Chers amis,
Ce court article pour vous faire part de la publication, dans l’AJDA de cette semaine (n°31-2014), de mon étude sur l’impact de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sur les micro-partis. S’il faut renvoyer à la lecture de l’AJDA pour connaître l’intégralité de la démonstration et retrouver son appareillage scientifique, on peut en retracer ici les grandes lignes, car la question est d’importance.
En effet, ont été insérées dans cette loi par amendement du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale des dispositions visant à lutter contre les micro-partis, notamment l’interdiction de rattachement d’un parlementaire métropolitain à un parti exclusivement ultra-marin (jugée conforme à la Constitution par la décision n°2014-407 QPC du 18 juillet 2014), ainsi que la limitation des dons et des cotisations des personnes physiques à 7500 euros par an et pour tous les partis, et non plus des dons à 7500 euros par an et par parti comme c’était le cas jusque-là. Par ailleurs, ces dispositifs s’accompagnent aussi d’un renforcement des sanctions et des procédures de contrôle pouvant être mises en oeuvre par la CNCCFP.
Ces disposition visent clairement à éviter le détournement de la loi de 1988 : auparavant, il était possible de donner 7500 euros à plusieurs micro-partis qui ensuite pouvaient les reverser au parti principal, permettant ainsi d’éviter les plafonds prévus par la loi. On se rappelle ici de l’affaire Woerth-Bettencourt, qui soulevait notamment ce problème.
Néanmoins, cet arsenal anti-micro-partis est critiquable, ou en tout cas, il aurait mérité une réflexion plus approfondie. En effet, non seulement ce dispositif ne prend guère en compte les difficultés financières que connaissent les partis, à l’heure où le financement baisse drastiquement, mais il pourrait même avoir des effets contre-productifs, dans la mesure où il pourrait conduire à la multiplication de la formation d’associations au lieu des partis politiques et donc à un système encore moins transparent. Par ailleurs, si l’argent allant des micro-partis aux grands partis se trouve limité, l’inverse n’est pas vrai, et l’argent peut continuer à circuler librement des partis aux micro-partis : or il s’agit du principal problème de transparence aujourd’hui, au regard des fonds engagés dans ce type d’opérations.
On peut même aller jusqu’à s’interroger sur les arrières-pensées politiques de ce dispositif : en effet, lorsque l’on compare les structures de financement des partis politiques, on se rend compte qu’ils ne se trouvent pas à égalité face à cette loi. Si l’UMP est très largement financé par des personnes physiques et peu par les élus, c’est l’inverse pour le PS. Or les cotisations des élus ont été soigneusement écartées du dispositif de limitation prévu par la loi, par un amendement déposé par le PRG.
On peut aussi s’interroger sur le principe posé par la loi selon lequel « dans des conditions fixées par décret, les partis politiques communiquent chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la liste des personnes ayant consenti annuellement à verser un ou plusieurs dons ou cotisations ». Une telle disposition a été justifiée lors des débats parlementaires par le principe de transparence et par une mise en cohérence avec le texte qui prévoit l’édiction de reçus et leur envoi à la CNCCFP notamment pour des raisons fiscales.
Toutefois, on peut s’interroger sur l’impact de cette mesure. Jusqu’ aujourd’hui, les conditions pratiques d’envoi des reçus ne permettaient pas matériellement à la CNCCFP de connaître facilement les affiliations partisanes des personnes privées. Une telle situation pourrait évoluer grâce à la nouvelle liste dont les modalités d’élaboration vont être fixées par décret. Autrement dit, la CNCCFP saura qui fait partie de tel ou tel parti politique ! Pas évident que cela soit un progrès !
Enfin, la question des micro-partis aurait du être pensée sous un angle plus large et moins défavorable : ceux-ci sont en effet indispensables au regard de la présidentialisation de la Vème République, ils peuvent se justifier localement, ils sont utilisés comme structures de support pour les élections locales, etc.
Cette question mériterait donc d’être repensée globalement dans le cadre de l’évolution du droit électoral vers la démocratie continue, dont on a tant parlé ici. A suivre donc.
Bonne lecture de l’AJDA !
Romain