoptés récemment.

Du point de vue de la campagne électorale, le ministère de l’intérieur a publié deux vademecum, intitulés addendum au memento des candidats, guide pour la campagne du second tour des élections municipales et communautaires reporté au 28 juin 2020, qui résume les différents éléments juridiques pertinents (pour les communes de moins de 1000 habitants et de 1000 habitants et plus). Le décret du 14 juin 2020 a interdit tout rassemblement mettant en présence plus de 10 personnes à l’exception des établissements recevant du public (ERP) et interdit les rassemblements de plus de 5 000 personnes. Les ERP peuvent recevoir du public sous réserve de l’obligation du port du masque, l’obligation d’être assis et de laisser une distance d’un siège entre chaque siège occupé sauf pour les groupes de moins de 10 personnes venant ensemble. Concernant la campagne officielle, le nombre de panneaux attribués à chaque liste de candidats est doublé à titre exceptionnel. Les listes de candidats dans les communes de 2 500 habitants et plus peuvent demander la mise en ligne de leur profession de foi sur le site www.programme-candidats.interieur.gouv.fr.

Pour ce qui concerne les opérations de vote et les outils pour favoriser la participation, à défaut de vote par correspondance, la France a du se contenter de faciliter son système de procuration. Ainsi, les procurations établies initialement pour le 22 mars restent valables pour le second tour (décret n°2020-643 du 27 mai 2020). Un décret n°2020-742 du 17 juin 2020 prévoyant des dispositions spécifiques en vue du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon prévu le 28 juin 2020 et adaptant certaines dispositions du code électoral, conforté par l’article 1 de la nouvelle loi du 22 juin 2020, a prévu notamment que par dérogation au droit commun habituel, qui exige un justificatif, « à leur demande, les personnes qui, en raison de l’épidémie de Covid-19, ne peuvent pas comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire habilités à établir les procurations ou leurs délégués disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration. Les personnes mentionnées au précédent alinéa peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou, le cas échéant, par voie électronique. Ces personnes indiquent la raison de leur impossibilité de se déplacer, sans qu’il leur soit nécessaire de fournir un justificatif ». Par ailleurs, les procurations peuvent être établies dans des lieux recevant du public, plus largement que dans les lieux habituels (tribunal judiciaire, commissariat de police). Enfin, la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires prévoit la possibilité de disposer de deux procurations établies en France, là où auparavant le droit commun n’en admettait qu’une seule.

Concernant les bureaux de vote eux-mêmes, un décret n°2020-743 du 17 juin 2020 prescrivant les mesures sanitaires exceptionnelles nécessaires pour l’organisation des élections organisées le 28 juin 2020 a adopté des mesures rappelées dans une circulaire le 18 juin 2020. Celle-ci prévoit la reprise des gestes barrières du premier tour (distance d’un mètre entre les électeurs, marquage au sol, lavage des mains), ainsi que de nouvelles mesures de sécurité sanitaire : éventuellement parois en plexiglass entre le bureau de vote et les électeurs, port de la visière recommandé pour les membres du bureau, limitation à 3 du nombre d’électeurs au sein du bureau de vote, mise en place d’une file d’attente prioritaire pour les personnes âgées ou vulnérables, port du masque obligatoire, limitation du nombre de personnes présentes et port du masque obligatoire pour le dépouillement, possibilité de filmer les opérations de dépouillement et de les retransmettre sur le site internet de la commune, etc.

Enfin, il faut noter que par précaution, l’article 17 de la nouvelle loi prévoit que « Le second tour des élections municipales et communautaires organisé le 28 juin 2020 peut être annulé par décret en conseil des ministres jusqu’à la veille du scrutin dans une ou plusieurs communes où l’évolution de la situation sanitaire locale ne permettrait pas sa tenue. Ce décret ne peut concerner plus de 5 % des communes pour lesquelles un second tour est nécessaire. Le second tour du renouvellement général des conseillers de Paris organisé à la même date peut être annulé par le même décret si la situation sanitaire locale ne permet pas sa tenue », après avis du conseil scientifique. Cette disposition permet donc de reporter le second tour des élections municipales prévues en Guyane et de reporter les élections dans le cas où de nouveaux clusters se formeraient. En espérant évidemment que ce ne sera pas le cas.

On noter enfin que la nouvelle loi du 22 juin modifie les délais contentieux prévus par l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif est ainsi rédigé. En dehors des cas où un compte de campagne est engagé, les délais de jugement offerts au TA expirent finalement le 30 septembre 2020 pour les contentieux du premier tour et le 30 octobre 2020 pour les contentieux du deuxième tour. Les présidents de TA seront heureux d’apprendre qu’ils ont perdu un mois… mais ceci est un autre sujet.

La question de savoir si ces dispositions seront suffisantes pour assurer une campagne électorale sincère (heureusement la décrue du virus a résolu une partie du problème attendu) et pour favoriser la participation ne trouvera sa réponse que le 28 juin au soir. Nous souhaitons à toutes les personnes impliquées une excellente fin de campagne !

Romain Rambaud