Les élections sénatoriales « clusters » de la Covid-19 ? Non à l’immobilisme pour mars 2021 ! [R. Rambaud]

Ce dimanche 27 septembre 2020 ont lieu les élections sénatoriales pour un peu plus de la moitié des sièges du Sénat, qui se renouvelle par moitié tous les trois ans. Sont élus aujourd’hui les sénateurs de la série 2, renouvelée pour la dernière fois lors des élections sénatoriales de 2014. Cela concerne les départements de l’Ain à l’Indre, du Bas-Rhin au Territoire de Belfort (à l’exception de Paris, de la Seine-et-Marne et des Yvelines) et en Guyane, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, et Wallis-et-Futuna. Les six sénateurs des Français établis hors de France seront renouvelés en septembre 2021 (loi organique n°2020-976 en date du 3 août 2020). Ainsi, cette année, 172 sièges sont à pourvoir.

La population du département détermine le nombre de sénateurs. Selon ce nombre, le mode de scrutin peut varier. Si le département compte un ou deux sénateurs : ils sont élus au scrutin majoritaire à deux tours (les deux tours ont lieu le même jour). Si le département compte trois sénateurs ou plus : ces derniers sont élus à la représentation proportionnelle au scrutin de liste.

Ces élections ne se déroulent pas au suffrage universel direct mais seulement au suffrage universel indirect. Seuls les « grands électeurs » votent donc aujourd’hui, dans chaque département. Parmi eux, on retrouve les députés et sénateurs sortants, les conseillers régionaux et départementaux,  les délégués des conseils municipaux ainsi que les membres des assemblées territoriales pour certaines collectivités (Corse, métropole de Lyon, collectivités d’outre-mer). Dans chaque département ou collectivité est constitué un « collège électoral ». Il regroupe l’ensemble de ces électeurs chargés d’élire les sénateurs.

Ces élections sénatoriales se déroulent dans le contexte très particulier du Covid-19. Or, les élections sénatoriales posent de ce point de vue deux cas particuliers. D’une part, le vote se déroule (souvent) en préfecture, c’est à dire que tous les grands électeurs seront réunis une seule journée dans un seul endroit pour procéder au vote : les gestes barrières seront-ils correctement respectés, alors que les tractations peuvent aller bon train (notamment dans les départements où le scrutin majoritaire s’applique) ? D’autre part, contrairement aux autres élections, le vote est obligatoire pour les grands électeurs dans le cas des élections sénatoriales et en cas de non-respect, les grands électeurs doivent payer une amende (en cas de motif légitime, ils peuvent être remplacés par un suppléant). C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui même, des grands électeurs pestent contre des élections sénatoriales qui seraient des « clusters », dans un contexte où évidemment cela paraît incompréhensible.

Cette élection sénatoriale doit ainsi servir de piqure de rappel : la situation sera bien pire en mars 2021, où se dérouleront à la fois les élections départementales et les élections régionales. Si la France a, à raison, écarté la mise en œuvre en juin d’un vote par correspondance car sa mise en place précipitée aurait pu conduire à des erreurs et à des fraudes, ne pas le faire maintenant, alors que dans d’autres pays dans le monde l’ont utilisé pour dépasser la problématique de la covid (Suisse, Allemagne, Pologne, Etats-Unis, etc), serait incompréhensible.

Il devient urgent de mettre en place un dispositif de vote par correspondance, par exemple sur le modèle allemand, immédiatement, tant qu’il en est encore temps. Le nouvel article L567-1 A du code électoral créé par la loi n°2019-1269 du 2 décembre 2019 selon lequel « Il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin » ne s’y oppose pas, dans la mesure où de valeur législative, il n’empêche pas l’adoption d’une loi contraire…

Si cela n’est pas fait, et si l’abstention est aussi forte aux élections départementales et régionales qu’aux élections municipales, la crise de la démocratie représentative n’en sera que renforcée en mars prochain et la France, il faut le dire, sera passablement ridicule aux yeux du monde… Espérons que nous serons entendus !

Romain Rambaud