Comme l’ont annoncé les médias ce matin, Le PS a décidé de défier l’exécutif en le prenant au mot, en utilisant le Référendum d’initiative partagée de l’article 11 de la Constitution. La proposition sera faite à 14h30 à l’Assemblée nationale par Patrick Kanner et Valérie Rabault, président et présidente des sénateurs et députés socialistes. Cette initiative pourrait donner lieu au premier référendum d’initiative partagée, mais le chemin sera long et difficile ! De quoi bien comprendre la différence entre ce référendum d’initiative partagée et le référendum d’initiative citoyenne, comme nous l’expliquions hier.
La loi constitutionnelle de 2008 a créé un nouvel instrument qui n’est pas, contrairement à ce que l’on entend parfois, un référendum d’ « initiative populaire », mais bien un « référendum d’initiative parlementaire » supposant le soutien d’une partie des électeurs, ce qui est très différent « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ».
Le référendum d’initiative partagée connaît des limites importantes puisqu’il « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, mais pour ce qui concerne l’ISF et son remplacement par l’IFI, ce sera possible puisque ces dispositifs sont entrés en vigueur au 1er janvier 2018. Par ailleurs, cette question peut être considérée comme entrant effectivement dans le champ des sujets pouvant être soumis à référendum en vertu de l’article 11 de la Constitution.
Les conditions de mise en oeuvre sont cependant très exigeantes : Il faut cependant 185 parlementaires lorsque tous les sièges sont pourvus (577 députés + 348 sénateurs, soit 925 parlementaires/5 = 185) qui se mettent d’accord pour proposer une loi pouvant donner lieu à référendum, puis ensuite le soutien d’un dixième des électeurs. Il faudra donc d’abord que le PS réussisse à réunir 185 parlementaires, députés ou sénateurs, ce qui sera difficile. Le groupe du PS n’a que 29 députés à l’Assemblée Nationale et 74 sénateurs, soit 103 parlementaires. Il lui faudra donc trouver plus de 80 alliés, ce qui sera difficile, même en s’alliant avec d’autre forces politiques comme les insoumis ou les communistes.
Si la proposition de loi est adoptée, il y aura un contrôle du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel vérifiera non seulement que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, que son objet est conforme au champ prévu par la Constitution, mais surtout « qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution », c’est-à-dire que le Conseil constitutionnel exercera un contrôle a priori de la constitutionnalité de la proposition de loi.
L’ouverture de la période de recueil des soutiens interviendra dans le mois suivant la publication de la décision actant la constitutionnalité de la proposition de loi. La durée de la période de recueil des soutiens est de neuf mois. Il faudra réunir un dixième des électeurs. Il suffira très concrètement d’aller sur le site internet www.referendum.interieur.gouv.fr pour soutenir une proposition de loi parlementaire. Le recueil des soutiens se fera sous la surveillance du Conseil constitutionnel et donnerait lieu à une campagne électorale. Mais cela représente un nombre conséquent de personnes, 4,750,000 électeurs, ce qui sera très difficile à satisfaire.
Par ailleurs les parlementaires restent finalement maîtres du processus. En effet la Constitution prévoit que le Président de la République soumet la proposition de loi si la loi n’a pas été examinée dans les six mois par les deux chambres, ce qui veut dire que celles-ci peuvent adopter ou rejeter la proposition et qu’un référendum n’aura pas lieu, ou l’examiner pendant longtemps. Or, il sera facile pour l’Assemblée Nationale et pour le Sénat de rejeter cette proposition de loi et de ne pas déclencher de référendum sur un sujet aussi sensible politiquement pour la majorité et pour la droite.
Enfin, même si l’Assemblée Nationale et le Sénat n’examinait pas le texte, le peuple français déciderait en toute fin de processus.
On l’ a compris, le processus sera très aléatoire, très long et au résultat très incertain. Il est donc probable qu’il n’ait en tant que tel que peu d’intérêt, si ce n’est de montrer, a contrario, la nécessité aujourd’hui de mettre en place un véritable référendum d’initiative citoyenne, comme on le soulignait hier.
Romain Rambaud