08/02/2016 : Journée d’étude de l’AFSP « Campagnes électorales et communication politique : Enjeux de comparaison, débats sociologiques, techniques » : notes personnelles [R. Rambaud]

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bandeaugp1517Le troisième séminaire du groupe « Communication politique » (COMPOL) de l’Association française de science politique s’est donc tenu le vendredi 5 février 2016 à Paris sur le thème des « Campagnes électorales et communication politique : Enjeux de comparaison, débats sociologiques, techniques »..

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Nicolas Hubé, responsable scientifique ComPol, avec Clément Desrumaux

Ce fut une journée passionnante, qui présage de fructueuses rencontres pluridisciplinaires pour le droit électoral. Nous vous proposons ci-dessous le programme augmenté de nos notes personnelles sur cet événement, qui refléteront un peu ce qui s’y est dit.

Bonne lecture !

Romain Rambaud

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1ère demi-journée : Les campagnes électorales, regards croisés

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Pierre Lefébure

Animation : Pierre Lefébure, maître de conférences en science politique à l’Université Paris 13

 

Les évolutions des médias dans les campagnes électorales en Allemagne,

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Christina Holz-Bacha

Christina Holz-Bacha, professeure de communication, Université d’Erlangen- Nürnberg, responsable de la Political Communication Research Section de l’IAMCR (International Association for Media and Communication Research) et professeure invitée à LCP.

Directrice de la série de livre collectifs « Die Massenmedien im Wahlkampf » consacrés à l’étude du rôle des médias dans chaque campagne pour les élections législatives allemandes depuis 1990 (7 ouvrages publiés chez Springer), Christina Holtz-Bacha présentera les grandes évolutions dans ce domaine. Il s’agit, par exemple, d’éclairer les phénomènes de personnalisation autour des grands leaderships dont Angela Merkel amplifie encore le mécanisme ainsi que les places respectives de la télévision et d’internet. Les spécificités du système électoral et du système médiatique allemands entrent également en considération.

En Allemagne il n’y a pas de période de campagne officielle : quatre ou six semaines avant la campagne est la période d’analyse privilégiée en Allemagne par la science politique, avec en général 20 partis politiques en compétition. Les médias les plus importants dans le pays sont les suivants : deux chaines publiques puissantes (ARD and ZDF) et deux grandes chaînes privées (RTL et Sat.1). Il y a de très nombreux magazines notamment locaux. Quatre journaux très importants sont distribués au niveau national.

Parmi les instruments très importants pour faire campagne on trouve surtout les flyers, la télévision et les affiches, posées partout durant la campagne électorale. Concernant les réseaux sociaux, Myspace est le réseau le plus utilisé, après twitter et après seulement il s’agit seulement de Facebook.

Résultats des recherches sur les campagnes électorales en Allemagne depuis le début des années 1990 : analyses intéressantes car effectuées sur le long terme (analyses de long terme des journaux écrits, des journaux télévisés, des débats télévisés mais seulement depuis 2002, des publicités et des sites de campagne). Avec des sujets complémentaires : rôle du genre, sondages, publicité dans les médias imprimés mais c’est assez faible… et même le rapport entre le football et les élections.

Au cours des années, on constate un intérêt très variable des médias pour les élections en fonction du contexte politique, notamment de l’intensité du combat politique. Durant les quatre dernières semaines, on constate une augmentation du suivi dans les journaux lors du duel télévisé. Le chancelier est en général plus suivi que le challenger en Allemagne ce qui s’explique par le fait qu’il est couvert à la fois en tant que chancelier et en tant que candidat, sauf quand il y a combat politique très intense et très intéressant pour le public. Entre 1949 et 2002, les articles n’étaient pas très critiques, ils n’évaluaient pas vraiment ce que faisaient les candidats, mais cela change radicalement en 2002 : les journalistes vont beaucoup plus loin dans leurs analyses ce qui montre un changement dans les pratiques du journalisme en Allemagne. La télévision révèle les mêmes tendances notamment sur le bonus dont dispose le chancelier.

Sur les questions de genre, on constate, au moins en ce qui concerne Merkel, qu’il n’y a pas eu de discrimination dans la couverture médiatique et il qu’il n’y a pas eu beaucoup d’insistance sur sa qualité de femme dans la campagne électorale, ce qui est contre-intuitif concernant les plaintes de nombreuses femmes politiques dans le traitement médiatique dont elles font l’objet, mais peut-être cela s’explique-t-il par la personnalité d’Angela Merkel (par exemple en comparaison avec Ségolène Royal, qui mettait davantage en avant sa féminité) : Angela Merkel ne met jamais en avant sa qualité de femme quand elle fait de la politique. On ressent cette différence sur la couverture médiatique.

Les sites internet sont utilisés pour informer, présenter et mobiliser, mais c’est surtout pour être présents et c’est finalement une composante de campagne plutôt faible. Le parti pirate se distinguait par le fait de faire davantage participer les personnes consultant le site. La campagne électorale est le principal sujet couvert par les sites (59% du contenu des sites internet) davantage que le fond peut-être des propositions réalisées. Les sites internet sont donc des instruments utilisés au service de la campagne électorale.

Analyser le répertoire d’action électorale. Transformations, inerties et réinventions du « faire campagne »

Clément Desrumaux, maître de conférences en science politique à l’Université Lyon 2

Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’Université de Lille.

Les manières de « faire campagne » et les répertoires d’action électoraux ont subi de profondes transformations depuis la fin du 19e siècle. Désormais soumise à une concurrence de plus en plus forte, la conquête des positions de pouvoir implique un travail de mobilisation obéissant à une logique de persuasion de plus en plus industrielle. Les techniques de campagne se standardisent et se professionnalisent à mesure que se développe le recours aux médias, aux sondages et aux savoir-faire de la communication politique. En dépit de ce processus multiforme de rationalisation, il faut néanmoins se déprendre d’une vision excessivement stratégiste des entrepreneurs de mobilisation électorale. L’analyse tend en effet à postuler une unité d’action dans le travail de sollicitation des électeurs qui n’existe que dans la mesure où l’on fait immédiatement abstraction du « travail » concret de mobilisation électorale, qui relève de bricolages permanents et de rationalités limitées. Certaines formes de mobilisation électorale, apparues à la fin du 19e siècle, continuent de perdurer ou font l’objet de réinventions permanentes (comme le porte-à-porte en France). La médiatisation n’a pas supprimé les médiations traditionnelles de campagne. La notion de répertoire d’action électorale permet d’analyser les choix produits par les acteurs dans un contexte où « le choix des armes » est structuré historiquement. Le concept permet de penser sociologiquement les formes de circulation, d’hybridation et de transformation des modes d’action à travers le temps et l’espace. Les auteurs sont venus présenter un numéro de la revue Politix à paraître.

Clément Desrumaux :

On connaît les profondes transformations des campagnes depuis la fin du XIXème siècle au profit d’une structuration plus partisane du processus électoral, que mettent en avant la littérature de façon sans doute trop stéréotypée. L’objectif de la présente analyse est de démontrer qu’il y a eu des évolutions mais qu’il n’y a pas eu de standardisation mais au contraire qu’il subsiste de profondes différences dans les manières de faire campagne aujourd’hui.

Les modes d’actions électoraux sont très différents les uns des autres. Pour les campagnes législatives en France, on trouve des réunions publiques mais parfois il n’y en a pas, parfois on utilise les agences de communication et parfois on se contente de l’utilisation du kit du parti. Dans les campagnes municipales, parfois on a des campagnes très vivantes et parfois non. En Grande-Bretagne, parfois on utilise le canevassing (identification des électeurs) et parfois non, etc. La mise en scène des différents meetings peut beaucoup diverger. Par ailleurs les règles en termes d’affichage sont très différentes dans les différents pays, en France c’est d’ailleurs très strict.

La littérature fait valoir des explications un peu stéréotypées : « américanisation » des campagnes, ou alors l’explication par une évolution linéaire : une période pré-moderne (campagnes limitées, locales et décentralisées, avec des meetings et des militants), puis une période moderne avec des campagnes plus longues et enfin une période post-moderne avec des campagnes nationales mais décentralisées dans leur mise en œuvre, fondées sur les sondages et la publicité, sur internet et les focus groups, des campagnes de plus en plus professionnalisées permettant de cibler de plus en plus finement les publics.

Cependant, il faut relativiser largement cette présentation car les anciens modes d’expression  existent. Aujourd’hui il y a un large répertoire d’action électorale. L’idée est de faire ici un « usage faible » de la notion de répertoire d’action électorale, c’est-à-dire une analyse concrète, sociologique, des modes d’action de la campagne électorale. L’usage d’un répertoire électoral résulte en effet de plusieurs éléments structurels et conjoncturels qui se combinent pour déterminer la campagne : cadres juridiques, effets de positions de campagne, culture partisane, trajectoires des candidats, innovations, circulations et hybridation des techniques (par exemple pour le porte à porte). D’où le modèle proposé d’une analyse configurationnelle des campagnes dépendant de l’interaction, des trajectoires des candidats, etc., bref de nombreux facteurs.

Rémi Lefebvre :

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Rémi Lefebvre

Il faut poser la question du changement sous d’autres angles : campagne des maires en milieu rural, lobbying en matière électorale : le changement montre qu’il n’y a pas de changement univoque, linéaire, des techniques, mais plutôt une hybridation des techniques différentes.

Par exemple l’évolution du porte-à-porte au parti socialiste, avec une rationalisation et une professionnalisation qui implique une réinvention d’une technique ancienne lors de la campagne de 2012 (trois caractéristiques : scientifisation, managérisation, dépolitisation), se fondant pour ceux qu’on appelaient les « bostoniens » sur la nouvelle science électorale : nationalisation de la campagne, centralisation de la campagne : 700.000 euros sur un budget de 22 millions d’euros. Mais cette campagne fut très médiatisée donc il y a eu un relais fort dans les médias ce qui permit d’obtenir un résultat important de relais dans la société avec une image favorable. Du point de vue politique, le succès dépend aussi des circonstances politiques. Mais au final plus personne n’y croit aujourd’hui parce que cela n’a pas marché plus tard, par exemple à Marseille ou dans d’autres villes.

Au niveau rural, on a une étude sur 15 ans de l’évolution des manières de faire campagne. Il y a une professionnalisation liée à la transformation de la population rurale elle-même et une professionnalisation des maires qui construisent de nouvelles manières de faire campagne mais avec la permanence de modes de campagne traditionnels ou même l’absence de campagne en ce qui concerne les notables locaux, avec parfois l’in-ajustement de certains maires à ces nouvelles manières de faire campagne.

Il ressort aussi de ces travaux une idée générale : les campagnes sont aussi une loupe, un révélateur de transformations plus larges. La campagne permet de percevoir des évolutions plus générales de la société (transformation du monde rural, transformation du militantisme contre les conservatismes militants).

Faire campagne ici et ailleurs, ou conjuguer la campagne au pluriel

Layla Baamara, Camille Floderer et Marine Poirier, chercheures à l’IEP d’Aix-en-Provence et directrices de l’ouvrage Faire campagne (à paraître)

L’ouvrage Faire campagne* se propose de décentrer l’analyse des campagnes, souvent construite à partir de cas occidentaux, et de diversifier les points de vue, en faisant dialoguer des travaux au-delà des « aires » ou des « spécificités » culturelles dans lesquelles ils restent parfois cloisonnés. Nous reviendrons ici sur notre démarche, en précisant d’abord en quoi une approche des campagnes au-delà de l’élection permet de contourner certaines impasses et impensés courants dans l’étude de cet objet. Nous reviendrons ensuite sur notre choix méthodologique et épistémologique d’aborder la campagne à travers le faire, en privilégiant des analyses localisées reposant sur des matériaux empiriques et une observation des pratiques au concret. Nous soulignerons enfin ce qu’un regard « continuiste » apporte à la connaissance et à la compréhension de la fluidité des dynamiques sociales et politiques observables pendant les campagnes.

Ce sont des travaux portant sur l’évolution des manières de faire campagne dans le temps long. La campagne au-delà de l’élection : l’effet de la campagne a une influence forte sur les résultats des élections. Là aussi il faut éviter de faire une conception trop globalisante des élections, des campagnes, tout n’est pas harmonisé, les campagnes contiennent des objectifs complexes qui ne se réduisent pas d’ailleurs pas aux résultats des élections : multiplicité des acteurs, des pratiques, répartition des facteurs structurels et des facteurs conjoncturels.

Les analyses croisées dans l’espace montrent l’importance du processus électoral dans l’affirmation des démocraties mais aussi la circulation des techniques et des méthodes. On trouve aussi un intérêt à des élections dans les régimes plutôt autoritaires, ce qui montre l’intérêt d’une élection en dehors du simple impact sur la qualité démocratique de l’élection.

* Faire campagne ici et ailleurs. Mobilisations électorales et pratiques politiques ordinaires, à paraître en 2016 chez Karthala, collection Questions transnationales. Avec les contributions de Layla Baamara, Nicolas Bué, Maya Collombon, Hélène Combes, Hervé Do Alto, Camille Floderer, Marie-Ange Grégory, Rémi Lefebvre, Elise Massicard, Marine Poirier et Julien Talpin.

2ème demi-journée : Les techniques de campagne sous la loupe

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Fabienne Greffet

Animation : Fabienne Greffet, maître de conférences en science politique à l’Université de Lorraine

Les spots télévisés comme outil de communication politique

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Christina Holtz-Bacha

Christina Holtz-Bacha, professeure de communication, Université d’Erlangen-Nürnberg

Spécialiste des programmes télévisés électoraux des partis politiques, Christina Holtz-Bacha propose une analyse de leur importance relative dans les campagnes électorales en fonction de divers facteurs contextuels et du type d’élection pour lequel ces formats sont diffusés. Les caractéristiques des spots sont discutées. Les conditions de leurs possibles influences sur le choix des électeurs sont examinées en mobilisant quelques résultats d’études expérimentales en interrogeant notamment les hypothèses classiques de la sociologie de la communication politique.

La publicité télévisuelle est apparue aux Etats-Unis en 1952 et aujourd’hui des milliards sont dépensés en ce sens et la plupart des dépenses électorales aux Etats-Unis vont dans la publicité politique, même si la publicité sur internet se développe très rapidement et énormément. Notamment depuis 2010 et l’arrêt de la Cour suprême, les PACs dépendent beaucoup d’argent dans la publicité, et le coût de la campagne devrait encore augmenter.

Il y a d’ailleurs un point à souligner aux Etats-Unis : la publicité à la télévision est de plus en plus négative.

Les recherches montrent qu’il y a de fortes dépendances de la publicité à la culture de chaque pays. La publicité politique est un miroir qui reflète une culture spécifique, qui indique les valeurs et les normes de l’environnement culturel et est un indicateur de changement social et culturel. D’un autre côté la publicité politique est une construction de la réalité et donc elle influence la société.

La publicité politique est influencée par des facteurs structurels : le système politique (système présidentiel ou parlementaire, orienté vers le candidat comme la France ou le parti comme l’Allemagne), le système électoral c’est-à-dire le mode de scrutin (majoritaire ou proportionnel), le système de médias, c’est-à-dire une tradition de médias commerciaux et privés ou une tradition de service public, de plus grande place de l’Etat. Aussi la question de savoir si la publicité est réglementée est fondamentale.

Seuls les Etats-Unis n’ont pas de système de réglementation des publicités à la télévision. Dans les autres pays la publicité politique est réglementée lorsqu’elle n’est pas interdite et lorsque c’est autorisé la publicité électorale l’est seulement dans les dernières semaines. Aussi cela dépend de la régulation des temps de parole et de la question de savoir si la durée des spots est limitée. Enfin cela dépend de la question de savoir si la publicité politique est mélangée à la publicité commerciale ou non. Il y a aussi de la réglementation du contenu et en France c’est particulièrement strict pour les spots officiels, avec une part importante de la réglementation qui vise à éviter la négativité à la télévision.

Cependant, on ne sait pas vraiment quel est l’effet en Europe de la publicité à la télévision.

L’exemple allemand est intéressant concernant la professionnalisation. On trouve une utilisation croissante de la publicité, la publicité étant autorisée 4 semaines avant l’élection. C’est un service qui combine publicité publique (le système est réglementé et dépend du poids du parti au Parlement) et télévision commerciale, ce qui fait qu’en Allemagne seuls les partis importants achètent de la publicité complémentaire sur internet. La publicité est réservée aux partis et  non aux candidats, et d’ailleurs il y a de moins en moins de séquences avec des candidats en Allemagne en général. En revanche pour ce qui concerne Angela Merkel on constate au fur et à mesure une plus forte personnalisation de ces spots télévisés.

Présidentielle 2012 : les meetings comme dispositif technique et outil stratégique pour faire campagne

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Claire Sécail,

Claire Sécail, chargée de recherche CNRS, IRISSO-LCP (UMR 7170)

La dynamique de la campagne présidentielle de 2012 a très largement reposé sur une convergence entre les efforts – notamment financiers – des principaux candidats pour mettre en scène des meetings conçus comme de véritables démonstrations de force politique et l’intérêt croissant des journalistes pour ces grands rassemblements dans le contexte d’un écosystème médiatique élargi depuis l’arrivée des chaines d’information continue et des réseaux sociaux. Journalistes et responsables politiques ont ainsi, de façon conjuguée, contribué à renouveler ce rituel historique de mobilisation des citoyens en l’adaptant comme dispositif technique et outil stratégique pour faire ou suivre la campagne. Nous présenterons ici les résultats d’une enquête de terrain menée lors de la campagne présidentielle de 2012, au cours de laquelle nous avons étudié, du Bourget (Hollande, 22 janvier) au Trocadéro (Sarkozy, 1er mai), 18 meetings des 6 principaux candidats à l’élection. En insistant sur les aspects méthodologiques de la recherche, il s’agira de comprendre comment, à travers les usages qu’en ont fait les candidats, le meeting peut se déployer à la fois comme technique de campagne et s’envisager comme un espace médiatique à part entière dans lequel interagissent acteurs politiques, journalistiques et publics citoyens.

La présidentielle de 2012, réhabilitation des meetings ? Le meeting est l’un des outils les plus démonstratifs de la campagne, c’est un exercice à part entière.

Le meeting est d’abord un outil stratégique pour faire campagne. Cela permet d’être la vitrine du charisme personnel du candidat : entrée triomphale, contact avec le public, le meeting construit l’étoffe présidentielle, d’où l’importance de la taille de la mobilisation (ce qui est très difficile à mesurer en pratique) et donc l’idée que le meeting est un moment de communion partagée, ce qui pose la question de la vente du meeting avant et après auprès des médias. Le meeting permet aussi de faciliter le recrutement des militants pour la campagne de terrain. Egalement le meeting peut permettre de lever des fonds, le Front National étant le seul parti qui organise des meetings payants. Chaque candidat développe sa propre stratégie du meeting.

Le meeting permet de faire la concurrence électorale, de faire débat. Le contradictoire a disparu dans les meetings et aujourd’hui ce sont les journalistes qui reconstituent le débat politique. C’est par journalistes interposés que la campagne se fait et le meeting est fondamental pour donner de l’information aux journalistes : c’est la mise en scène de la campagne électorale par les médias. Les médias entretiennent par ce biais la bipolarisation de la vie politique.

L’entrée des chaînes de télévision continue dans la vie politique a changé aussi beaucoup de choses, car les meetings ont désormais accès au direct. Ce sont ces chaînes qui désormais ont la meilleure place pour couvrir les meetings. Les réseaux sociaux vont dans le même sens, et cela entretient la nécessité des meetings. La bataille du direct a d’ailleurs renforcé la dramaturgie.

Evidemment cela entraîne une professionnalisation et un marché privé. L’influence de ces personnes communicantes augmente, ce qui favorise la montée en puissance de la communication. Les meetings constituent le budget le plus important pour les candidats, mais ce n’est pas nouveau, les meetings ont toujours été importants quantitativement dans le financement d’une campagne.

Mettre en scène l’innovation politique en ligne. Analyse comparée de l’usage des réseaux sociaux au Parti Socialiste et à l’Union pour un Mouvement Populaire pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2012

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Anaïs Theviot

Anaïs Theviot, chercheure à Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim

En l’espace de dix ans, une campagne électorale – tout du moins nationale – ne peut plus se concevoir sans recourir au numérique. En 2012, la campagne pour l’élection présidentielle a été marquée par l’usage des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter. Lors de débats télévisés entre les candidats ou de meetings, les adhérents des partis politiques français s’y sont fortement investis pour créer le « buzz » et diffuser en ligne la parole de leur favori. Cette communication invite à questionner la mise en scène de ces « riposte-parties », visant à « faire croire » en l’innovation politique et à afficher médiatiquement la rénovation des partis. L’enquête, adoptant une perspective comparative, s’appuie sur une centaine d’entretiens effectués avec les adhérents et les membres des équipes de campagne du Parti Socialiste (PS) et de l’Union pour un Mouvement Populaire, ainsi qu’une observation participante au sein de la Direction du web du PS pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2012.

Mise en contexte. Dès 2001, scrutin local, prémices de la cyberdémocratie. Celle-ci se développera avec l’élection présidentielle en 2002, avec la multiplication des sites web. En 2004 se développent les « webblogs », blogs de campagne ou blogs d’idées. En 2005 on retrouve le web pour ce qui concerne le traité européen, il y a une montée en puissance du débat sur la toile et notamment une montée en puissance de la cartographie du non. Egalement, cela s’est développé pendant les primaires de 2007 du fait de la primaire semi-ouverte avec les adhérents à 20 euros du parti socialiste : 900.000 euros de budget pour la campagne web de Ségolène Royal lors de cette présidentielle. Puis l’explosion vint en 2008 avec la campagne électorale d’Obama.

Par la suite, si les réseaux sociaux partisans ont été un échec, les réseaux sociaux en général ont beaucoup mieux marché (twitter). Cela fait caisse de résonance d’autant qu’il y a les chaînes d’information en continu qui reprennent ce qui se dit sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux ont été considérés par les partis comme devant être absolument utilisés dans le cadre des campagnes électorales. Il y a des limites : difficulté de sortir de l’entre soi sur Facebook, comptes fermés sur Facebook, Facebook n’a pas très bien marché pour le PS, le PS l’a délaissé. L’UMP s’est davantage intéressé à Facebook, car Sarkozy avait plus de personnes le suivant, la personnalisation des réponses était plus grande au moins au départ, alors qu’au PS il n’y avait pas de réponse. Twitter a un enjeu différent, car les journalistes sont sur twitter, ce serait un sondage permanent en ligne… permet de saisir aussi les rumeurs en ligne. Le PS a utilisé massivement le Live-Tweet avec les riposte-party. L’objectif est de donner l’image d’une campagne moderne, le cyber-militant est jeune…

Cependant cela n’empêche pas non plus les partis de faire comme d’habitude et de contrôler la propagande électorale par les médias internet.

Alors qu’au départ ce phénomène était spontané, on constate une professionnalisation des équipes qui s’occupent de la propagande électorale en ligne, comment vont être compilées et analyse les datas pour prévoir les comportements des électeurs, voire contourner les règles françaises de la CNIL ou à réadapter ces règles en France en fonction du contexte juridique et des cultures partisanes qui sont très différenciées. Demain un enjeu très fort sera celui du ciblage des électeurs, en tant cas il y a une croyance sur l’efficacité de ces instruments.

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