Il y a du monde, paraît-il, pour les primaires de la droite et du centre, et l’organisation déployée par le parti Les Républicains et alliés, avec 10 228 bureaux de vote, tenus par 81 000 bénévoles, apparaît déjà considérable. C’est qu’il n’est pas si facile que cela de re-jouer le grand rituel républicain du vote dominical. Petit tour d’horizon des règles et pratiques de ce jour très particulier, que la droite et le centre ont voulu aussi proche que possible de l’élection présidentielle.
Le respect des interdictions de campagne
En tant qu’elle n’est pas une élection officielle, les articles du code électoral sur les interdictions de propagande ne sont bien sûr pas applicables à cette élection : en théorie, il serait possible aux candidats de faire campagne juqu’au bout. Cependant, la Haute Autorité des primaires de la droite et du centre a tenu à ce que les règles de campagne électorale classiques s’appliquent aussi à cette opération.
Ainsi, en vertu de la charte de la primaire « La campagne électorale pour le premier tour est ouverte à compter de la publication par la Haute Autorité de la liste des candidats habilités à se présenter et prend fin le vendredi 18 novembre 2016 à minuit (art. 5, § 1, Charte de la Primaire) ». Pendant la campagne officielle, par transposition des règles applicables à l’élection présidentielle, sont interdits toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, et aucun numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit ne peut être porté à la connaissance du public par un candidat ou à son profit.
Ce sont donc les règles traditionnelles que la droite a décidé de respecter pour cette primaire et non des règles plus souples. A dire vrai, elle n’avait guère le choix, dans la mesure où les interdictions de propagande pour la présidentielle, prévues par les articles L. 48-1 et suivants du code électoral sont pour la plupart applicables six mois avant le mois de l’élection ou de l’élection soit le 1er octobre 2016 pour la présidentielle. Procéder autrement aurait été se placer en porte-à-faux vis-à-vis des règles de l’élection présidentielle.
On notera toutefois que cette retenue n’est pas applicable à la propagande du parti lui-même et certains publicités sont parues dans les journaux hier pour annoncer la primaire. Cela montre aussi que le développements des primaires ouvertes pose la question de la distinction très française entre le candidat et le parti… qui n’a pas dans le cas présent un caractère d’évidence.
Le respect de la période de « recueillement républicain »
Même si les articles L. 49 et s. du code électoral ne sont pas applicables juridiquement, les primaires répètent par souci de mimétisme le rituel du recueillement républicain, c’est à dire l’absence de campagne la veille et le jour du scrutin. En effet, d’après le guide électoral de la primaire, à partir de la veille du scrutin à zéro heure (art. 5, § 1, Charte de la primaire), par transposition des règles applicables à l’élection présidentielle, il est interdit : de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ; de procéder, par un système automatisé ou non, à l’appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat (pratique dite du « phoning ») ; de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale.
De même, la Haute Autorité souhaite que les résultats ne soient pas communiqués tout au long de la journée de vote. D’après le guide électoral de la primaire, « Toute communication relative aux résultats du scrutin est interdite avant la fermeture du dernier bureau de vote, qu’il s’agisse de résultats partiels ou d’indications sur l’issue du scrutin L’ensemble du territoire de la République constitue, pour la primaire comme pour l’élection présidentielle, une seule circonscription électorale et tous les électeurs participent à un unique scrutin. Le résultat de l’élection dans un département de métropole ou d’outre-mer ou dans une collectivité d’outre-mer constitue donc un résultat partiel de l’élection. La diffusion d’un résultat partiel est interdite ».
Reste à savoir si ces réserves seront suivies par les médias et les instituts de sondage, qui quant à eux ne sont pas empêchés de réaliser des sondages de sortie des urnes.
Les bureaux de vote de l’extérieur : éviter l’apparence d’une élection officielle
De l’extérieur, au contraire, le souci des pouvoirs publics a été d’éviter que cette élection puisse être parée des ors de l’élection officielle. Le ministère de l’intérieur a ainsi diffusé le 22 février 2016, en remplacement d’un texte de 2011 (Circulaire NOR : IOC/A/11/00873/C du 10 janvier 2011), une circulaire sur l’organisation d’élections primaires par les partis politiques (Circulaire NOR : INTA1603608C du 22 février 2016), ayant pour objet la communication de la liste électorale, la mise à disposition par les communes de locaux, de personnel ou de matériel de vote, ainsi qu’une annexe relative à la constitution de fichiers d’électeurs et au contrôle de la CNIL. Les règles sont celles de droit commun, qu’il s’agisse du droit à la communication de la liste électorale ou de la mise à disposition de locaux communaux. Dans ce cadre, conformément au droit commun, la mise à disposition de préaux d’école ou d’équipements communaux pour l’installation de bureaux de vote ne peut être refusée que pour des motifs liés au maintien de l’ordre public, au fonctionnement des services ou aux nécessités de l’administration communale (Question écrite de Michel Herbillon, JO de l’Assemblée nationale du 21 juin 2011, n° 101830). Le matériel de vote peut être prêté mais à l’exception des enveloppes et des panneaux d’affichage électoral, pour ne pas entraîner de risque de confusion avec les élections officielles. Les listes des électeurs potentiels à la primaire, les listes de vote et d’émargement papier doivent être supprimées après l’investiture du candidat victorieux, seuls les fichiers pour lesquels les votants ont exprimé leur consentement à la prospection politique pouvant être conservés.
C’est ainsi que de l’extérieur, ces primaires se déroulent selon une certaine « discrétion »‘ : elles ne sont bien sûr pas concernées par les règles sur les affichages officiels de l’article L. 51 du code électoral. Il semblerait pourtant que la nécessité de se renseigner a priori sur le site des Républicains ou sur un autre site internet n’ait pas empêché une certaine mobilisation, dont il faudra faire le bilan ce soir.
Les bureaux de vote à l’intérieur : la répétition du rituel républicain
Pour l’intérieur des bureaux de vote, tout est fait pour rejouer le rituel républicain, mise à part quelques spécificités. En effet, d’après la charte de la primaire, la tenue des bureaux de vote et le dépouillement du scrutin se font conformément aux règles applicables aux scrutins de la République (art. 6, § 4, Charte de la Primaire). Les dispositions sur le dépouillement par exemple présentent d’immenses similitudes afin que les fraudes soient évitées.
Il existe cependant quelques spécificités : ouverture des bureaux jusqu’à 19h, présence de trois assesseurs (et non deux), principe d’interdiction des procurations (art. 6, § 3, Charte de la Primaire). Les membres du bureau ont ainsi, spécificité suprême, la charge de de veiller « à ce que chaque électeur signe la « Charte de l’alternance » et verse la contribution forfaitaire de 2 euros par tour de scrutin (art. 2, § 2, de la Charte de la Primaire) »… Cependant, il s’agit d’une charte par « émargement », c’est à dire que la dite charte est annoncée sur un carnet d’émargement et ne constitue pas un document individuel… de quoi entrer en ligne de compte pour un « électeur stratégique » ne signant pas vraiment pour l’alternance et le redressement de la France…
Il semblerait, à la mi-journée, que certaines difficultés se posent s’agissant des listes électorales. En effet, peuvent voter lors de la primaire ouverte de la droite et du centre les citoyens français inscrits sur les listes électorales au 31 décembre 2015 (art. 2, § 1, de la Charte de la Primaire). La liste électorale générale a été établie et contrôlée par la Haute Autorité (art. 3, § 1, de la Charte de la Primaire). Celle-ci a été construite sur la base du recoupement des listes électorales des différents bureaux de vote, chaque électeur étant rattaché à un bureau de vote en fonction de son inscription sur les listes électorales.
Par ailleurs, une liste électorale complémentaire a été établie et contrôlée par la Haute Autorité de la Primaire afin de permettre aux citoyens ayant dix-huit ans à la date de l’élection présidentielle de prendre part au scrutin (art. 2, § 1, et art. 3, § 2, de la Charte de la Primaire). Celle-ci reposait sur un système de pré-inscription.
Il existe cependant une différence de taille avec un vrai bureau de vote : l’absence du code électoral sur la table du bureau… signe que notre pays, faute de statut des partis politiques, a encore du chemin à faire pour appréhender les nouvelles formes de démocratie.
Conclusion
Les primaires de la droite et du centre se déroulent donc selon un schéma de mimétisme avec des élections traditionnelles. Cette similitude poursuit deux objectifs : se servir de l’expérience des opérations électorales françaises pour limiter les risques de fraude et légitimer la primaire comme processus électoral.
Le résultat sera-t-il concluant ? Réponse ce soir.
Romain Rambaud