Dans son interview donnée au journal Le Figaro le 17 avril 2020, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, indiquait à la fin de celle-ci, à propos des problèmes constitutionnels potentiels posés par le report du second tour des élections municipales : « Comme il semble assez probable que le Conseil constitutionnel soit saisi de ces questions par la voie de la QPC, vous comprendrez que je ne puisse prendre position sur des débats qui devront être tranchés par le Conseil assemblé. Ce qui est certain, c’est que la situation est sans précédent dans notre histoire politique contemporaine. Des questions inédites se posent au regard, notamment, du principe d’égalité ou de l’exigence constitutionnelle de sincérité du scrutin que le Conseil constitutionnel déduit de l’article 3 de la Constitution. On voit donc l’intérêt que le Conseil constitutionnel puisse trancher définitivement les différentes questions soulevées par la loi déjà adoptée, ou les dispositions législatives qui viendront la compléter pour régler ces questions ».
Une chose est claire : si Laurent Fabius se garde bien, et c’est normal, de s’avancer sur la solution qui serait donnée au contrôle de constitutionnalité de la loi du 23 mars 2020 (on rappelle que le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi a priori de cette loi), le président du Conseil constitutionnel envoie un message clair aux juridictions administratives, et au Conseil d’Etat en particulier, sur le fait qu’il souhaite juger la constitutionnalité de cette loi et adopter une position de principe, ce qui serait effectivement de nature à poser beaucoup de choses. Pourrait-il donc y avoir rapidement une décision du Conseil constitutionnel ? La réponse est sans doute oui, à condition que le Conseil d’Etat accède à la demande de la juridiction constitutionnelle.
La première disposition à être contrôlée : sans doute celle entérinant les résultats du 1er tour des élections municipales
De ce point de vue, la QPC pourrait d’abord venir de la disposition de la loi du 23 mars 2020 qui, comme l’indique Laurent Fabius, « entérine les résultats du premier tour là où ils ont permis la constitution de conseils municipaux », car il s’agit logiquement dans l’ordre chronologique de la première disposition qui pourrait être soumise au Conseil constitutionnel, puisque de nombreuses protestations électorales ont déjà été déposées devant les tribunaux administratifs contre le 1er tour dans les communes ont les élections ont été acquises le 15 mars 2020.
L’article 19 I dernier alinéa de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 dispose en effet que « Dans tous les cas, l’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l’article 3 de la Constitution ». Son objet est de marquer le consensus politique et parlementaire s’agissant du maintien des résultats du 1er tour, dans le cadre de la loi d’urgence qui a permis de sortir de la crise liée au report du second tour des élections municipales pour cause de confinement, du point de vue des députés et des sénateurs.
On peut imaginer que certains requérants, souhaitant se prévaloir de l’abstention forte du 15 mars 2020 dans le cadre de protestations électorales, décident de former une QPC contre cet article, invoquant par exemple l’atteinte à la sincérité du scrutin. C’est ce qui a été fait notamment par l’association « 50 millions d’électeurs » qui a aidé à déposer deux QPC différentes, et qui a accompagné le dépôt de ces QPC d’une « lettre ouverte aux sages de la République ». Mais il en existe sans doute bien d’autres.
Les QPC contre l’article 19.I dernier alinéa ont donc commencé leur marche. Pourraient-elles aboutir ?
Un contentieux des QPC électorales à plusieurs vitesses permettant la transmission des QPC essentielles
La loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a suspendu, jusqu’au 30 juin 2020, les délais mentionnés aux articles 23-4, 23-5 et 23-10 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
Cette loi organique a parfois donné lieu à d’étranges interprétations dans la presse et sur les réseaux sociaux, favorisées par la maladresse du ministre de l’Intérieur au cours des débats parlementaires, selon lesquelles les QPC n’auraient pas été possibles jusqu’à cette date. Cependant, les délais mentionnés aux articles 23-4, 23-5 et 23-10 ne visent que les délais obligatoires de 3 mois dont disposent d’abord la Cour de cassation ou le Conseil d’État puis le Conseil constitutionnel pour statuer sur une QPC dont ils sont saisis, de sorte que leur suspension signifie simplement que ces juridictions ne sont plus contraintes par un délai de jugement impératif. Le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans sa décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020 relative à cette loi organique d’urgence : « Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus covid-19 sur le fonctionnement des juridictions, l’article unique de cette loi organique se borne à suspendre jusqu’au 30 juin 2020 le délai dans lequel le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et celui dans lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Il ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période ».
En effet, si ce délai a toujours été impératif sous peine, pour le Conseil d’État ou la Cour de cassation, d’être dessaisis au profit du Conseil constitutionnel (art. 23-7 de l’ordonnance du 7 novembre 1958), cela n’a jamais empêché le Conseil d’État ou la Cour de cassation de transmettre plus rapidement. De la même manière, le Conseil constitutionnel peut lui-même statuer très rapidement. Par exemple, pour rester sur la matière électorale, en ce qui concerne la QPC dirigée contre l’article L. 167-1 du code électoral relatif aux temps de parole officiel audiovisuel pour les élections législatives, le Conseil d’État avait été saisi le 24 mai 2017 en référé et avait transmis la QPC par son ordonnance du 29 mai (n° 410833) puis le Conseil constitutionnel avait statué dès le surlendemain (Cons. const., n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017).
Ainsi, grâce à la loi organique d’urgence, les trois juridictions suprêmes peuvent différer le traitement de certaines QPC considérées comme non prioritaires, mais cela ne les empêche pas de statuer rapidement sur d’autres qui seraient considérées comme essentielles. Cela a été le cas concernant l’état d’urgence sanitaire : le Conseil d’Etat a ainsi rejeté dans le cadre d’un référé-liberté comme dépourvue de caractère sérieux une QPC dirigée contre l’article L. 3131-15 2° du code de la santé publique introduit par la loi d’urgence précitée (CE, Association mouvement citoyen tous migrants et autres, 9 avril 2020, n° 439895).
Par ailleurs, il faut noter que l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, en vertu duquel la juridiction de premier niveau statue « sans délai » par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, n’a pas été suspendu par la loi organique et continue d’être appliqué par les juridictions du fond. Ainsi, les juridictions judiciaires transmettent bien des QPC portant sur les sanctions pénales édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire par la loi d’urgence (v. saisines du 10 avril 2020, n° 20-90.003, par le Tribunal judiciaire de Bobigny, et n° 20-90.004, par le Tribunal judiciaire de Poitiers, contre l’article 3136-1 al. 4 du code de la santé publique).
Que faut-il attendre de ces dispositions concernant la matière électorale ? Sans doute pourraient-elles donner lieu à un contentieux constitutionnel à plusieurs vitesses. Les QPC « ordinaires », portant sur les règles d’éligibilité et d’inéligibilité, de campagne, etc., même si elles sont transmises sans délai par des tribunaux administratifs, devraient logiquement attendre, sauf décision contraire du Conseil d’État. En revanche, il est possible que certaines QPC soient transmises puis jugées par le Conseil d’État, voire par le Conseil constitutionnel, et cela bien avant que les affaires ne soient enrôlées au fond. Cela pourrait même s’avérer opportun, comme ce serait le cas pour une QPC dirigée contre l’article 19.I dernier alinéa, permettant d’obtenir une position des juridictions suprêmes avant que les TA ne commencent à juger (puisque pour le moment, le contentieux électoral est suspendu).
Vers une transmission de la QPC au Conseil constitutionnel ?
Il n’y a pas lieu de spéculer sur ce qu’une telle QPC pourrait devenir, toutes les solutions étant possibles, même si l’interview de Laurent Fabius plaidera sans doute dans le sens au moins d’une transmission au Conseil constitutionnel. Cependant sur le plan juridique, si cela est tout à fait possible, cela n’est pas non plus tout à fait certain. Imaginons pour la suite du raisonnement qu’au moins un seul TA accepte de transmettre la QPC, ce qui est une solution probable.
D’un côté, le Conseil d’Etat pourrait ne pas la transmettre en jugeant que cette disposition n’est pas réellement applicable au litige, parce qu’elle est postérieure aux élections et/ou dépourvue de portée normative, dans la mesure où les résultats du 1er tour et les élections sont déjà acquis en cas de majorité absolue des suffrages exprimés pour l’une des listes en vertu de l’article L. 262 du code électoral, et donc valides en droit dans la mesure où il n’existe pas de seuil de participation exigé pour des élections municipales (hormis, en vertu de l’article L. 253, pour l’élection au premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants). En effet, la haute juridiction administrative considère que « les dispositions d’une loi qui sont dépourvues de portée normative ne sauraient être regardées comme applicables au litige, au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 » (CE, 18 juill. 2011, Fédération nationale des chasseurs, n° 340512 ; CE, 19 oct. 2015, Association pour la neutralité de l’enseignement de l’histoire turque dans les programmes scolaires, n° 392400 ; CE, 13 janv. 2017, n° 404850). Il se pourrait aussi qu’il ne la juge pas sérieuse, eu égard à l’absence de critère de participation en droit des élections politiques.
D’un autre côté, il pourrait à l’inverse la juger applicable au litige en tant qu’elle entérine les résultats du premier tour et a vocation en quelque sorte à neutraliser l’abstention (ou même ne rien dire sur ce sujet, ce qui serait encore plus habile pour laisser ouvertes toutes les possibilités), et sur le fond qu’il la juge soit sérieuse (au regard du principe d’égalité et du principe de sincérité du scrutin notamment) soit nouvelle (mettant en jeu des principes constitutionnels, notamment le principe de sincérité du scrutin, qui n’ont jamais été appliqués à un report d’élection dans de telles circonstances), soit les deux, notamment dans le but d’en saisir le Conseil constitutionnel pour des raisons d’opportunité. On peut de ce point de vue interpréter comme un message du Conseil constitutionnel au Conseil d’Etat l’interview précitée de Laurent Fabius. Sera-t-il entendu ?
Si la QPC était transmise au Conseil constitutionnel, quelles solutions pourrait-il adopter ?
S’il était saisi, que ferait le Conseil constitutionnel ? Nul n’est habilité à le prédire, mais la position de la juridiction constitutionnelle sera en tout état de cause exceptionnelle. Même si le principe de sincérité du scrutin figure bien dans les normes de référence du Conseil constitutionnel mises en œuvre en tant que juge électoral comme en tant que juge de la constitutionnalité de la loi (Cons. const., n°2013-673 DC, 18 juil. 2013), ce dernier ne l’a que récemment directement rattaché à l’article 3 de la Constitution (Cons. const., n° 2018-773 DC, 20 dec. 2018) et son contenu reste très indéterminé pour ce qui concerne la question de la validation, de l’annulation ou du report d’une élection, ce qui laisse beaucoup d’hypothèses ouvertes, même si l’hypothèse d’une censure ayant pour effet d’annuler le 1er tour des élections municipales n’est pas la plus probable.
Tout d’abord le juge constitutionnel pourrait aussi bien finalement décider que la disposition n’est pas normative et donc non applicable au litige, tout en préservant les résultats de l’élection. Jusqu’à aujourd’hui, en droit français, l’abstention n’est pas une cause d’invalidation de l’élection en tant que telle (Cons. const., n°98-2571 AN, 09 mars 1999, Alpes-Maritimes, 2ème circ. ; CE, 17 dec. 2014, n°381500, El. Mun. de Saint-Rémy-sur-Avre ; CE, 22 juill. 2015, n° 385989, El. Mun. de Montmagny) et l’annulation des élections ne s’envisage qu’au cas par cas (en théorie surtout, la pratique faisant état surtout de la neutralisation de l’abstention) lorsque des circonstances particulières sont présentes en l’espèce, comme des manoeuvres ou des pressions (Cons. const., n°2007-3742/3947 AN, 20 dec. 2007, Hauts-de-Seine, 10ème circ. ; CE, 17 dec. 2014, n°381500, El. Mun. de Saint-Rémy-sur-Avre ; CE, 22 juill. 2015, n° 385989, El. Mun. de Montmagny) ou en cas de circonstances exceptionnelles s’il existe une inégalité entre les candidats (Cons. const., n°80-892/893/894 AN, 19 janv. 1981, Cantal, 1ère circ ; Cons. const., n°93-1279 AN, 1er juil. 1993, Wallis-et-Futuna). Le 15 mars 2020, l’abstention a affecté tout le monde de la même manière, et l’on ne se trouve donc pas dans une telle hypothèse qui pourrait en revanche se présenter au cas par cas.
Quant à faire valoir des pressions, cela ne nous semble ne pas correspondre aux discours de l’Etat et du Conseil scientifique (v. avis du 12 et du 14 mars) qui a indiqué que le vote était possible dans des conditions sanitaires adaptées, même si hélas celles-ci n’ont parfois pas été suffisantes. En tout état de cause, cette loi peut difficilement être considérée comme validant a posteriori l’exercice de pressions sur les électeurs.
Par ailleurs, le pouvoir exécutif, en maintenant les élections municipales, se trouvait en quelque sorte en situation de compétence liée, seul le pouvoir législatif pouvant décider du report des élections. Quoiqu’envisageable, comme nous l’avions nous-même indiqué à l’époque, l’utilisation de la théorie des circonstances exceptionnelles n’était pas sans poser d’importantes difficultés sur le plan juridique, car il aurait fallu s’en remettre au juge administratif pour sauver un acte illégal, mais surtout sur le plan politique. Immanquablement, le pouvoir exécutif aurait été accusé d’un coup de force anti-démocratique. Jusqu’à quel point peut-on reprocher aux pouvoirs publics de ne pas avoir violé le droit ?
En outre, le juge constitutionnel pourrait considérer, a fortiori dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons, ne pas disposer d’un « pouvoir d’appréciation de la même nature que le Parlement » et ainsi s’autolimiter dans le contrôle opéré. En effet, de manière générale, les lois électorales font l’objet de cette autolimitation, par simple volonté de respecter la marge de manœuvre du pouvoir politique (parfois excessive), comme ce fut le cas pour prendre un exemple récent lors de la validation du seuil de 5% des suffrages pour être admissible aux sièges dans le cadre des élections européennes (Cons. const., n° 2019-811 QPC, 25 oct. 2019). En outre, cette autolimitation du contrôle de la part du Conseil constitutionnel ne pourra être que renforcée par le fait que le Parlement, en commission mixte paritaire, a trouvé sur ce sujet un consensus politique en pleine crise, qu’il ne lui appartiendrait pas de remettre en question en l’absence de fondement textuel clair et non équivoque.
Quant au principe d’égalité, il est malheureusement probable que la menace du virus continue à planer sur nous et c’est bien plutôt la question des modalités d’expression du vote en période de crise sanitaire qu’il faut aujourd’hui se poser, car la démocratie doit continuer et les opérations électorales s’adapter, comme l’a montré l’exemple de la Corée du Sud qui en tous points, aura été meilleure que nous sur ce sujet.
Mais le Conseil constitutionnel pourrait aussi, s’interrogeant par exemple sur la compétence du législateur, la normativité de la loi, le principe de sincérité du scrutin ou le principe d’égalité, contredire une telle analyse et/ou produire des réserves d’interprétation, remettant en cause ou non le premier tour des élections municipales.
Conclusion
En l’état du droit, il est tout à fait possible, même s’il n’est pas certain, qu’une QPC portant sur l’article 19.I dernier alinéa de la loi d’urgence du 23 mars 2020 puisse être transmise au Conseil constitutionnel.
Quelle sera l’appréciation portée par celui-ci ? Jusqu’ici, soucieux de ne pas ajouter de la crise à la crise, le Conseil constitutionnel s’est montré prudent dans l’exercice de son contrôle de constitutionnalité. En droit, il existe pour le moment davantage d’arguments pour ne pas annuler le premier tour des élections municipales que pour les remettre en cause totalement. Par ailleurs, sur le plan politique, la crise « électorale » semble résolue pour le moment, permettant de se consacrer à la sortie de la crise sanitaire, même si cette « suspension » du processus électoral devra s’arrêter tôt (en juin ou à la rentrée, mais mars est contre-indiqué), pour des raisons de fond sur lesquelles nous reviendrons. Mais dans notre système d’Etat de droit, c’est le Conseil constitutionnel qui est l’interprète authentique de la Constitution en l’absence de modification de celle-ci, et c’est donc lui qui aura le dernier mot.
Il y a effectivement, pour reprendre les termes de Laurent Fabius qui peuvent paraître sévères pour les universitaires, ceux qui commentent et ceux qui décident : si les deux fonctions sont parfaitement légitimes et que chacun quand il le fait est dans son rôle (ce qui fait que les reproches du Président du Conseil constitutionnel peuvent être regrettés), il reste que la seconde est infiniment plus difficile que la première, et il est vrai (de notre point de vue en tout cas) que les universitaires ont la critique trop systématique et sans doute souvent trop radicale dans l’expression (ce qui fait qu’on peut comprendre un certain agacement et que le reproche n’est pas non plus dénué de tout fondement). Il existe, pour une juridiction constitutionnelle dans le cadre d’une crise de la nature de celle que nous connaissons, un nombre infini de paramètres à prendre en compte. La situation, aujourd’hui, est nécessairement imparfaite. Elle le serait dans tous les cas. Gageons qu’il est préférable encore aujourd’hui de privilégier les voies de sortie de crise.
Romain Rambaud