D’après un article publié aujourd’hui par Le Figaro, un recours aurait été ou serait en train d’être déposé au Conseil constitutionnel contre le décret de convocation des électeurs.
Selon cet article, « Plusieurs spécialistes du droit constitutionnel montent au créneau pour faire annuler le décret qui encadre l’organisation des élections législatives anticipées. Selon l’un d’entre eux, l’offensive juridique pourrait mener à l’annulation ou au report du scrutin. Et si les élections législatives anticipées ne pouvaient finalement pas avoir lieu, en tout cas dans les délais imposés par le président de la République ? C’est ce que veulent croire plusieurs juristes et spécialistes du droit électoral, qui déposeront mardi après-midi un recours devant le Conseil constitutionnel pour faire annuler le décret de convocation publié lundi au Journal officiel, selon une information du Figaro ».
Nous avions déjà écrit ici hier la possibilité d’un tel recours, en application de la jurisprudence Delmas de 1981 du Conseil constitutionnel. Si la méconnaissance des dispositions du code électoral n’est pas pertinente, d’autres points pourraient poser problème.
Tout d’abord, la question de la date. On ne sait pas d’après cet article si la question de la date est frontalement remise en cause. Pourtant elle n’est pas si évidente. Comme nous l’avons écrit, la date ne poserait pas de problème en cas d’interprétation littérale de la Constitution indiquant « 20 jours au moins » « après la dissolution » comme le 20ème jour après la dissolution – en se posant la question de savoir s’il faut prendre en compte la date du 9 ou celle du 10, celle du décret de dissolution et de convocation des électeurs avec effet immédiat – mais davantage si on devait compter par exemple en jours francs, sauf en partant du 9, auquel cas on pourrait avoir les 20 jours francs. La question se pose aussi pour les territoires qui voteraient le 29 juin [Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, en Polynésie française et dans les bureaux de vote ouverts par les ambassades et postes consulaires situés sur le continent américain]. Le Conseil constitutionnel, s’il est saisi de cette question, sera peut-être conduit à la trancher, mais l’enjeu n’est pas mince.
Ensuite, les requérants semblent faire valoir que « le problème c’est que ce délai de 20 jours est incompatible avec plein de dispositions législatives : le vote électronique, la campagne audiovisuelle, les comptes de campagne, le vote des Français de l’étranger, qui se prononcent normalement une semaine avant», égrène l’un des initiateurs du recours. Ce dernier explique notamment que le délai de 20 jours ne pourra pas être respecté dans un certain nombre de territoires d’outre-mer. Cependant, le seul argument du délai de 20 jours ne pourra être reçu, puisqu’il est prévu par… la Constitution. En revanche, les requérants pourraient arguer que les conditions générales posent un problème de sincérité du scrutin (dates rapprochées pour les candidatures, gel des listes électorales à la date du décret, etc.), ce qui poserait des problèmes de principe pour le texte constitutionnel.
Enfin, selon nous, le Conseil constitutionnel pourrait annuler le décret de convocation des électeurs (mais pas celui de dissolution), de sorte que les élections législatives ne pourraient être que repoussées et non annulées en application même de la Constitution. Cependant en opportunité un report serait très problématique en raison des JO et le Conseil constitutionnel pourrait en tenir compte, entre autres paramètres. En effet, en vertu de l’article 12, « L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours », ce qui nous conduirait au 18 juillet. Un report d’une semaine à voter pour le second tour le 14 juillet, et conduirait pour l’installation de l’Assemblée Nationale le 25 juillet, soit la veille de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris.
Il y aura donc, peut-être, si cette information est vraie, très bientôt une décision du Conseil constitutionnel, qui apportera à l’état de l’art du droit électoral. Et du point de vue du blog du droit électoral, on ne peut que s’en réjouir. Pour le reste…
PS MAJ de l’article le 11/06/2024 au soir : Le Conseil constitutionnel a annoncé deux recours contre le décret de convocation. La France Insoumise a également annoncé en déposer un contre le gel des listes électorales.
Romain Rambaud