Les chiffres tombent et il n’y a aucune raison que la tendance s’inverse d’ici la fin de la journée : 26,72% de participation à 17h, contre 43,01% en 2015, soit une chute de 16,29 points, une baisse qui se rapproche de celle de la participation électorale pour les élections municipales. On s’achemine semble-t-il vers 32 % de participation seulement, un chiffre historiquement bas, n’ayant été atteint, mais dans des circonstances tout à fait différentes, qu’au référendum sur le quinquennat en 2000.
Parmi toutes les raisons qui expliquent cette désaffection, il y en a une qui mérite ici d’être rappelée hélas, et qui avait l’objet de nombreux développements déjà en ce sens sur ce blog : l’échec de la stratégie française face au Covid, notamment si on compare la France avec les autres pays dans le Monde et en Europe également. Depuis 1 an et demi déjà, la France a connu dans son rapport aux élections 5 crises : (1) une crise de la réaction d’abord, en mars 2020, puis (2) une crise de l’adaptation, par le refus du vote par anticipation, du vote à distance, d’évolution des règles de la campagne électorale, puis (3) une crise de la stratégie, avec le report d’élections y compris cette année alors que la plupart des pays européens organisaient les leurs selon des modalités adaptées, conduisant à (4) une crise de la participation, confirmée aujourd’hui, laquelle finalement conduit à (5) une crise de l’élection elle-même. Nous faisions une synthèse de ces résultants dans un article récent publié à la revue Droit administratif (R. Rambaud, « Droit électoral et covid-19 : un an et demi de crise(s), Droit administratif, 2021, n°6, II, p. 13).
Il s’agit donc bien d’un échec collectif, de toute la classe politique au demeurant qui n’avait pas souhaité une adaptation de nos modalités de vote, depuis l’échec de la mission sur le vote à distance du Sénat de décembre dernier. Outre les modalités de vote, on regrettera par ailleurs l’absence d’adaptation (ou presque) des règles des campagnes électorales, la crise de la Covid et les gestes barrières ayant rendu celles-ci invisibles pour beaucoup de nos concitoyens. En effet, sans campagne électorale, les citoyens sont très mal informés tout simplement de l’existence même d’une élection, qui ne va plus jusqu’à eux. Dans certaines régions, des dysfonctionnements de la propagande électorale n’ont pas aidé à améliorer la situation. Pire encore, certains peuvent être tentés de jouer avec cette participation faible, notamment les sortants, qui auront profité entre-temps des moyens de la collectivité territoriale, même si cela n’est pas directement des utilisations électorales.
Sans doute une adaptation du droit électoral à la Covid n’aurait pas constitué une solution magique de nature à régler tous les problèmes de participation aux élections locales en France. Cependant, aux élections régionales en 2015, la participation n’était pas si mauvaise, avec moins de 50 % au premier tour et mais plus de 58 % au second tour. Par ailleurs, les élections à l’étranger montrent que des modalités adaptées ont marqué une dynamique positive d’une démocratie soucieuse de la participation électorale la plus large, plutôt que du renouvellement a minima des élus dans le cadre d’élections quasi-invisibilisées. Qu’on en juge : 53,5 % de participation en Catalogne en février 2021 (vote par correspondance facilité), 64 % de participation en Allemagne en mars 2021 en Bade Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat (vote par correspondance), 88% de participation aux législatives aux Pays-Bas en mars 2021 (vote sur trois jours, vote par correspondance), 71 % de participation à Madrid en mai 2021 (créneaux horaires spécifiques), 63,5 % en Ecosse en mai 2021, 60 % de participation en Allemagne en juin 2021 en Saxe-Anhalt (vote par correspondance)… La France est bien l’homme malade de l’Europe.
Le droit dispose d’éléments pour favoriser la participation, sans aller jusqu’à la solution maximaliste du vote obligatoire : modalités de vote facilitées, techniques de campagne modernes favorisant la communication, concentration de plusieurs élections au même moment, etc. Cette participation électorale particulièrement confirme donc bien que la stratégie française, pour l’année 2021, a été un échec, comme nous le pronostiquions depuis 1 an, et comme nous l’avions rappelé dans un article récent de l’AJDA (R. Rambaud, « Report d’élections : nouvelles vagues », AJDA, 2021, p. 1131).
On peut cependant espérer que la page soit tournée rapidement, tant l’élection présidentielle et les élections législatives conservent leur pouvoir de mobilisation. Des propositions d’évolutions institutionnelles pour renforcer la démocratie française seront cependant plus que jamais nécessaires dans le cadre de l’élection présidentielle de 2022.
Bibliographie récente :
– R. Rambaud, « Droit électoral et covid-19 : un an et demi de crise(s), Droit administratif, 2021, n°6, II, p. 13
– R. Rambaud, « Report d’élections : nouvelles vagues », AJDA, 2021, p. 1131
Romain Rambaud