« Aujourd’hui je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle ». François Hollande, le 1er décembre 2016
C’est par une brève allocution, annoncée tardivement dans la journée, que François Hollande a mis fin au doute qui planait sur sa candidature à l’élection présidentielle, au travers de la primaire de la Belle Alliance Populaire. Le Président de la République a ainsi fait le choix, devant plus de 14,2 millions de téléspectateurs, de ne pas être candidat au renouvellement de son mandat. Que penser de cette annonce ? Que peut-elle apporter comme interrogation pour quiconque est intéressé par le droit électoral ?
En premier lieu, un constant s’impose : cette décision constitue une première dans l’histoire de la Cinquième République. Aucun Président en exercice n’avait jusqu’alors fait le choix de renoncer à briguer un second mandat. Qu’il s’agisse de Charles de Gaulle en 1965, de François Mitterrand en 1988 ou de Jacques Chirac en 2002, tous trois ont réussi à obtenir le renouvellement de leur mandat présidentiel. Valéry Giscard d’Estaing en 1981 et Nicolas Sarkozy en 2012 ont également tenté d’obtenir le renouvellement de leur mandat auprès des électeurs mais n’y sont pas parvenus et ont été défaits lors de l’élection présidentielle. Enfin, Georges Pompidou n’a pas eu l’occasion de se poser cette question puisqu’il est mort en fonction, en 1974.
La décision de François Hollande de ne pas se représenter à l’élection présidentielle semble donc marquer un tournant dans l’histoire de la Cinquième République. Plus encore, elle vient acter le fait que le Président de la République sortant n’est plus le candidat naturel de la majorité. Une raison semble pouvoir expliquer ce changement institutionnel : la consécration d’une primaire ouverte. En effet, l’ancrage de plus en plus fort des primaires dans le paysage électoral français contribue à renforcer la concurrence à l’encontre du président sortant. Le leadership doit désormais se construire au cours d’une campagne préélectorale, au cours de laquelle le Président doit revenir se confronter à ses compagnons politiques, dans une primaire tranchée par l’ensemble des sympathisants, et non plus par les seuls membres du parti. Concurrencé par ses anciens ministres, poussé vers la sortie par son premier ministre, frappé par une forte impopularité, François Hollande a souhaité ne pas prendre le risque de « l’éclatement de la gauche » mais aussi d’une défaite qui lui aurait été infligée par ses propres amis politiques.
La Cinquième République, souvent qualifiée de monarchie républicaine, fut ainsi confrontée à une présidence qui se voulait normale, le « monarque républicain » faisant face au « président normal » et, en définitive, c’est ce dernier qui l’emporta.
La rubrique « nécrologie politique » semble donc s’allonger sans cesse, en déjouant de nombreux sondages. Le Brexit aura eu raison de David Cameron. La présidentielle américaine aura eu raison d’Hillary Clinton. Les primaires de la droite et du centre auront eu raison de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé. Les primaires de la gauche auront eu raison de François Hollande. Le referendum constitutionnel italien aura eu raison de Matteo Renzi. Qu’en sera-t-il donc de Manuel Valls, fraîchement entré dans l’arène de la primaire et déjà favori des sondages ?
Finalement, c’est l’idée même de responsabilité politique qui se trouve réengagée. Une amélioration de la démocratie par la démocratie continue, ou une évolution regrettable ?
Mehdi Taboui