Afin de donner les moyens de l’interpellation citoyenne, Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache proposent, comme on l’a vu avec l’article précédent, un fonds d’interpellation qui serait abondé par des fonds publics. A ce stade du raisonnement, si l’on veut bien admettre qu’un nouveau droit d’interpellation générale soit consacré et que soit décidée la mise en place d’un fonds public pour le financer, reste à savoir comment pourrait fonctionner ce fonds, quelles sont les règles qui en régiraient le fonctionnement. Méfiants à l’égard des institutions classiques de l’Etat central, qu’ils considèrent non sans bonne raison comme rétives à la démocratie d’interpellation, les auteurs du rapport Citoyenneté et Pouvoir d’agir dans les quartiers populaires proposent de confier le processus à une autorité administrative indépendante. Cependant, une fois de plus, la proposition doit être pensée dans le cadre juridique du droit français afin d’être sûr qu’elle puisse ressembler effectivement à ce que la Coordination « Pas sans nous » voudrait qu’elle soit… et cela n’est pas certain.
La proposition du rapport Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires
D‘après le rapport, « Ce fonds pourra financer toute initiative citoyenne contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun (et non sur la base de l’intérêt d’un groupe), posés à l’échelle locale, comme nationale (…) Les règles de fonctionnement de la Haute autorité en charge de le distribuer et de le contrôler seront élaborées après délibération d’une conférence de consensus. On peut imaginer qu’elle sera composée d’élus, de hauts fonctionnaires, de personnalités issues de la société civile et du monde de la recherche, et pour au moins un tiers de représentants associatifs. Elle sera placée sous contrôle parlementaire. Des critères clairs seront énoncés pour l’octroi de ce financement, comme : l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs institutionnels (pas de subventions numéraires des collectivités locales, des organismes délégataire de service public et des ministères dépassant 15 % du budget) ; la non-représentation des collectivités locales et des partis politiques dans la gouvernance de la structure ; la non-participation aux élections politiques ». C’est donc à la fois la création d’une AAI, sa composition, ainsi que la fixation de critères pour l’octroi du financement qui sont ici déterminés.
Bien sûr, la création d’une AAI par le législateur est possible. Cette pratique déjà ancienne ne cesse de se développer et elle est souvent présente en matière de démocratie : que l’on songe au CSA par exemple pour ce qui concerne l’audiovisuel, plus proche de nos préoccupations la CNCCFP en matière de financement de la vie politique, également dans une optique proche la nouvelle Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique, ou encore dans le cadre de la participation, la Commission nationale du débat public, dont le vice-président, Jacques Archimbaud, est d’ailleurs invité de la conférence de consensus. Cependant le droit n’autorise pas n’importe quoi dans ce cadre et la création de cette AAI, si on la souhaite, devrait se faire en le prenant en compte. Sur ce point il faut distinguer la création de l’AAI et les compétences de l’AAI.
La création d’une AAI : la nécessité d’une intervention du législateur
Une autorité administrative indépendante (AAI) est une institution de l’État, dépourvue de personnalité morale (celles en disposant sont des autorités publiques indépendantes) mais disposant de pouvoirs effectifs, chargée en général de l’une des trois missions suivantes: assurer la protection des droits et libertés des citoyens, veiller au bon fonctionnement de l’Administration dans ses relations avec ses administrés ou participer à la régulation de certains secteurs d’activité. Leur création répond à des contraintes juridiques données. De ce point de vue, force est de constater qu’à défaut d’être impossible, une telle structuration conduirait à changer la façon de voir une AAI.
Notamment, ces autorités posent une difficulté constitutionnelle : en effet, en vertu du droit administratif le plus traditionnel et de l’article 20 de la Constitution en vertu duquel « [l]e Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration (…) », les autorités administratives sont soumises au pouvoir hiérarchique du premier ministre : les autorités indépendantes échappent donc à ce principe, et c’est ce qui fait leur particularité. Historiquement, le problème s’est d’abord posé avec une autorité créée par la loi du 3 janvier 1973, le Médiateur de la République : la loi disposait ainsi que le médiateur de la République était une autorité indépendante recevant les réclamations des administrés dans leur rapport avec l’administration. A l’époque le problème fut réglé par le fait que de toute façon le médiateur ne rendait pas de décision susceptible de recours devant un juge (CE, Retail, 1981). Par la suite, loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et la liberté posa de façon claire le principe selon lequel la CNIL est une autorité administrative indépendante : la catégorie des autorités administratives indépendante était née. Les autorités administratives indépendantes se sont développées : dans son célèbre rapport de 2001, le Conseil d’État en comptait plus d’une centaine.
La création de ces institutions se multiplia dans les années 80 et le Conseil dut se positionner quant à leur légalité. Dans sa décision n° 84-173 DC du 26 juillet 1984, le Conseil constitutionnel accepta le principe de la création d’autorités de ce type en soulignant toutefois le fait que dans le domaine des libertés publiques, leur création relève de la compétence exclusive du législateur : « Considérant que la désignation d’une autorité administrative indépendante du Gouvernement pour exercer une attribution aussi importante au regard de la liberté de communication que celle d’autoriser l’exploitation du service radio-télévision mis à la disposition du public sur un réseau câblé constitue une garantie fondamentale pour l’exercice d’une liberté publique et relève de la compétence exclusive du législateur ». En effet, l’article 34 de la Constitution prévoit que : « La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
Dans tous les cas, juridiquement, la création d’une AAI suppose une intervention minimale du législateur mais, dans la matière relevant des libertés publiques, cette intervention peut être maximale.
La compétence législative sera plus exclusive en matière de régulation audiovisuelle par exemple (Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, consid. 35, Loi relative à la liberté de communication. – Cons. const., 15 janv. 1992, n° 91-304 DC, consid. 10, Loi modifiant les articles 27, 28, 31 et 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) que dans des matières strictement économiques. Pour ces dernières, le législateur pourra se contenter de fixer les principes fondamentaux et renvoyer au pouvoir réglementaire les modalités de mise en œuvre de la régulation (Cons. const., 28 juill. 1989, n° 89-260 DC, consid. 28, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier. – Cons. const., 3 août 1993, n° 93-324 DC, consid. 18, Loi relative au statut de la Banque de France et à l’activité et au contrôle des établissements de crédit). En revanche, la compétence législative reste essentielle et exclusive dans tous les cas pour déterminer un certain nombre de garanties fondamentales, notamment en matière de sanctions (Cons. const., 17 janv. 1989, n° 88-248 DC, consid. 26, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. – Cons. const., 23 juill. 1996, n° 96-378 DC, consid. 28, Loi de réglementation des télécommunications).
Une difficulté se pose néanmoins : parmi les autorités administratives indépendantes actuelles, il est difficile d’en voir une qui distribue directement de l’argent. Ce n’est sans doute pas impossible de l’envisager mais c’est évident qu’il s’agirait de transformer un peu le type de structure possible, la forme classique de l’AAI.
L’hypothèse de l’extension des compétences de la Commission nationale du débat public
La question qui sera posée ici est de savoir s’il faudra créer une nouvelle AAI ou utiliser une AAI déjà existante pour gérer le fonds d’interpellation et comment celle-ci sera composée. Est-il possible de prendre appui sur une commission qui existe déjà, la Commission nationale du débat public (CNDP), ou faut-il créer une nouvelle autorité ?
Créée par la loi Barnier de 1995 et désormais codifiée à l’article L. 121-1 du Code de l’environnement, modifiée dernièrement par une ordonnance du 6 novembre 2014, elle est définie de la façon suivante : « La Commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories d’opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire (…). » La Commission nationale du débat public a également pour mission d’émettre tous avis et recommandations à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser et développer la concertation avec le public. Il semble donc que ce soit l’autorité naturelle pour ce genre de question.
La CNDP est attachée au développement de la démocratie participative, voire à une logique d’interpellation. Ainsi le 23 mars 2015, le président de la CNDP a présenté devant la Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental, présidée par M. Alain Richard, les propositions d’évolutions législatives et réglementaires dans le domaine du débat public et de la participation des citoyens. Parmi les principales propositions, on trouve les suivantes :
– Permettre à 10 parlementaires, 10 000 citoyens ou une association de protection de l’environnement exerçant son activité sur le territoire national, de saisir la CNDP, qui pourrait aussi s’autosaisir, sur tout projet d’équipement ou d’aménagement, quel que soit son coût, que le projet soit d’intérêt national ou non. On est bien dans une logique d’interpellation dans le but de faciliter la saisine sur des projets précis.
– Permettre à l’Assemblée nationale ou au Sénat et à 500 000 citoyens de demander l’organisation d’un débat public sur des plans, programmes ou options générales. Le Gouvernement doit également prendre un décret (prévu par la loi Grenelle) sur ce point. Les grands schémas de transport et d’aménagement du territoire, et les opérations d’intérêt national doivent faire l’objet de débats avec l’ensemble des citoyens. On voit que cette proposition se situe largement dans une optique d’interpellation citoyenne de dimension générale, mais aussi que le chiffre de 500 000 citoyens a été fixé en référence au CESE. Ce point vient confirmer le fait qu’une institutionnalisation donnée ne peut se faire sans référence aux institutionnalisations préexistantes.
– Développer les conférences de citoyens, très utilisées en Europe du Nord et qui ont montré leur intérêt et leur pertinence sur le projet CIGEO. La démonstration a été apportée que des citoyens formés de manière pluraliste pouvaient porter un jugement pertinent et circonstancié sur les sujets les plus complexes. Aucun sujet ne doit être réservé aux experts ou aux « sachants ».
– Confier à la CNDP une mission de conciliation sur les projets conflictuels. Il s’agit de faciliter le dialogue et les échanges, de procéder à des contre-expertises, d’apporter des éclairages pluralistes. La CNDP pourrait alors être saisie par les différentes parties prenantes des projets. Bien entendu cela n’est pas sans faire penser aux ZAD…
Par ailleurs, la composition de la CNDP se rapproche de celle que le rapport souhaiterait pour l’AAI en question. Il suffit de se référer à l’article L. 212-3 du Code de l’environnement modifié par l’ordonnance n°2015-948 du 31 juillet 2015 – art. 14 : « La Commission nationale du débat public est composée de vingt-cinq membres nommés pour cinq ans ou pour la durée de leur mandat. Outre son président et deux vice-présidents, elle comprend :
1° Un député et un sénateur nommés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat ;
2° Six élus locaux nommés par décret sur proposition des associations représentatives des élus concernés ;
3° Un membre du Conseil d’Etat, élu par l’assemblée générale du Conseil d’Etat ;
4° Un membre de la Cour de cassation, élu par l’assemblée générale de la Cour de cassation
5° Un membre de la Cour des comptes, élu par l’assemblée générale de la Cour des comptes ;
6° Un membre du corps des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, nommé par décret sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
7° Deux représentants d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 exerçant leur activité sur l’ensemble du territoire national, nommés par arrêté du Premier ministre sur proposition du ministre chargé de l’environnement ;
8° Deux représentants des consommateurs et des usagers, respectivement nommés par arrêté du Premier ministre sur proposition du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des transports ;
9° Deux personnalités qualifiées, dont l’une ayant exercé des fonctions de commissaire enquêteur, respectivement nommées par arrêté du Premier ministre sur proposition du ministre chargé de l’industrie et du ministre chargé de l’équipement ;
10° Deux représentants des organisations syndicales représentatives de salariés et deux représentants des entreprises ou des chambres consulaires, dont un représentant des entreprises agricoles, nommés par arrêté du Premier ministre sur proposition des organisations professionnelles respectives les plus représentatives ».
Cette composition montre aussi que penser que l’on pourrait éviter la présence de parlementaires ou de magistrats dans une autorité administrative au profit de seuls associatifs à qui l’on confierait sans réserve de l’argent public, comme le propose l’avis final de la conférence de citoyens, est une vue de l’esprit. C’est donc plutôt vers le modèle de la CNDP que l’on doit tendre si on veut la création d’une AAI, et l’extension des compétences de la CNDP pourrait être une idée intéressante.
Cependant, cela ne résout pas le problème des pouvoirs de l’AAI, qui est une question beaucoup plus délicate et il est très probable qu’ici, en revanche, le droit ne vienne limiter fortement les pouvoirs de cette AAI… ce qui est plutôt une bonne nouvelle du point de vue démocratique, mais une mauvaise pour la proposition du rapport.
La faiblesse juridique de la proposition : surestimer les pouvoirs qui peuvent être délégués à l’AAI par l’Etat
D’après le rapport Citoyenneté et Pouvoir d’agir dans les quartiers populaires , l’AAI devrait tout à la fois fixer les critères de détermination, distribuer l’argent, et contrôler l’argent. En l’état du droit, une telle structuration semble difficilement envisageable. Il faut bien comprendre que c’est finalement le législateur et le pouvoir réglementaire qui fixeront largement les règles utilisées par l’AAI et que celle-ci ne sera donc pas le garant d’un système qui pourrait être indépendant au profit des associations.
Tout d’abord, sur la somme d’argent qu’il s’agit de distribuer, cela ne relève pas de la compétence de l’AAI mais du législateur et du gouvernement, comme nous l’avons vu dans notre article précédent.
Ensuite, sur la fixation des règles de distribution de l’aide publique, on peut difficilement imaginer qu’elle relève aussi de cette AAI, car les AAI ont un pouvoir réglementaire trop limité. D’une part, dans la mesure où ces questions concernent l’article 34 de la Constitution, elles relèvent du législateur. D’autre part, même si le législateur valide et délègue au pouvoir réglementaire, ce sera le pouvoir réglementaire du gouvernement et non celui de l’autorité administrative indépendante. Cela résulte de l’encadrement constitutionnel du pouvoir réglementaire des AAI. Le Conseil constitutionnel a considéré que l’article 21 de la Constitution ne fait pas obstacle à l’attribution de compétences réglementaires à une autorité administrative indépendante (Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, consid. 58, Loi relative à la liberté de communication), tout en fixant des conditions qui se sont progressivement étoffées.
Tout d’abord, le pouvoir réglementaire doit être attribué à cette autorité par le législateur lui-même, qui se trouve investi de la mission de protéger le gouvernement contre les tentations qu’il pourrait avoir de se délaisser de son propre pouvoir (Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, consid. 58, Loi relative à la liberté de communication). Le juge vérifiera, lorsque la question de la création par une autorité indépendante de régulation de normes réglementaires se trouve posée, que le législateur, et non le seul pouvoir réglementaire, a bien entendu permettre la délégation d’un tel pouvoir à cette autorité (V., pour le CSA, CE, 16 nov. 1990, n° 97585, La Cinq. – CE, 18 févr. 1994, n° 124805, SA RFM. – CE, 3 juill. 2000, n° 218358, Sté civile des auteurs réalisateurs producteurs. – Pour la Commission des opérations de bourse, CE, 10 oct. 1997, n° 119890, Sté Patrimoine Gestion Privée. – Pour la CRE, CE, 30 mars 2007, req. n° 289687, Sté Enel. – Pour l’ARJEL, CE, 26 nov. 2012, n° 351163, ARJEL). Par voie de conséquence, le pouvoir réglementaire des autorités de régulation connaît une limitation verticale, au sens où il ne peut s’agir que d’un pouvoir réglementaire d’application de la loi et non d’un pouvoir réglementaire autonome (Cons. const., 18 sept. 1986, n° 86-217 DC, consid. 58, Loi relative à la liberté de communication). Ce pouvoir réglementaire s’exerce donc dans les limites fixées par le législateur (Cons. const., 28 juill. 1989, n° 89-260 DC, consid. 31, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier) et par le pouvoir réglementaire (Cons. const., 15 janv. 1992, n° 91-304 DC, consid. 13, Loi modifiant les articles 27, 28, 31 et 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Par ailleurs, le pouvoir réglementaire connaît une limitation horizontale, dans le sens où il ne peut intervenir que dans un domaine déterminé et « à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ». Cette solution a conduit à la censure du dispositif réglementaire prévu initialement au bénéfice du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont la portée a été considérée comme trop étendue, car il l’autorisait à fixer les règles déontologiques concernant la publicité mais aussi l’ensemble des règles relatives à la communication institutionnelle, au parrainage et aux pratiques analogues (Cons. const., 17 janv. 1989, n° 88-248 DC, consid. 15, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).
Néanmoins, on constate que le pouvoir réglementaire confié à une autorité de régulation peut parfois dépasser le cadre d’une habilitation limitée, à condition qu’il existe un contrôle du gouvernement, en pratique une homologation des actes adoptés par l’autorité (Cons. const., n° 89-260 DC, 28 juill. 1989, consid. 19 et 31, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier ; Cons. const., 23 juill. 1996, n° 96-378 DC, consid. 9 et 12, Loi de réglementation des télécommunications).
En conclusion, l’ AAI dans tous les cas ne pourra seule fixer les critères de sélection des interpellations : c’est le législateur et le gouvernement qui fixeront les critères. Or cela posera sans doute des problèmes du point de vue de la capture du droit d’interpellation. C’est donc juridiquement une vue de l’esprit de penser que c’est l’AAI qui fixera les critères : elle appliquera les critères dégagés par le législateur et le gouvernement sous le contrôle du juge administratif. Il y a donc ici un danger important.
Dans tous les cas, enfin, on ne peut qu’aller dans le sens de l’avis final de la conférence des citoyens sur l’objet de l’interpellation : l’objet est beaucoup trop large et il faudra préciser les critères, avec tous les dangers que cela représente.
Conclusion
Si la création d’une AAI par le législateur pour la mise en oeuvre de l’interpellation citoyenne semble juridiquement possible, et qu’une éventuelle extension des compétences de la CNDP est envisageable, il faut se garder de penser que cela permettra une grande autonomie vis à vis de l’Etat. Peut-être l’exécution de l’aide serait effectuée de façon indépendante, mais l’AAI se contenterait alors largement d’appliquer des règles fixées par le législateur et le pouvoir réglementaire. D’un autre côté, confier une telle mission à une AAI, dont la composition pourrait au final ne pas ressembler du tout à celle prévue par le rapport, présente un risque de capture par une autorité très peu contrôlée et qui sera nécessairement extrêmement critiquée. Sur ce point, conserver son pouvoir à l’autorité politique traditionnelle permettrait au moins de bien localiser où sont les responsabilités afin de permettre un contrôle véritablement démocratique de l’attribution de l’aide.
Sans doute faudrait-il mieux éviter qu’un instrument pensé comme un gage de la démocratie ne devienne une assurance de bureaucratie…
Romain Rambaud