26/09/2014 : Sarkozy, le passé et l’avenir : le candidat accepte le principe d’une primaire, mais ne précise pas si elle sera ouverte ou fermée. Or ça change tout.

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L’organisation d’une primaire, et ouverte, à l’UMP, est un enjeu considérable, d’autant plus aujourd’hui avec le retour de l’ancien président de la République comme candidat à la présidence de l’UMP et comme candidat à la Présidence de la République en 2017. Longtemps réticent, lorsqu’il recevait confidentiellement rue de Miromesnil,  ce qui était d’ailleurs le cœur du conflit avec Alain Juppé, Nicolas Sarkozy a dans son premier meeting de campagne hier, jeudi 25 septembre à Lambersart, dans la banlieue bourgeoise de Lille, dit finalement « oui » au principe d’une « primaire à droite ». Commentaires.

 

Le dispositif des primaires ouvertes acté dans les statuts de l’UMP

On s’en rappelle, le principe de l’organisation d’une primaire ouverte à l’UMP a été acté par une modification des statuts de l’UMP le 30 juin 2013 : il s’agissait du compromis politique qui avait permis de réconcilier, suite au conflit très dur les ayant opposés pour la présidence du parti, Jean-François Copé et François Fillon, lequel était allé jusqu’à créer un groupe parlementaire dissident (sur cette affaire, il faut lire l’excellent ouvrage de Carole Bardon et Bruno Jeudy, où l’on comprend tout sur ce conflit lorsque l’on sait que le directeur juridique de l’UMP a été remercié par Copé 15 jours avant l’organisation de l’élection à la présidence du parti en question…).

A ce jour, les statuts de l’UMP prévoient dans leur article 34 l’organisation d’une primaire en vue de la désignation du candidat à la président de la République, et il est bien précisé que cette primaire est ouverte : « Le candidat à la présidence de la République soutenu par l’Union est désigné à l’occasion d’une  primaire ouverte à l’ensemble des citoyens adhérant aux valeurs de la République et se reconnaissant  dans les valeurs de l’Union ». 

Et pour garantir que ces élections se passent bien, il a été institué, sur le modèle du parti socialiste, une Haute autorité de l’Union, dont la qualité des membres est garantie.

Elle sera présidée par Anne Levade, Professeur de droit constitutionnel. La Haute Autorité comprend neuf membres, dont sa présidente: cinq appartiennent à l’UMP, quatre n’en font pas partie et sont des juristes aux compétences reconnues. D’après l’article 45 des statuts, ces personnes sont choisies pour leur « compétence juridique, parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance et jouissant de la plus haute considération morale ».

Les cinq membres de l’UMP sont les anciens ministres Christine Albanel, Françoise de Panafieu, Dominique Perben, (ces deux derniers ayant été ministre de la Justice),  l’ancienne secrétaire d’Etat Nicole Catala et, en remplacement de Jacques Toubon nommé défenseur des droits, Pierre-André Wiltzer.

Les quatre juristes non UMP sont, outre Anne Levade, Jean-Claude Magendie, ancien premier président de la Cour d’appel de Paris, Bernard Maligner, ingénieur CNRS et spécialiste du droit électoral, et Pierre Steimetz, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et ex-membre du Conseil constitutionnel.

Une telle composition garantit l’absence d’irrégularités graves du type de celles qui avaient frappé l’élection de la présidence de l’UMP, notamment du fait de la présence d’universitaires : Anne Levade, fameuse constitutionnaliste, et Bernard Maligner, très grand spécialiste de droit électoral notamment dans son volet administratif.  Les règles sont prêtes, notamment depuis l’adoption d’une charte des primaires.

Sarkozy et la stratégie des primaires ouvertes

Nicolas Sarkozy, et c’était de bonne politique, a entendu tuer dans l’oeuf la polémique naissante sur les primaires. Dans son discours, 52 secondes y sont consacrées.

D’après Nicolas Sarkozy dans son discours : « Il y aura des primaires à droite. Qui pourrait de bonne foi douter qu’il en fût autrement ? A-t-on oublié mon tempérament ? », Non, l’ancien président de la République ne fuira pas les difficultés : il n’a pas peur. Soit. Mais il y a aussi un fort aspect stratégique : il appelle à ne pas faire de ce sujet une « inutile querelle » et demande à tout le monde de se mettre au travail. « Il n’y a rien à ajouter, il n’y a aucun autre commentaire, et je souhaite maintenant qu’on n’en parle plus ». Fermez le banc.

Mais les choses ne sont peut-être pas si simples, car N. Sarkozy est ambigu. D’ailleurs sur ce point la question n’est pas seulement de savoir si les candidats du centre seront invités à la fête, comme le déclare le journal Le Monde pour qui « La formule est ambiguë, car la primaire pour désigner le candidat du parti à la présidentielle est bien inscrite dans les statuts actuels de l’UMP. Reste à savoir si les candidats du centre seront conviés au scrutin ». L’incertitude, en réalité, est plus large, car Nicolas Sarkozy n’a pas donné de garantie sur le caractère ouvert ou fermé de la primaire qu’il envisage dans le cadre de ce grand rassemblement qu’il imagine et qui, peut-être, ne sera pas l’UMP : « Le moment venu, chacun pourra donc choisir celui ou celle qu’il considérera comme le meilleur ». Mais à qui Nicolas Sarkozy parle-t-il ? A tous les français, ou seulement les militants de l’UMP, comme ce fut le cas pendant le discours ? C’est là qu’est la question fondamentale, car elle détermine le caractère fermé ou ouvert de la primaire, et donc détermine tout.

Stratégiquement et juridiquement, Sarkozy pourra faire un choix entre primaires fermées et primaires ouvertes, qui ne sont pas soumises au même régime juridique. Depuis l’avis du Conseil d’Etat du 31 octobre 2013, (Les dépenses de campagnes résultant de primaires ouvertes, A propos de l’avis du Conseil d’Etat du 31 octobre 2013, AJDA, n° 6/2014, 17 février 2014, p. 321), les dépenses de primaires fermées ne sont pas comptabilisées dans les comptes alors que certaines dépenses de primaires ouvertes le sont (la CNCCFP ayant une conception restrictive de l’imputation des dépenses dans le cadre d’une primaire ouverte). Cependant, la primaire fermée est sans doute moins intéressante en termes d’exposition médiatique et de poids politique que la primaire ouverte.

Le choix de la primaire ouverte est sans doute le plus intéressant. En effet, du point de vue du droit électoral, les primaires ouvertes représentent une plus-value considérable puisqu’elles permettent de bénéficier d’un temps de parole plus important grâce à l’application des principes d’équité, tout en échappant à la comptabilisation de certaines dépenses électorales, en tout cas en l’état du droit.

De ce point de vue, la primaire ouverte bénéficie du vide juridique actuel du droit électoral, puisque le CSA n’a pas produit sa réflexion sur les primaires et donc n’est pas en mesure de lutter contre la « focalisation » des médias sur celles-ci, tandis que les principes d’imputation des dépenses, certes s’appliquent, mais sont mal déterminés et laissent beaucoup de place à l’appréciation (sur ce point, on ne sait toujours pas si le rejet à venir des comptes de campagne de Marseille a un lien avec la primaire). Il est vrai toutefois que le travail de conceptualisation des avantages juridiques respectifs des primaires fermées et des primaires ouvertes reste à faire.

A moins qu’il n’ait été définitivement échaudé par l’insécurité juridique du droit des financements politiques suite au rejet de ses comptes de campagne et à l’affaire Bygmalion, dont Le monde publie en ce moment les éléments judiciaires, et s’il en a les capacités politiques, Sarkozy aurait intérêt à accepter des primaires ouvertes. Tout dépendra du rapport de force qui se profilera dans les semaines à venir.

 

Conclusion

Dans tous les cas, pour conclure, mais ce sera l’objet d’un post à venir très rapidement, nous aurons sans doute de nouveaux éléments à Dijon, mi-octobre, puisque le colloque organisé par D. Andolfatto et votre serviteur sur l« Opinion publique, de la science politique au droit? » accueillera Anne Levade, qui nous parlera des primaires, et Grégoire Weigel, qui nous parlera du CSA.

A suivre !

Romain Rambaud

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