21/08/2012 : Travaux de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique : quelle place pour le droit des sondages électoraux ?

Ça y est, c’est officiel, c’est la rentrée ! Pas celle des classes, encore, mais celle du politique et, à sa suite, celle du juriste. Le président est de retour… la vie peut recommencer.

Comme il était prévu, le droit des sondages est au repos. Pour combien de temps, l’attitude de la Commission des sondages concernant la sortie de sondages sur l’élection à la présidence de l’UMP, qui se déroulera en novembre, le dira. Cette élection semble toutefois trop éloignée d’une élection régie par le Code électoral pour justifier un contrôle, à moins que la Commission ne décide d’élargir toujours davantage la notion de sondage électoral au sens de la loi de 1977.

En attendant, ce sont les travaux – potentiels – de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique qui doivent retenir notre attention.

Ici, un retour sur le passé s’impose : on se rappelle en effet qu’avant les vacances, Francois Hollande avait décidé de créer une Commission présidée par Lionel Jospin sur la moralisation de la vie politique. La question est posée de savoir si celle-ci va s’intéresser au droit des sondages électoraux.

Notre position est ici de dire que cela est possible et que cela est souhaitable.

 

Mission et composition de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique

Par un décret n° 2012-875 du 16 juillet 2012 portant création d’une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, il a été « créé une commission de rénovation et de déontologie de la vie publique. Cette commission est chargée de proposer les réformes à répondre aux préoccupations exprimées par le Président de la République dans la lettre annexée au présent décret, et de formuler toutes les autres recommandations qu’elle jugera utiles ».

Cette Commission est en charge de réfléchir à de nombreux sujets :

1) Définir les conditions d’un meilleur déroulement de l’élection présidentielle. Notamment, la pertinence du système actuel de parrainage des candidats, les modalités de financement de la campagne et  les règles applicables à l’expression des candidats dans les médias.

2) S’interroger sur le calendrier des élections législatives qui suivent l’élection présidentielle et les règles qui lui sont applicables.

3) S’interroger sur l’évolution du statut juridictionnel du président élu.

4) Se prononcer  sur les conséquences d’une suppression de la Cour de justice de la République.

5) Se pencher  sur les voies d’une réforme des modes de scrutin applicables aux élections législatives et sénatoriales et sur les modalités permettant de mieux refléter la diversité des courants de pensée et d’opinion et de renforcer la parité entre les hommes et les femmes.

6) Formuler des propositions permettant d’assurer le non-cumul des mandats de membres du Parlement ainsi que des fonctions ministérielles avec l’exercice de responsabilités exécutives locales.

7) Faire des propositions relatives à la prévention des conflits d’intérêt, tant à l’égard des parlementaires et des membres du Gouvernement que des titulaires de certains emplois supérieurs de l’Etat, de manière à garantir, par la définition de règles déontologiques, la transparence de la vie publique.

 

On ne peut que se réjouir de l’institution de cette Commission. Celle-ci devra rendre son rapport avant le 15 novembre 2012 avec si possible des projets de textes.

On peut se réjouir aussi de sa composition. Derrière les arbres Lionel Jospin et Roselyne Bachelot, personnalités connues et médiatisées, se cache une forêt de juges et de professeurs, et notamment de professeurs de droit.

Qu’on en juge :

« M. Lionel Jospin, ancien Premier ministre, est nommé président de la commission instituée par le présent décret.
Sont nommés membres de la commission :
M. Olivier Schrameck, président de section au Conseil d’Etat ;
Mme Chantal Arens, présidente du tribunal de grande instance de Paris ;
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre ;
Mme Julie Benetti, professeure à l’université de Reims ;
M. Jean-Claude Casanova, membre de l’Institut, président de la Fondation nationale des sciences politiques ;
M. Jean-Pierre Duport, préfet de région honoraire ;
M. Jean-Louis Gallet, conseiller à la Cour de cassation, vice-président du Tribunal des conflits ;
Mme Marie-Christine Lepetit, chef du service de l’inspection générale des finances ;
Mme Wanda Mastor, professeure à l’université Toulouse-I ;
M. Ferdinand Melin-Soucramanien, professeur à l’université Bordeaux-IV ;
Mme Agnès Roblot-Troizier, professeure à l’université d’Evry ;
M. Dominique Rousseau, professeur à l’université Paris-I ;
Mme Hélène Ruiz-Fabri, professeure à l’université Paris-I.
Est nommé rapporteur général de la commission : M. Alain Ménéménis, conseiller d’Etat ».

De bonnes nouvelles pour la Vème république, le droit et l’université ! Reste à savoir si cette Commission s’intéressera à un sujet politiquement, économiquement et juridiquement sensible : les sondages électoraux. Pourtant, il est absolument indispensable de le faire.

 

Quid du droit des sondages électoraux dans les réflexions de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique ?

Autrement dit, une Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique peut-elle faire l’économie de s’interroger sur l’économie actuelle de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion ?

Si on lit le décret, le droit des sondages électoraux n’est pas visé. On pourrait donc craindre que la Commission ne s’y intéresse pas. Si l’on reprend le premier point que la Commission doit étudier, il vise à « Définir les conditions d’un meilleur déroulement de l’élection présidentielle. Notamment, la pertinence du système actuel de parrainage des candidats, les modalités de financement de la campagne et  les règles applicables à l’expression des candidats dans les médias ». Pas de sondages électoraux, donc.

Pourtant, la question du droit des sondages électoraux relève bien de la mission visant à « définir les conditions d’un meilleur déroulement de l’élection présidentielle ». Sans aucun doute, l’influence des sondages d’opinion sur le choix des candidats en amont, la dynamique et les stratégies de campagne en aval, la question de la publication de résultats avant l’achèvement du vote au final, questionnent les conditions de déroulement de l’élection présidentielle. Sans aucun doute, améliorer le droit des sondages électoraux participerait de la définition des conditions d’un meilleur déroulement de l’élection présidentielle.

Or, si le décret vise précisément certaines thématiques, comme le parrainage, le financement de la campagne et les règles applicables à l’expression des candidats dans les médias, il précise, « notamment ». Or, tout le juriste le sait, « notamment » veut dire « entre autres ». C’est à dire, que juridiquement, la Commission des sondages a le droit de s’intéresser au droit des sondages électoraux et de proposer des pistes de réforme.

Or, nous avons relevé, dans nos différents travaux sur le sujet et sur ce blog, de nombreux problèmes dans le droit des sondages électoraux : champ d’application de la loi, règles de fond, autorité de la Commission des sondages, transparence, problèmes de diffusion des résultats avant l’heure, etc. Problèmes trop nombreux et complexes pour y revenir ici en détail. Mais qu’il faut traiter, absolument, à moins de voir les difficultés relatives aux sondages électoraux se multiplier lors de la prochaine élection présidentielle.

Nous disons donc à la Commission de rénovation de la vie politique : intéressez-vous aux sondages !

Et puisque la Commission « peut entendre ou consulter toute personne de son choix », nous sommes bien disposés à faire un certain nombre de propositions….

Un appel du pied… mais au bénéfice de l’intérêt général !

 

Romain Rambaud