L’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, vient dans interview parue aujourd’hui dans Le Figaro, de nous fait part de son souhait que le peuple de France puisse, à l’avenir, « trancher des questions importantes qui concernent son destin » un peu plus régulièrement qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Intention louable s’il en est, pour quiconque pense que la démocratie purement représentative, telle qu’elle est apparue dans notre pays, il y a environ deux siècles, n’est plus à même de satisfaire le désir de participation des citoyens.
Pour ce faire, il propose que des référendums soient organisés en 2017 le jour du premier tour des élections législatives pour « montrer aux électeurs que la nouvelle majorité est absolument déterminée à mettre en œuvre son projet politique ». Pour séduisante qu’elle soit, cette proposition présente un léger défaut…celui d’être, probablement, inconstitutionnelle.
En effet, si l’article 11 de la Constitution permet au Président de la République de « soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent », c’est à la condition qu’une proposition lui ait été faite en ce sens par le Gouvernement pendant la durée des sessions, ou par les deux assemblées.
Cette exigence se justifie parfaitement car, lorsque le Président soumet à référendum un projet de loi, en application de l’article 11, il court-circuite le Parlement. Dès lors, il a semblé logique au constituant de s’assurer que cette dépossession était, sinon proposée par le Parlement (hypothèse de la proposition conjointe des deux chambres), du moins acceptée par ce dernier. Dans la négative, le fait qu’il soit en session doit lui permettre de défendre ses prérogatives en combattant cette initiative. Le Président de la République n’étant pas responsable des actes accomplis en cette qualité (article 67 de la Constitution), sauf en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat (article 68 de la Constitution), c’est sur le Gouvernement que pourra s’abattre le courroux parlementaire, sous la forme d’une motion de censure, comme ce fut le cas le 5 octobre 1962.
Or, si la session ordinaire prend fin, en principe, le dernier jour ouvrable de juin (article 28 de la Constitution), il peut en aller différemment les années d’élections législatives. En effet, en vertu d’une tradition, le Parlement suspend ses travaux pendant les périodes électorales afin de permettre à ses membres d’y participer. C’est ainsi que l’Assemblée nationale a suspendu ses travaux dès le 7 mars 2012, en raison des élections présidentielles et législatives qui s’annonçaient, et n’était donc pas en session le 10 juin 2012, jour du premier tour des dernières élections législatives.
Pour qu’un ou plusieurs référendums aient lieu dans le respect des dispositions de l’article 11, il faudrait que l’Assemblée nationale accepte de siéger au moment où le nouveau Gouvernement ferait sa proposition au nouveau Président. Etant donné que l’on imagine mal l’actuelle majorité être prête à faire ce cadeau à son meilleur ennemi, ni les députés sortants candidats à leur réélection enchantés à l’idée d’avoir à séduire leurs électeurs à distance, il est fort probable que la concomitance d’opérations référendaires et électorales soit remise à plus tard.
Jean-Pierre Grandemange