L’Association Française de Droit Constitutionnel nous a fait part, hier, du décès de Richard Ghevontian, professeur émérite de l’université d’Aix-Marseille. Cette disparition, inattendue à seulement 70 ans, jette le monde du droit constitutionnel dans un douloureux deuil. Il en va tout particulièrement ainsi du droit électoral.
Richard Ghevontian était un pilier de l’ « école d’Aix » de droit constitutionnel fondée par Louis Favoreu, avec laquelle le regretté Bernard Maligner, autre fondateur de la discipline, s’amusait à entretenir des controverses en contentieux électoral.
Co-rédacteur du célèbre « précis » de droit constitutionnel publié chez Dalloz, Richard Ghevontian s’était spécialisé notamment en droit parlementaire et en droit électoral. Il fut crucial pour le développement de ce dernier en France : ses travaux précurseurs sur les actes détachables en droit électoral (« Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections politiques », RFDA 1994, p. 801.), la constitutionnalisation du droit électoral (« Les progrès de la constitutionnalisation du droit électoral, éléments de réflexion », in B. MATHIEU et M. VERPEAUX (dir.), La Constitutionnalisation des branches du droit, Economica, 1998, p. 62), la sincérité du scrutin (« La notion de sincérité du scrutin », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, janv. 2003), ou encore la publication très récente (août 2019 !) d’un colloque sur le fondateur Eugène Pierre (Eugène Pierre, précurseur du droit parlementaire contemporain, Bruylant, 2019), montrent à quel point il posa une pierre à propos de tous les points fondamentaux du droit électoral.
Mais Richard Ghevontian était aussi un homme engagé. Engagé dans ses fonctions administratives – il en occupa de nombreuses à l’Université Aix-Marseille -, engagé sur le plan international, en tant qu’expert du Conseil de l’Europe, engagé dans la société civile, dont il commentait les résultats des élections dans sa région, n’hésitant pas, ces derniers temps, à soutenir l’un de ses collègues dans le cadre de la campagne électorale de Marseille.
Richard Ghevontian fut aussi, et ce fut particulièrement marquant pour l’auteur de ces lignes, membre de la commission des sondages : c’est à l’occasion de mes premiers travaux en droit électoral, portant sur le droit des sondages électoraux, que j’ai eu le plaisir de le rencontrer.
Comme beaucoup, sa bonhomie et sa gentillesse, a fortiori mises en rapport avec l’étendue de sa carrière universitaire, m’ont marqué. Richard Ghevontian était marseillais, et à Aix, il y tenait. Sans vouloir véhiculer des stéréotypes, cela explique-t-il en partie pourquoi Richard Ghevontian était à ce point chaleureux, accueillant, sympathique, jovial, tout en rondeur, et notamment ouvert aux jeunes chercheurs, dont j’étais à l’époque ?
Il se trouve que, par hasard, l’Association Française de Droit Constitutionnel avait décidé cette année de consacrer ses journées décentralisées aux systèmes électoraux. La journée de restitution de ses travaux aura lieu le 31 janvier. Nous penserons tous très fort à Richard Ghevontian, sachant que nous poursuivons l’oeuvre qu’il a entreprise. Cette journée lui sera dédiée : c’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un universitaire sur le plan scientifique. Sur le plan humain, chacun gardera de lui l’image d’un homme bon, de ceux qui font l’honneur de notre profession.
Les obsèques auront lieu le jeudi 16 janvier à 14h00 en la cathédrale St Sauveur à Aix-en-Provence.
Romain Rambaud