27/03/2017 : Publication du patrimoine des candidats : la transparence, nouveau principe du « droit électoral de la démocratie continue » [R. Rambaud]

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Autre nouveauté de cette élection présidentielle, nous y avions fait référence dans un article précédent, la publication du patrimoine de tous les candidats à l’élection présidentielle et non plus du seul candidat élu. Les français ont donc pu satisfaire leur curiosité autant que leur aspiration légitime à l’honnêteté en allant consulter sur le site internet de la HATVP les déclarations de patrimoine des candidats. Certaines, la presse s’en est fait l’écho, ont été modifiées par rapport aux déclarations déposées en tant que parlementaire national ou européen : ce fut le cas pour F. Fillon ou M. Le Pen, suite à des poursuites engagées contre elle pour sous-évaluation de son patrimoine.

Cette nouveauté, issue de la loi organique de 2013, révèle, associée à d’autres, qu’un nouveau principe caractérise également le « droit électoral de la démocratie continue », droit électoral de cette « démocratie continue » conceptualisée par D. Rousseau : le principe de transparence. Pour le meilleur ou pour le pire ?

La publication de la déclaration de patrimoine des candidats

Depuis la loi organique n°2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, le droit de l’élection présidentielle sur ce point a changé. Auparavant, tous les candidats devaient remettre une déclaration de leur situation patrimoniale au Conseil constitutionnel mais seule la déclaration du candidat élu était publiée, en même temps que la proclamation des résultats. Depuis 2013, l’article 3.I de la loi de 1962 prévoit que ces déclarations sont transmises par le Conseil constitutionnel à la HATVP qui les rend publiques au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin. Cette modification avait été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2013-675 DC du 9 octobre 2013, qui avait considéré, « eu égard à la place du Président de la République dans les institutions et à la nature particulière de son élection », que l’atteinte à la vie privée des candidats n’était pas disproportionnée, tout en censurant le pouvoir qui avait été donné à la HATVP de porter une appréciation sur l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration au motif que cela aurait conféré à cette autorité « le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage ». On y reviendra.

Le décret n°2016-1819 du 22 décembre 2016 précise les modalités concrètes de ce système en créant un nouveau titre dans le décret de 2001, le Titre Ier Bis relatif aux « déclarations de situation patrimoniale ». Il est indiqué que la déclaration porte sur les éléments mentionnés à l’article LO. 135-1.II du code électoral, soit sur les immeubles et valeurs mobilières, les comptes bancaires, les biens mobiliers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire (10000 euros), etc., c’est-à-dire les biens visés par l’annexe 1 du décret n° 2013-1212 du 23 décembre 2013 relatif aux déclarations de situation patrimoniale et déclarations d’intérêts adressées à la HATVP. Elle ne porte donc pas sur les intérêts du candidat mais seulement sur son patrimoine, dont la valeur est évaluée à la date du premier jour du troisième mois précédant le premier tour du scrutin, soit au 1er janvier de l’année 2017. La déclaration est établie selon un modèle annexé au décret.

Ces déclarations sont déposées au Conseil constitutionnel au plus tard le dernier jour de réception des présentations, soit le 17 mars, puis elles sont transmises à la HATVP au plus tard le jour où est rendue publique la liste des candidats. Elles sont conservées pendant la durée du mandat du Président élu. Puis, à l’exception des éléments mentionnés à l’article LO.135-2.III du code électoral (adresses personnelles, nom du conjoint, adresses des biens, etc.), les déclarations sont rendues publiques sur le site internet de la HATVP. Elles demeurent accessibles au public jusqu’au jour de la proclamation des résultats du 1er tour par le Conseil constitutionnel, normalement le 26 avril et, en cas de second tour et à partir de la publication des noms des candidats au Journal officiel, seules les déclarations de ces deux candidats restent accessibles au public jusqu’au jour de la proclamation officielle des résultats définitifs, qui devrait avoir lieu le 11 mai. A l’issue de l’élection, l’article 3.III al. 2 de la loi de 1962 prévoit que le Conseil constitutionnel proclame les résultats et que « la déclaration de situation patrimoniale du candidat proclamé élu est jointe à cette publication ». Le décret prévoit que cette déclaration est celle qui a déjà été rendue publique par la HATVP. Elle demeure accessible au public sur le site de la HATVP jusqu’à la fin du sixième mois suivant la fin de son mandat. Cette dernière disposition permet d’opérer la comparaison avec la déclaration que les candidats s’engagent, cet engagement étant joint à leur déclaration de patrimoine à rendre avant la fin de leur mandat s’ils sont élus (art. 3. I de la loi de 1962).

Les manifestations de la transparence dans le droit électoral de la démocratie continue

Cette progression du principe de transparence est sans doute légitime, notamment dans le contexte actuel d’affaires : après François Fillon et Marine Le Pen, c’est  Emmanuel Macron qui est dans le doute après que la HATVP ait été saisie d’une plainte d’Anticor. Mais la publication du patrimoine des candidats n’est pas la seule manifestation d’un principe de transparence émergent, qui à côté du principe du caractère continu des campagnes électorales, de la liberté d’expression renforcée et de l’équité, pourrait prétendre aujourd’hui au statut de principe fondateur du nouveau modèle de droit électoral que constitue le droit électoral de la démocratie continue. On peut en trouver d’autres.

La première est l’amélioration considérable de la transparence du droit des sondages électoraux depuis la réforme du paquet de modernisation électorale du 25 avril 2016. Comme nous l’avions dit à l’occasion de cette réforme, les notices sont aujourd’hui consultables sur le site internet de la commission des sondages ce qui constitue un progrès considérable : sur ce point, nous nous contenterons de renvoyer à un article publié sur ce blog où nous analysions les nouvelles dispositions et leur publication sur le site internet de la commission des sondages. C’est ainsi qu’il est désormais plus facile de faire preuve d’esprit critique de ce point de vue, comme Tristan Guerra l’a montré sur ce blog à propos de l’affaire du sondage Mélenchon.

La deuxième, et celle-si était inattendue, est sans doute la transparence très forte sur les procédures judiciaires (y compris en violation du secret de l’instruction) faisant suite à l’absence d’application pour cette élection présidentielle d’une quelconque trêve judiciaire, dont nous avons montré sur ce blog et ailleurs qu’eu égard à sa présence à l’article L. 110 du code électoral, et quoi qu’on en pense par ailleurs sur le fond, elle mérite mieux qu’un débat journalistique. Personne ne pouvait l’anticiper, mais il semble que cette absence de suspension des poursuites s’inscrive également dans le mouvement plus large du droit électoral de la démocratie continue.

Sur ce point, la mise en perspective vis-à-vis de la publication du patrimoine des candidats mérite pour terminer d’être faite. En effet, dans sa décision n°2013-675 DC du 9 octobre 2013, le Conseil constitutionnel avait censuré le pouvoir qui avait été donné à la HATVP de porter une appréciation sur l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration au motif que cela aurait conféré à cette autorité « le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage ». Une demande de « non-intervention » dans la campagne électorale voulue par le Conseil constitutionnel s’agissant d’autorités administratives et qui n’ a pas été suivie par le juge judiciaire…

Conclusion

Ce mouvement de transparence accrue est-il bon ou non pour notre système démocratique ? Il est peut-être trop tôt pour le dire. Il exige pour le moins une certaine adaptation afin que les questions politiques de fond, hors celle qui se pose de la moralité de notre classe politique, ne soient pas oubliées.

Romain Rambaud

 

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