Alors qu’un nouveau contentieux des élections législatives, non prévu au départ, va désormais commencer, Sophie Briante Guillemont présente ci-dessous son travail de thèse, portant sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel en contentieux électoral.
Le 24 mai 2024 s’est tenue, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la soutenance de ma thèse de doctorat intitulée « Les principes essentiels du droit processuel en contentieux constitutionnel électoral. Juger les élections », un travail dirigé par le Professeur Dominique Rousseau. Le jury était composé de : M. Philippe Blachèr (Professeur des Universités, Lyon III), Me Louis Boré (Avocat au Conseil, Docteur en Droit), M. Mathieu Disant (Professeur des Universités, Paris 1, Président du jury), Mme Mathilde Heitzmann-Patin (Professeur des Universités, Le Mans, Rapporteur), M. Romain Rambaud (Professeur des Universités, Grenoble-Alpes, Rapporteur) et M. Dominique Rousseau (Professeur émérite, Paris 1, Directeur de thèse).
Cette soutenance est l’aboutissement de plusieurs années de recherche consacrées à la procédure choisie et utilisée par le Conseil Constitutionnel pour rendre ses décisions électorales, relatives aux élections parlementaires, référendaires et présidentielles. Un contentieux qui représente, depuis 1958, près des deux tiers des décisions du Conseil, sans que la doctrine constitutionaliste n’y accorde pour autant une place importante. Cet élément ne manque pas de surprendre, le vote demeurant le moment clé de la construction du régime représentatif, cet instant où le citoyen émerge enfin sur la scène politique, constituant ainsi, non pas la finalité, mais bien une des conditions de la démocratie. Or la procédure électorale ne s’achève pas avec le résultat des élections. Elle s’achève avec le traitement des litiges juridiques qui en résultent.
Cette thèse tente ainsi de mieux saisir un moment essentiel de la vie politique par le droit. Elle s’appuie sur l’exploitation de près de quarante années de délibérés rendus publics du Conseil constitutionnel, entre les années 1959 et 1997. En utilisant ces archives, ainsi que les outils offerts par le droit processuel, en procédant à l’examen de chaque étape de la procédure suivie lors du traitement d’une requête électorale, cette recherche a pour objectif de faire le procès du procès électoral. Elle interroge la procédure retenue et formalise un certain nombre d’éléments du droit positif ne l’ayant pas encore été – tels que l’enquête électorale, le rôle et l’influence du rapporteur adjoint, le droit de la preuve électorale, la place de l’oralité, les modes de délibération de la décision électorale ou encore la place des voies de recours et les sanctions prononcées – de façon à révéler et critiquer les aspects les plus singuliers du traitement par le Conseil de ce contentieux.
Compris comme un procès à part entière – ou du moins, pouvant le devenir – le procès électoral est mis en perspective avec la procédure utilisée dans d’autres domaines du droit – administratif, civil et pénal, en apportant également des éléments de droit comparé – sans pour autant nier – et au contraire, en revendiquant – son histoire et son caractère intrinsèquement public, ce qui devrait aboutir à exiger un certain nombre de garanties procédurales supplémentaires. Le fait que l’article 6§1 de la CESDH n’ait toujours pas été rendu applicable à la matière isole de fait le contentieux constitutionnel électoral des évolutions processuelles contemporaines, nuisant au traitement d’un contentieux qui devrait pourtant – de par l’importante de la matière traitée et les conséquences qu’il en soit autrement – être tout à fait exemplaire.
Le juge constitutionnel électoral est une pièce essentielle du processus démocratique lui-même. Une mission fondamentale, que le Conseil constitutionnel semble souvent craindre d’accomplir pleinement. Cette thèse conclut pourtant qu’en revendiquant son office de juge de la démocratie, en menant la procédure électorale à son terme, en l’entourant des garanties processuelles propres à toute haute instante juridique – la procédure permettant de diminuer la subjectivité de ses acteurs – l’institution même du Conseil constitutionnel pourrait s’en trouver renforcée.
Sophie Briante Guillemont
Docteur en Droit