Ainsi que le relaye la presse depuis quelque heures, Jérôme Lavrilleux a été exclu par le bureau de l’UMP. Sur la trentaine de participants, deux membres seulement se sont abstenus (Michèle Alliot-Marie et Françoise Grossetête) et le triumvirat était bien présent (Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé et François Fillon).
Cette décision achève une procédure d’exclusion lancée contre Jerôme Lavrilleux après que ce dernier ait avoué, en direct lors de sa mémorable interview BFM TV, le montage de l’affaire Bygmalion, dont on a déjà parlé ici sur ce blog. M. Lavrilleux avait d’ailleurs anticipé cette décision en se mettant en congé du parti.
Ainsi que le précise Alexandre Lemarié dans son post de blog sur Lemonde.fr, l’UMP a publié un communiqué selon lequel « Il n’appartient pas à l’UMP de préjuger de la véracité et de la portée des propos tenus, ni d’éventuelles mises en cause judiciaires, a fortiori d’éventuelles condamnations. En revanche, il appartient à l’UMP, à ses instances statutaires et disciplinaires et à elles seules, d’apprécier le très grave préjudice – préjudice moral d’abord, d’image et de réputation – subi de plein fouet par le mouvement du fait de l’un de ses élus (conseiller général et député européen), par ses agissements, par son silence jusqu’à ses déclarations du 26 mai 2014 autant que par ces déclarations elles-mêmes ».
Cette décision va-t-elle conduire Jerôme Lavrilleux, qui soutient depuis toujours que Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy ne savaient rien, à la différence de ses plus proches (Lambert et Cesari, notamment), à changer de version et ouvrir un nouvel axe dans l’affaire Bygmalion ? Après les récentes perquisitions à l’UMP, et la probable mise en examen de Jerôme Lavrilleux par les juges en charge de l’affaire (Renaud Van Ruymbeke, Serge Tournaire et Roger Le Loire), tout devient possible (ensemble).
Cette exclusion est en tout cas pour nous l’occasion de poser une question scientifique, concernant les sources qu’un chercheur peut utiliser dans le cadre de son travail. En effet, un ouvrage, intitulé « Bigmagouilles. UMP, où est l’argent? », écrit par Violette Lazard, la journaliste de Libération à l’origine de la révélation de l’affaire, est sorti la semaine dernière. Bien sûr, nous l’avons acheté. Nous l’avons lu, aussi, et nous proposerons bientôt une note de lecture sur cette affaire sur le présent blog.
Voilà l’occasion de poser une question délicate, d’ordre méthodologique : un ouvrage de ce type est-il une source scientifique ? La réponse est loin d’être évidente, et nous nous l’étions déjà posée à propos d’un autre ouvrage journalistique fort intéressant pour les recherches en droit électoral, Le Coup monté de Carole Barjon et Bruno Jeudy, relatif à l’élection à la présidence de l’UMP lors de la bataille Copé-Fillon. Ce débat, sur le statut de nos sources et sur ce type de source en particulier, votre serviteur l’a déjà eu avec une de ses collègues préférées : peut-être, si elle lit ce blog, se reconnaîtra-t-elle ?
La réponse à la question que nous apporterons ici, pour ce qui concerne ce blog, est « oui et encore oui », mais « oui mais »… Comme nous l’avions expliqué à l’occasion du premier anniversaire du blog du droit des sondages, ce type de sources, d’actualité, est fondamental car il apporte les faits au juriste savant, théoricien : or le droit n’est rien sans son application aux faits. Dès lors, ce type de sources est non seulement utile au chercheur, mais absolument indispensable. C’est une certaine manière d’envisager une recherche vivante. Par ailleurs, de ce type d’ouvrages ressortent certaines questions juridiques fondamentales, sur le rôle et les pouvoirs de la CNCCFP, sur l’imputation respective au parti et au candidat des dépenses de campagne, sur le statut du droit pénal en droit électoral, autant de questions qui font l’objet de nos recherches.
Cependant, ces sources doivent être maniées avec une immense prudence, car le journaliste n’est pas un scientifique et peut avoir des thèses l’incitant à exagérer son propos. Par ailleurs, lorsqu’il reprend des thèses des autres, celles-ci sont contradictoires (comme on le verra dans l’affaire Bygmalion) et il n’est donc possible de connaître la vérité. Le chercher doit prendre en compte ces contraintes dans son travail.
Avancer toujours, mais avec prudence constamment. Un peu comme avec un blog, finalement…
A suivre pour la note de lecture !
Romain Rambaud