A 88 ans, Gaston Flosse, ancien Président de la Polynésie française et figure « insubmersible » de la vie politique locale, souhaite briguer un nouveau mandat de maire après avoir purgé une peine de cinq ans d’inéligibilité pour des affaires d’emplois fictifs et de détournements de fonds publics. Après avoir été maire près de 35 ans à Pirae, désormais administrée par son ex-gendre qui est aussi le nouveau Président de la Polynésie française, il souhaiterait désormais se faire lire à Papeete. Nous avons été interrogé sur cette affaire par les journalistes de France O, Mickael Bastide et Kessi Weishaupt pour un reportage JT de France O (à partir de la 13ème minute). Celle-ci permet de revenir sur certaines subtilités du droit électoral dans son volet « civil », dans un contexte particulier.
Pour pouvoir voter à Papeete et s’y présenter, ainsi que le relèvent les journalistes de France O, M. Flosse a souhaité se faire inscrire sur les listes électorales de la commune, ce que la mairie, puis le tribunal, lui ont refusé. M. Flosse y a vu une attaque du maire de la commune, Michel Buillard, candidat sortant à la mairie de Papeete, faisant référence aux risques de manœuvres liés à la réforme de la loi du 1er août 2016 que nous avions évoqués sur ce blog.
Pour autant, le refus de la mairie et du tribunal semblent sérieusement fondés d’après les éléments dont on dispose. En effet, de jurisprudence constante, l’inscription sur les listes électorales d’une commune est soumise (il y d’autres hypothèses non concernées en l’espèce) à une condition de domiciliation ou de résidence (art. L. 11 du code électoral). Le domicile est le lieu d’habitation réel de la personne, qui est unique (le juge peut donc apprécier si le domicile est ailleurs) et doit être stable. La résidence d’au moins 6 mois dans la commune, qui constitue un critère alternatif, est le fait d’habiter de façon effective et continue dans un lieu qui présente le caractère d’habitation (par ex. C. Cass, 2001, n°01-60.057). Or, en l’espèce, il semblerait que Gaston Flosse ait déclaré pour son inscription résider dans un local de 15 m², sous-loué à la permanence de son parti politique, au départ dépourvu de cuisine et sans caractère privatif.
Mécontent de la décision des juges de première instance confirmant le refus d’inscription sur les listes électorales, M. Flosse a décidé de saisir la Cour de cassation (art. L. 18.IV et L. 20.I). Que peut-on attendre de cette décision ? Sauf surprise ou revirement de jurisprudence, la situation semble délicate pour M. Flosse. En effet, de jurisprudence constante, l’appréciation du domicile et de la résidence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond sauf dénaturation des faits (C. Cass., 2017, n°17-60.226 ; 2014, n° 14-60.350 ; 2001, n°01-60.057 ; 1999, n°98-60.283), y compris donc les caractère d’habitation de cette résidence (C. Cass., 2001, n°01-60.057 ; 1973, n°73-60.035 ; 1972, n°72-60.009). Sur ce point, il semble donc que la Cour de cassation ne remettrait pas en cause la qualification juridique des faits opérée par les juges du fond, sauf à considérer qu’ils ont été dénaturés (ce qui ne semble pas être le cas). Reste l’hypothèse de l’erreur de droit, mais sur ce point aussi la nécessité de caractères de l’habitation semble une jurisprudence constante, sauf évolution. Il est donc probable que M. Flosse n’arrive pas à remettre en cause ce refus, sauf si l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2020 vient contredire cette analyse.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne pourrait pas se présenter aux élections municipales. M. Flosse pourrait en effet sortir une dernière carte de sa manche, en ayant fait d’abord parler de lui à l’occasion du vaudeville de son inscription sur les listes électorales. L’article L. 228 du code électoral prévoit que « Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l’année de l’élection », ce que le guide du candidat traduit par le fait qu’il faut « Soit être inscrit sur la liste électorale de la commune », « Soit avoir la qualité d’électeur et être contribuable dans la commune » : ainsi, « Si le candidat n’est pas électeur de la commune où il se présente, il doit […] faire la preuve de son attache à la commune, en démontrant qu’il est inscrit au rôle des contributions directes ou justifie qu’il devait y être inscrit au 1er janvier 2020 (art. L. 228) ».
C’est à dire, en pratique, si M. Flosse a acheté un bien soumis à l’impôt foncier et justifie qu’il est inscrit, ou devrait l’être, au 1er janvier 2020, au rôle de la taxe foncière de Papeete… Gaston Flosse a-t-il déjà dévoilé tout son jeu ?
Romain Rambaud
Sacré Gaston .
Toujours prêt au combat !
Bonjour Monsieur RAMBAUD,
Si la décision concernant Monsieur FLOSSE lui avait été mal signifiée, cela aurait il changé les choses? Les délais et modalités de signification s’ils ne sont pas respectés, ne peuvent a posteriori être corrigé, sauf erreur?
Je m’explique: Un Maire d’une petite commune (environ 1200 habitants) décide de faire le nettoyage des listes électorales en janvier 2020. Un électeur ne remplissant plus les conditions pour être sur ladite commune (vente bien immobilier entre temps), mais toujours investi, utilisant les services publics de la commune… et intéressé par ladite commune, s’est vu signifier la volonté de se faire radier par le Maire. Procédure de 15 jours contradictoire, l’électeur a expliqué ses attaches morales et la possibilité pour le Maire de ne pas le radier, comme il le ait pour d’autres, mais ces derniers partisans, contrairement à cet électeur. Radiation décidée par le Maire le 28 janvier, signifiée par LRAR reçue par l’électeur le 10 février dans un courrier invitant l’électeur à aller s’inscrire avant le 7 février sur la liste électorale de sa commune d’attache (commune voisine)… Le délai de signification de 2 jours (repris dans la circulaire CASTANER du 21/11/18 sur les délais de notification) ainsi que le délai du 7 février sont dépassés, et empêche donc l’électeur de s’inscrire ailleurs et donc de voter. Cela l’a motivé à saisir la Commission de contrôle des listes de ce petit village en leur demandant de maintenir sa qualité d’électeur pour lui permettre de voter. Cette commission est composée de membres de la majorité, lesquels ont accepté le recours car ils ont vu l’erreur mais voté pour nouvelle procédure d’instruction de 48H pour permettre à l’électeur de transmettre les justificatifs, qu’il n’a pas.
Autrement dit, la commission va prendre une décision de radiation dans 48H, faute d’attache juridique à la commune pour régulariser une radiation irrégulière du Maire, décision qui va empêcher l’électeur de voter aux prochaines élections municipales.
Est-ce possible? j’en doute car au final, la décision de radiation de la commission dans 48H ne pourra pas permettre à l’électeur de s’inscrire dans sa commune d’attache juridique.
Pour la petite histoire, un nettoyage des opposants au Maire actuel a été fait, mais pas des partisans sans attache. La commission a voté à la majorité le bien fondé de toutes les radiations effectuées par le Maire sans rien examiner. Lors de cette commission publique à laquelle j’ai assisté pour comprendre les enjeux et les comportements, j’ai compris que donner le pouvoir à un Maire puis à des conseillers municipaux de la majorité comme de l’opposition ne permet absolument pas d’appliquer les textes.
Cet électeur, qui a voté à toutes les élections, semblait désemparé et je pensais le conseiller de faire un recours devant le tribunal judiciaire afin de lui permettre de voter en mars 2000 si effectivement l’erreur commise par le Maire s’agissant de la signification de sa radiation ne peut être corrigée par la commission.
Ce nouveau pouvoir donné aux Maires avec un contrôle de la commission composée de conseillers municipaux, ne permet pas d’appliquer simplement et uniquement les textes, compte tenu des enjeux. Un nettoyage partisan des listes, à la dernière minute, pourrait faire couler beaucoup d’encre…
Je suis d’avis que cette compétence aurait du rester entre les mains de la Préfecture.
Avec mes sincères remerciements.
Madame, parlons-en par mail, merci beaucoup !