Alors qu’on attend la décision du Conseil constitutionnel sur le décret de convocation des électeurs, l’étude des saisines ELEC de ce jour, 18 juin 2024, du Conseil constitutionnel, fait apparaître un fait nouveau et fondamental : le Conseil constitutionnel a été saisi non seulement de nouveaux recours contre le décret de convocation des électeurs, mais aussi désormais, de recours directs contre le décret du 9 juin 2024 portant dissolution de l’Assemblée Nationale (n°2024-46 ELEC, n°2024-45 ELEC, n°2024-42 ELEC).
Ces recours sont d’une nature différente de ceux contre le décret de convocation des électeurs, posant des questions de compétence et de fond différentes.
Tout d’abord, pour le moment, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent pour statuer sur le décret de dissolution en tant que tel. Dans une décision n°88-4 ELEC du 4 juin 1988, Décision du 4 juin 1988 sur une requête de Monsieur Rosny MINVIELLE de GUILHEM de LATAILLADE, saisi d’une requête visant à l’annulation du décret du 14 mai 1988 portant dissolution de l’Assemblée nationale, il a estimé « qu’aucune disposition de la Constitution ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer sur la requête susvisée ». Cette solution a été confirmée en 1997 (Décision n° 97-14 ELEC du 10 juillet 1997 Décision du 10 juillet 1997 sur une requête présentée par Monsieur Jean-Michel ABRAHAM). Il faudrait donc, pour que le Conseil constitutionnel se déclare compétent, un revirement de jurisprudence sur ce point.
Ensuite, au fond, la dissolution étant un pouvoir propre du Président de la République, il existe très peu de contraintes. L’article 12 prévoit seulement que « Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale ». C’est donc un pouvoir discrétionnaire. Sans doute les recours se fondent ils alors sur le fait qu’Emmanuel Macron n’a pas procédé à de véritables consultations de ces autorités, mais s’est simplement contenté de leur annoncer la dissolution, comme l’ont indiqué des indiscrétions de presse. Le Conseil constitutionnel acceptera-t-il de contrôler ce point ? Quel sens donnerait-il alors au mot « Consultation » ? S’il estime qu’il n’y a pas eu de vraies consultations, pourrait-il déclarer non seulement le décret de convocation, mais aussi le décret de dissolution lui-même, illégal, et l’annuler ?
Ces saisines sont fondamentales, car elles ajoutent une nouvelle hypothèse à toutes celles déjà évoquées ici, sur ce blog, sur le club des juristes, à l’AJDA (v. publications), etc. Et si finalement, le Conseil constitutionnel, en faisant un revirement de jurisprudence, annulait tout ?
Romain Rambaud