4 septembre : c’est aussi la rentrée pour les élections (sénatoriales) ! [R. Rambaud]

La rentrée des classes, ce n’est pas seulement pour les écoliers : cela peut concerner, aussi, les adultes les plus aguerris ! Et c’est le cas, cette année, pour les candidats aux élections sénatoriales. Les prochaines élections sénatoriales auront lieu le 24 septembre 2023, et la période de dépôt des candidatures commence le … 4 septembre 2023, jusqu’au 8 septembre, en vertu du décret n° 2023-257 du 6 avril 2023 portant convocation des collèges électoraux pour l’élection des sénateurs – Légifrance (legifrance.gouv.fr). C’est une actualité qu’on pourra suivre, tout au long du mois de septembre, notamment grâce au nouveau site que le Sénat a mis en place et qui est consacré intégralement aux élections sénatoriales.

En vertu de l’article 24 de la Constitution, « Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat ». Les élections sénatoriales sont des élections très particulières en raison du rôle institutionnel du Sénat. Celui-ci en effet « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ce qui impacte son mode d’élection au suffrage universel indirect. Outre ce mode de scrutin, le Sénat se caractérise aussi par un renouvellement partiel, prévu indirectement par l’article 32 de la Constitution en vertu duquel le « président du Sénat est élu après chaque renouvellement partiel » et par l’article L0276 du code électoral en vertu duquel « Le Sénat est renouvelable par moitié. A cet effet, les sénateurs sont répartis en deux séries 1 et 2, d’importance approximativement égale, suivant le tableau n° 5 annexé au présent code ». Le suffrage universel indirect, ainsi que le renouvellement partiel, par moitié tous les trois ans, s’expliquent par le rôle de chambre haute du Sénat, dont l’objet est de tempérer les évolutions politiques brutales de la chambre basse.

Les élections du 24 septembre 2023 concerneront les 170 sièges de la série 1. Cela concerne, en application de l’annexe n°5 du code électoral, les sénateurs des départements suivants : les départements du numéro 37 (Indre-et-Loire) à 66 (Pyrénées-Orientales), l’ile de France (Seine-et-Marne et les départements d’Essonne à Yvelines), Guadeloupe, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre et Miquelon, la Nouvelle Calédonie et 6 des 12 sénateurs élus par les Français établi hors de France.

L’élection des sénateurs au suffrage universel indirect fait de l’élection sénatoriale une élection dérogatoire et méconnue du grand public. Le mode de scrutin, qui a évolué au cours du temps, est déterminé par la loi ordinaire : il résulte aujourd’hui d’une loi n° 2013-702 du 2 août 2013 relative à l’élection des sénateurs. Cette élection se déroule à deux degrés : il s’agit d’abord de déterminer le corps électoral qui va procéder à l’élection des sénateurs et ensuite de procéder à l’élection des sénateurs au sens strict.

Concernant la détermination du corps électoral, en tant qu’il représente les collectivités territoriales, le Sénat est élu par un collège électoral lui-même essentiellement composé d’élus locaux. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel a déjà censuré la méconnaissance (Cons. const.,, n° 2000-431 DC). Ce collège électoral est prévu par l’article L. 280 du code électoral, modifié par la loi de 2013 afin de poser expressément le principe selon lequel « La composition du collège électoral appelé à élire les sénateurs assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside » : il est vrai que ce qui fait la spécificité du Sénat français est que le corps électoral qui l’élit est très largement désigné par les communes, et donc les plus petites collectivités locales, et non par les plus grandes subdivisions de l’État, comme cela est le cas dans les États régionaux et dans les États fédéraux. Le Sénat est encore le « grand Conseil des communes de France » que décrivait Gambetta. Concrètement, ce collège électoral est composé des députés et des sénateurs, des conseillers régionaux de la section départementale correspondant au département (et des conseillers de l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’assemblée de Guyane et des conseillers à l’assemblée de Martinique pour les territoires concernés), des conseillers départementaux, et des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués. Les délégués des conseils municipaux sont désignés selon la procédure fixée par les articles L. 283 et suivants du code électoral, 6 semaines au moins avant l’élection des sénateurs. Pour les communes de moins de 9 000 habitants, le nombre de délégués élus varie de 1 à 15 en fonction de la taille du conseil municipal, pour les communes de 9 000 habitants et plus, tous les conseillers municipaux (à l’exception des étrangers communautaires) sont délégués de droit, et au-delà de 30 000 habitants, les conseillers municipaux sont tous délégués de droit mais ils désignent en plus des délégués supplémentaires, 1 pour 800 habitants depuis la réforme d’août 2013, ce qui a pour effet d’atténuer la sous-représentation des grandes villes . Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les élections des délégués ont lieu au scrutin majoritaire à deux tours, avec un système de suppléants, faisant l’objet de deux élections distinctes . Dans celles de 1 000 habitants et plus, l’élection se fait à la proportionnelle à la plus forte moyenne avec des listes bloquées et paritaires . En pratique, cela signifie que le nombre de délégués supplémentaires votant pour les élections sénatoriales peut être très important.

Cette première étape s’est déjà déroulée. Elle a eu lieu le 9 juin 2023, toutes les modalités pratiques ayant été précisées par une instruction du ministère de l’intérieur.

C’est donc la seconde étape, l’élection des sénateurs en tant que telle, qui va dérouler désormais. Le fondement juridique de celle-ci est le décret n° 2023-257 du 6 avril 2023 portant convocation des collèges électoraux pour l’élection des sénateurs.

On peut noter ici une originalité de l’élection sénatoriale : c’est le seul scrutin dans lequel il existe pour les électeurs une obligation de vote.En vertu de l’article L. 318, « Tout membre du collège électoral qui, sans cause légitime, n’aura pas pris part au scrutin, sera condamné à une amende de 100 euros par le tribunal de grande instance du chef-lieu, sur les réquisitions du ministère public » (avant une loi n° 2004-404 du 10 mai 2004, cette amende était de 4,5 euros).

Autre spécificité des élections sénatoriales, le mode de scrutin varie en fonction de la taille du département dans lequel sont élus les sénateurs, et plus précisément en fonction du nombre de sénateurs à élire dans le département. Le seuil a plusieurs fois varié : jusqu’à la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000, le scrutin proportionnel était réservé aux départements élisant 5 sénateurs ou plus, ce seuil a été abaissé en 2000 à 3 sénateurs, remonté à 4 sénateurs par la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003, puis à nouveau abaissé à 3 par la loi n° 2013-702 du 2 août 2013. Le site internet du Sénat précité dresse la carte des départements selon leur mode de scrutin.

En vertu de l’article L. 294, dans les départements où sont élus deux sénateurs ou moins (c’est à dire 1 ou 2 sénateurs), l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours, qui ont lieu le même jour. Un sénateur est élu au premier tour de scrutin s’il a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits. Pour le second tour, il n’existe pas de critère de sélection des candidats et la majorité relative suffit pour être élu. En cas d’égalité, le plus âgé des candidats est élu.

En vertu de l’article L. 295, dans les départements où sont élus trois sénateurs et plus, l’élection se fait au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, avec respect du principe de parité. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation. Il n’y a qu’un seul tour.

On peut noter ici que des modifications à la marge du régime des élections sénatoriales ont été opérées par la loi n° 2023-55 du 2 février 2023 sur le déroulement des élections sénatoriales. Cette loi vise surtout à corriger l’application par la loi de 2019 de règles du droit commun des élections qui se sont révélées inadaptées, notamment l’interdiction de faire de la propagande le jour du scrutin, alors que dans le cas des élections sénatoriales au scrutin majoritaire, les deux tours se déroulent la même journée : l’article L. 49 s’est vu dérogé pour autoriser la propagande entre les deux tours. De même, concernant la communications des résultats. Egalement, les dépenses de campagne d’entre deux tours du jour du scrutin pourront être comptabilisées comme des dépenses de campagne. Ce sont des modifications purement techniques.

Le régime de ces élections a également été modifié à la marge par le décret n° 2023-198 du 23 mars 2023 relatif à la désignation des électeurs sénatoriaux et au grammage des circulaires et bulletins utilisés lors de l’élection des sénateurs (NOR : IOMA2302289D), et in fine, par la circulaire relative au scrutin en date du 28 juillet 2023. Il s’agit de points de détails techniques sur le remplacement des électeurs sénatoriaux. Ce décret modifie également les modalités d’examen des recours contentieux à l’encontre des délégués sénatoriaux et rend applicable à ces élections l’assouplissement des règles de grammage de la propagande électorale issu du décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021.

C’est donc à un cadre juridique quasi-constant que se dérouleront ces élections sénatoriales, ce qui n’ôte rien à leur immense importance politique !

Romain Rambaud