Cher.e.s lecteurs et lectrices,
Alors qu’une actualité chasse l’autre de nos jours et que le rythme de celle-ci, et d’un blog, n’est pas celui des éditeurs juridiques et de la recherche fondamentale, on signalera ici une double publication sur les dernieres élections européennes et la dissolution du 9 juin 2024, auquel l’auteur de ces lignes a eu l’honneur de participer.
Les élections européennes : premier commentaire article par article publié chez Bruylant
Concernant les élections européennes, on signalera la publication d’un ouvrage édité chez Bruylant, intitulé Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct – Portail Universitaire du droit, sous la direction de Edouard Dubout, Dominique Ritleng, Gaëlle Marti.
Cet ouvrage est le premier commentaire des dispositions de l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct. L’idée est née de l’horizon des élections européennes de juin 2024 dont est souligné à l’envi le caractère crucial pour l’avenir de l’Europe dans un contexte pour le moins difficile marqué par la guerre en Ukraine, la crise climatique et la montée des mouvements politiques populistes et illibéraux en Europe. En outre, l’idée de l’ouvrage surgit à un moment où fleurissent les appels à une réforme institutionnelle de l’Union européenne, en particulier du mode d’élection des parlementaires européens. En attestent notamment les propositions visant à l’établissement de listes transnationales, c’est-à-dire de création d’une circonscription électorale paneuropéenne. Enfin, l’ouvrage permet, par le biais de l’analyse du mode d’élection des députés européens, de reprendre les questions de l’existence ou de l’émergence d’un peuple européen et d’un espace public européen, c’est-à-dire de l’existence ou de l’émergence d’une démocratie à l’échelle européenne.
L’ouvrage rassemble les contributions de Mohesh Balnath, Didier Blanc, Nicolas Clinchamps, Olivier Costa, Bruno Daugeron, Ninon Forster, Laetitia Guilloud-Colliat, Franz C. Mayer, Romain Rambaud et Romain Vincent. De notre côté, nous avons écrit le commentaire de l’article consacré à l’article 4 au financement des campagnes électorales européennes.
La dissolution du 9 juin 2024 : dossier publié dans l’AJDA, n°39, Dalloz
Cette semaine, dans son numéro n°39 du 18 novembre 2024, l’AJDA publie deux articles consacrés à la dissolution, qui se complètent l’une l’autre, constituant une sorte de dossier.
L’auteur de ces lignes a rédigé un commentaire, intitulé « Le contentieux conséquentialiste des décrets de la sixième dissolution de la Ve République », qui commente les décisions Cons. const., 20 juin 2024, n° 2024-32/33/34/35/36/37/38/39/40/41-ELEC (JO 21 juin 2024, texte n° 68), Cons. const., 26 juin 2024, n° 2024-42/43/44/45/46/47/48/49/50/51/52/53-ELEC (JO 27 juin 2024, texte n° 151) et Cons. const., 4 juillet 2024, n° 2024-54/55/56-ELEC (JO 5 juillet 2024, texte n° 148), relatives au contentieux du décret de dissolution et du décret de convocation des électeurs.
Saisi de recours dirigés contre le décret de convocation des électeurs puis le décret de dissolution du 9 juin 2024, le Conseil constitutionnel a adopté une position conciliante et conséquentialiste consistant à réaffirmer son incompétence pour le décret de dissolution et à considérer que le décret de convocation des électeurs ne méconnaît ni les dispositions de l’article 12 de la Constitution, ni les principes de liberté et de sincérité du scrutin. Ces décisions posent des principes qui feront jurisprudence, notamment pour ce qui concerne la computation des délais de convocation des électeurs. Ce commentaire revient sur le contentieux asymétrie des décrets de la dissolution : compétence pour connaître du décret de convocation mais, solution nouvelle, impossibilité de former à cette occasion une question prioritaire de constitutionnalité, et incompétence réaffirmée pour connaître du décret de dissolution en tant que tel. Sur le fond, cet article montre que le Conseil constitutionnel a faire face à des difficultés pour justifier la légalité de ce décret au regard du délai obligatoire de 20 jours, obligé de faire démarrer l’effet de l’acte au jour même de sa signature, de façon dérogatoire aux règles d’entrée en vigueur des actes administratifs, et de compter les délais prévus par la Constitution comme des délais non francs, ce qui plus conforme aux principes jurisprudentiels existants. Les jours prévus par la Constitution ne sont donc pas francs pour la convocation des électeurs suite à une élection législative anticipée, solution qui pourrait prévaloir également pour les autres élections.
Par ailleurs, l’AJDA publié une étude de Themistoklis Raptopoulos, intitulée « Quand dire, c’est faire (ou presque) en matière de dissolution. Cette analyse, s’appuyant sur une étude d’Emile Blamon publiée en 1956 (La mise en oeuvre de la dissolution, RD publ. 1956. 105-129), montre qu’en réalité, suivant la pratique des régimes précédents, il y avait deux dates d’entrée en vigueur de la dissolution. Vis-à-vis de l’Assemblée nationale, ce serait le jour de la notification au président de cette dernière, normalement le jour même. Cependant, pour la convocation des électeurs, pour que ces derniers soient correctement informés, on suivait jusque-là les règles d’entrée en vigueur des actes administratifs. C’est ce qu’indiquait le Conseil d’Etat en 1955, à propos de la seule dissolution de la IVe République estimant que « le décret du 1er décembre 1955 portant dissolution de l’Assemblée nationale a été publié au Journal officiel du 2 décembre ; que par suite, et par application du délai prévu par le décret du 5 novembre 1870, qui expire le 2 janvier au soir, la date du 8 janvier 1956 est située en dehors du délai impérativement prescrit par l’article 52 de la Constitution, auquel il ne peut être dérogé » (CE, avis, confidentiel, section de l’intérieur, ass. gén., 2 déc. 1955, n° 268.433). La jurisprudence sous la Ve République ne permettait pas de trancher la question, avec une préférence dans les conclusions des rapporteurs publics pour la thèse du régime classique d’entrée en vigueur des actes administratifs. Dans le commentaire officiel de sa décision, le Conseil constitutionnel ne mentionne pas ces précédents. Il préfère faire référence encore une fois à la « lettre de l’article 12 » (p. 12) et cite une décision n° 2013-681 DC ayant considéré qu’une « suspension de ce délai en cas de dissolution de l’Assemblée nationale prononcée en application de l’article 12 de la Constitution, à compter du jour du décret de dissolution et jusqu’au jour prévu par la première phrase du troisième alinéa de cet article 12 », ce qui pouvait laisser penser à une entrée en vigueur le jour même ; cependant ici, il s’agissait d’un problème vis-à-vis de l’Assemblée nationale – la suspension du délai d’examen de la proposition de loi référendaire – et non de la convocation des électeurs. Par conséquent, on peut considérer qu’en décidant que la dissolution prenait effet le « jour même » et non suivant les règles d’entrée en vigueur de droit commun des actes administratifs y compris pour la convocation des électeurs, le Conseil a adopté au regard des précédents une position constructive, de nature à sauver la décision de dissolution.
Vous souhaitant une bonne lecture !