D’après le live du Monde, Marine Le Pen vient d’être condamnée à quatre ans de prison, dont deux ferme, 100.000 euros d’amende, et à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate, c’est à dire avec exécution provisoire. Cela correspond aux requisitions du parquet.
Sa candidature à l’élection présidentielle est donc ultra-compromise pour ne pas dire définitivement enterrée. En effet, la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel rend applicable à l’élection présidentielle l’article L. 199 du code électoral, qui dispose : « Sont inéligibles les personnes désignées à l’article L. 6 et celles privées de leur droit d’éligibilité par décision judiciaire en application des lois qui autorisent cette privation ». Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion, en 1974, de faire application de cette solution : en effet, le Conseil constitutionnel a déjà jugé qu’une personne privée de son droit d’éligibilité par une décision judiciaire ne pouvait voir sa candidature à la présidence de la République retenue. En conséquence, la réclamation par laquelle l’intéressé conteste son exclusion de la liste des candidats ne peut qu’être rejetée (Cons. const, n°74- 26 PDR, 21 avril 1974). Eu égard à la durée de 5 ans retenue et à l’exécution provisoire, Marine Le Pen ne pourrait donc pas se présenter à l’élection présidentielle.
Sur le plan juridique, on peut estimer qu’elle pourrait faire appel de cette décision ; cependant l’exécution provisoire rend cet appel non suspensif et en termes de délai, il interviendrait probablement trop tardivement par rapport au calendrier de la prochaine présidentielle y compris sur le plan politique ; on pourrait discuter, comme le font certains, de l’interprétation que le Conseil constitutionnel pourrait retenir au moment de la publication de la liste des candidats. Cependant sur le plan politique il semble désormais impossible pour Marine Le Pen de se projeter sur la prochaine élection présidentielle. De façon assez différente de 2017 mais pour la deuxième fois dans la période récente, la justice aura percuté de plein fouet une élection présidentielle.
On notera que la juridiction n’a pas fait application de la même manière de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel de vendredi dernier, à la différence de Louis Aliot, qui semble-t-il en a bénéficié, comme nous l’avons écrit dans notre billet précédent. Une façon pour le juge judiciaire de cantonner la solution du Conseil constitutionnel aux mandants en cours des élus locaux qui étaient l’objet de la QPC (alors que le Conseil constitutionnel avait dépassé un peu le terme de la question) ou une lecture différente de la réserve d’interprétation posée par le Conseil constitutionnel dans les circonstances de l’espèce ? La lecture de la décision permettra de le savoir.
Si Marine le Pen conserve son mandat de députée (sauf nouvelle dissolution à l’été) en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la déchéance des parlementaires au demeurant confirmée vendredi dernier, sa candidature à l’élection présidentielle ne semble déjà plus d’actualité, ne serait que pour des raisons opérationnelles. Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut une préparation, une campagne, un compte de campagne, etc. Peut-on vraiment se mettre en marche avec un candidat par principe inéligibile, et dont l’éligibilité dépendrait de solutions très hasardeuses ?
Les débats sur l’articulation entre le judiciaire et l’électoral vont redoubler. Marine Le Pen s’exprimera ce soir à 20h.
Romain Rambaud
