Repenser la représentation : la réforme de la loi électorale. Texte de la conférence d’ouverture du cycle de conférences de l’équipe de droit public de Lyon 3 [R. Rambaud]

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Ce fut un grand honneur pour l’auteur de ces lignes d’ouvrir aujourd’hui, à Lyon 3, le cycle de conférences de l’équipe de droit public consacré cette année au fait de « repenser la représentation ». Pour ceux que ces réflexions intéressent, je laisse mon texte de la conférence sur le présent blog, ainsi qu’en téléchargement libre ci-dessous. Un grand merci à Christophe Roux et Karine Roudier pour leur invitation, ainsi qu’aux doctorants qui ont accepté de poser des questions préalables par écrit m’ayant permis de mieux structurer mon propos. Merci également aux collègues, étudiants et élus présents avec qui les discussions ont été riches et fructueuses !

Cycle de conférences Lyon 3 Equipe de droit public

 « Repenser la représentation »

1ère conférence « La réforme de la loi électorale », 25 octobre 2022

Romain Rambaud

Professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes

Conférence Lyon 3

Tout d’abord, je tiens à remercier nos collègues de l’université Lyon 3 pour leur invitation au cycle de conférence de Lyon 3 consacré à la représentation et notamment Karine Roudier. C’est un plaisir et un honneur que d’être ici et de pouvoir discuter avec les doctorants de Lyon 3 de droit électoral.

Quelques mots tout d’abord sur la proposition de thème, relative à la question de la réforme de la loi électorale. Pourquoi ce thème, choisi avec Karine Roudier relativement rapidement ? Parce que celui-ci permet je crois de traverser la plupart des problématiques qui traversent le droit électoral, des plus générales sur la fonction sociale que peut revêtir le droit électoral aux plus précises sur les modalités techniques que le droit électoral peut retenir pour faire face, et sur les obstacles et limites que l’on peut rencontrer. Autrement dit, on trouve dans ce thème à la fois la question de la fonction sociale du droit électoral autant que ses éléments techniques, ce qui permet finalement de faire un tour assez complet de la question qui, je le précise, elle aussi, interroge la représentation et les évolutions de celle-ci, puisque c’est le thème du cycle de conférences choisi par Lyon 3.

Pour cela, je vous remercie d’avoir bien voulu poser un certain nombre de questions préalables (voir à la fin du texte) me permettant de mieux construire mon propos en fonction de vos interrogations et de ce que j’ai envie d’en dire. Pour cela, j’ai traité vos questions et je les ai mélangées en fonction de la nature de mon propos. Et du croisement entre vos questions et mes propositions de réponse, on peut procéder à une démonstration en deux temps. Tout d’abord, on peut et il faut en effet voir le droit électoral y compris au sens large comme un levier fondamental du régime démocratique et d’une représentation démocratique (I), mais ce que l’on constate en France est l’existence d’un très fort conservatisme qui en réalité est la marque, voire le symptôme, plutôt d’un régime représentatif voire de la radicalisation du régime représentatif (II).

Quelques mots avant de commencer sur la façon dont je conçois cette conférence, conçue pour durer 2h donc, ce qui change des 20 min d’un colloque : je la vois plutôt comme un dialogue et une réflexion commune sur ces éléments. C’est-à-dire que je préfèrerais ne pas parler tout seul pendant très longtemps. Et je préférais même, plutôt que de faire un long exposé puis ensuite répondre à un certain nombre de questions, que l’on puisse s’interrompre tout au long de la conférence pour faciliter le dialogue et voir le plus de points possibles en profondeur et en interaction, afin que la discussion n’en soit que plus riche. Je vous demanderai donc de ne pas hésiter à m’interrompre pour que nous puissions alimenter nos discussions.

I. Le droit électoral, levier fondamental d’une représentation démocratique

Tout d’abord, je commencerai par l’interrogation la plus générale, celle qui conduit de la société au droit : le droit électoral peut-il avoir une pertinence sociale ? C’est la question qui a été posée sur la pertinence de la réforme de la loi électorale comme remède à des maux socio-politiques comme la « crise de légitimité », la relégation des femmes de l’espace politique, etc. A savoir, la question de savoir si, de manière générale, la loi électorale est un levier pertinent ? Et quelles modifications de la loi électorale pourrait pallier le désintérêt croissant des Français vis-à-vis des élections ?

Je combinerai cette question avec une autre qui a aussi été posée : L’élection est-elle toujours (ou jamais?) un facteur de légitimité pour le représentant ? Admettant l’idée qu’il y a des représentants « bien » ou « mal » élus, y a-t-il un facteur de légitimité supérieur entre la conformité de l’élection et ses opérations à la règle électorale, et la large participation du corps électoral au scrutin ?

Deux écoles de légitimité de la représentation

Sur cette dernière question, il y a deux écoles : soit on considère que l’élection est un facteur de légitimité pour laquelle la procédure prévue ne suffit pas et il faut en plus des légitimités politiques et sociales ; ou alors on considère que la Constitution et le droit électoral fixent des règles et que la Constitution est l’acte de légitimité nécessaire et suffisant. Pour ma part, je suis plutôt de la première école et non de la deuxième. Mais vous aurez des intervenants et des conceptions qui relèveront plutôt de la deuxième. Les représentants aussi peuvent se placer du côté de la deuxième même s’ils auront dans le discours préférence pour la première. Cela fait aussi une variété de réponse. Mais dans l’idéal, il faut les deux évidemment.

La procédure de l’élection doit être légitime juridiquement et politiquement si on veut qu’elle produise cet effet, sachant aussi qu’en France, la « loi électorale » ne se réduit pas à la seule question de l’élection mais peut aussi concerner… la démocratie directe, au sens du vote.

Le droit électoral comme levier démocratique

Pour revenir sur la première question, autrement dit, est-ce que l’on croit au droit (électoral) comme pouvant impacter des problèmes sociaux ? Bien entendu, le droit électoral n’est pas une baguette magique et ne résoudra jamais tous les problèmes de la société, et les différents problèmes internes ay système juridique, telles que les questions de pouvoirs ou de répartition des compétences. Ceci étant, je suis convaincu que le droit peut être un levier absolument considérable sur la modification des comportements et l’argument selon lequel il ne peut être performatif semble souvent un argument facile pour écarter la mise en œuvre de changements. Donc oui je le pense, notamment lorsque l’on prend le droit électoral dans tous ses pans.

On peut commencer par le point le plus facile, la question de la place des femmes dans la société. On le sait, la parité est consacrée dans la Constitution désormais et la loi électorale la met en place de façon considérable, dans le cadre des scrutins de liste et du scrutin binominal prévu pour les élections départementales. Il existe aussi des systèmes de sanction dans le cadre du scrutin uninominal des élections législatives, même si cela est sans doute moins efficace. Il est incontestable que sur ce point le droit électoral est un levier pertinent. Sur ce point une anecdote, glauque, lors des élections régionales de 2021 dans la région AURA : le jour du dépôt des déclarations de candidature à la préfecture (je n’y étais pas directement mais j’étais dans une équipe de campagne et des acteurs directs qui y étaient me l’ont rapporté), une liste, d’obédience communautariste, aurait omis d’avoir autant de femmes que d’hommes sur la liste ; la préfecture leur aurait demandé de corriger ce point pour enregistrer la liste (on note qu’elle aurait pu tout simplement se contenter de refuser de l’enregistrer mais en pratique, les préfectures préfèrent éviter de faire cela), ce qu’ils firent. Bien sûr, l’obligation de parité ne résout pas le problème du « patriarcat », mais cela pose des limites de valeurs au niveau de la société française. Cela est d’autant plus vrai qu’on voit encore aujourd’hui que, dans les espaces où la parité n’est juridiquement pas assurée, ou moins bien assurée, et même si les choses peuvent s’améliorer de fait, les femmes restent sous-représentées.C’est le cas à l’Assemblée Nationale (37 % de femmes, – 9 députées par rapport à 2017, 33 femmes sur les 89 députés RN, dans les communes de moins de 1000 habitants, ou au niveau des assemblées délibérantes des EPCI par exemple, notamment dans les élections de vice-présidents : dès lors que la parité n’est pas obligatoire, les femmes sont moins nombreuses de fait. Il y a d’ailleurs des discussions pour abaisser le seuil de la parité obligatoire à 500 habitants dans les communes ou pour contraindre à la parité dans les conseils communautaires et/ou les exécutifs des EPCI. De ce point de vue, il serait difficile de soutenir que l’obligation juridique de « discrimination positive » des femmes n’a pas eu d’effet sur l’augmentation de la place des femmes dans la vie politique et dans la société.C’est intéressant sur les conceptions que l’on peut en avoir sur le plan démocratique : par exemple lorsque l’on a réalisé avec mes étudiants de l’IEP de Grenoble un classement des élections locales sur une échelle de démocratie, le niveau de parité prévu par le système électoral était un indicateur fondamental de démocratie chez les jeunes filles, beaucoup moins chez les garçons. Incontestablement ce point montre que le droit électoral est un levier qui peut avoir des effets très performatifs.

Sur un autre sujet, on pourrait dire la même chose des règles de campagne électorale et de financement des campagnes électorales. Typiquement, les législations sur les comptes de campagne constituent des leviers pour la démocratisation de la vie politique, et le droit français a déjà beaucoup fait. Aujourd’hui, faudrait-il aller plus loin qu’un remboursement de 47,5 % du plafond de dépenses ? Faut-il changer le seuil de 9000 habitants, qu’on ne sait pas vraiment expliquer au demeurant, pour les remboursements dans les communes pour les élections municipales ? Faut-il limiter davantage les plafonds des dons des personnes privées ? Faut-il instituer une banque de la démocratie ? Point qui me semble essentiel aujourd’hui même s’il est moins connu : faudrait-il remettre en cause les règles sur l’apport personnel, qui ont pour effet de limiter les candidatures aujourd’hui, en autorisant le remboursement de certaines dépenses électorales réalisées par les partis politiques et non seulement les dépenses payées sur l’apport personnel ? La question des finances est un levier réel.  

Sur ce point, on pourrait imaginer que le droit puisse aller plus loin, mais ce n’est pas le choix qui a été fait à ce stade en France, mais quelques exemples.

Par exemple, faudrait-il reconnaître politiquement et juridiquement des minorités ? Ce sont des choses qui très clairement existent dans d’autres pays, par exemple en Europe de l’Est et qui sont acceptées par la CEDH. Par exemple la Cour accepte un type de scrutin proportionnel applicable sur une partie du territoire uniquement afin d’assurer la représentation d’une minorité nationale ou encore la possibilité de réserver des sièges au Parlement aux minorités sur des bases ethniques ou linguistiques[1]. Peut-on imaginer faire cela en France ? Ce serait un choix qui pourrait avoir pour effet de réintégrer dans le jeu démocratique des populations mal représentées (mais sur la base de quels critères ?) qui s’en sentent écartées mais il ne correspond pas au modèle universaliste français (dont il faudrait cependant garantir l’effectivité concrète) et il peut poser d’importants problèmes au sens où il conduit à un renforcement et une cristallisation de la séparation entre les individus sur des bases ethniques ou religieuses, comme on le voit en Europe de l’Est ou dans d’autres pays comme au Liban par exemple.

En France, pour intégrer ici partiellement une question qui a été posée, on peut se poser cette question pour la Nouvelle Calédonie par l’intermédiaire de celle de la détermination du corps électoral. Sur ce point, un débat politique pourrait très clairement s’engager : il est certain, pour répondre à une question posée, que le gel du corps électoral pour les élections provinciales n’a plus de sens dans une situation réglée, mais la situation est-elle réglée ?

Faudrait-il, comme certains le proposent, créer des obligations par exemple pour présenter des candidats de certaines catégories socio-professionnelles ?On pourrait imaginer un système dans lequel les CSP, que l’on indique par ailleurs sur les déclarations de candidatures, puissent devenir des critères d’enregistrement des candidatures pour certains scrutins de liste ou donner lieu à des sanctions pour des scrutins uninominaux. Est-ce que cela serait constitutionnel ? Une telle rupture d’égalité entre les candidats pourrait-elle être considérée comme justifiée par un intérêt général ? Faudrait-il ou non une révision de la Constitution ? Est-ce que cela n’introduirait pas de nouveaux problèmes, de nouveaux blocages, de nouvelles injustices ? Le débat est ouvert, mais il est bien sûr juridiquement possible.

Et bien sûr, il existerait des modifications de la législation électorale qui pourraient combler le désintérêt, sans être miraculeux sans doute, mais on peut prendre quelques exemples qui pourraient être envisagés :

Le vote obligatoire. En Europe, seuls le Luxembourg, la Belgique et la Grèce l’utilisent, et force est de constater qu’il est plutôt peu sanctionné et en perte de vitesse dans le monde. Mais au Brésil, le vote est obligatoire par exemple, comme on le voit en ce moment dans le cadre du duel entre Lula et Bolsonaro. Le vote est obligatoire pour les citoyens de 18 à 70 ans, et facultatif pour ceux âgés de 16 à 18 ans et les plus de 70 ans : au premier tour de la présidentielle la participation était de 79,05 %, il y a quand même eu 20 % d’abstention. Sur le plan de l’appréciation, certes, il est plutôt d’usage aujourd’hui de privilégier la liberté individuelle dans l’exercice des droits politiques, alors que l’abstention peut être considérée comme une prise de position réfléchie, sur un sujet en particulier ou sur le système démocratique en général. Par ailleurs le vote obligatoire pourrait avoir des effets sur la configuration de l’offre politique. Il peut aussi avoir des implications sur les modalités de vote, comme en Australie où il implique le vote à distance. Donc c’est un choix politique à faire. Mais c’est une solution radicale pouvant être envisagée : le droit électoral constitue donc un levier.

La révocation des élus. En France, nous avons la tradition de l’interdiction du mandat impératif, et pourtant… Une possibilité est la remise en cause du caractère seulement « représentatif » du mandat au profit d’un mandat plus « impératif », ou à tout le moins d’une procédure de révocation des élus. La révocation constitue le pendant logique de l’élection et renforce même la légitimité de celle-ci par sa réversibilité. Une nouvelle fois, la recherche scientifique montre plutôt que loin d’être une étrangeté associée à des pays révolutionnaires et dangereux, des mécanismes de ce type existent dans de nombreux pays en Amérique (par ex. au Canada dans la province de la Colombie britannique, en Colombie, au Costa Rica, en Équateur, au Pérou, aux États-Unis – dans 38 États fédérés, au niveau de l’État fédéré et/ou au niveau local), en Europe (Allemagne dans 6 Länders, Autriche, Croatie, Islande, Lettonie, Liechtenstein, Moldavie, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suisse dans 6 cantons) et ailleurs (par exemple en Corée du Sud ou au Japon). Il existe même des procédures permettant de révoquer un Président de la République élu au suffrage universel direct : c’est le cas en Roumanie, où le Parlement peut être à l’initiative d’un référendum dont l’objet est de mettre fin au mandat du Président (cette procédure a déjà été enclenchée mais n’a jamais abouti). En France, le refus de toute évolution est total sur ce point. Pourtant ce procédé s’il est correctement encadré ne nuit pas aux grandes démocraties : c’est le cas par exemple aux Etats-Unis où Arnold Schwarzenegger a été élu en 2003 après le recall du précédent gouverneur, ou au Royaume-Uni où la procédure a été utilisée en 2019 contre une députée condamnée en justice à une peine de prison avec sursis, une des conditions pour pouvoir enclencher la procédure dans ce pays.

La diversification des modalités de vote. Il n’est aujourd’hui possible de voter en France que le dimanche et dans le cadre des bureaux de vote classiques, c’est-à-dire que le vote par correspondance et/ou le vote anticipé n’existent pas, à la différence de nombreux autres pays qui pratiquent l’un et/ou l’autre selon des modalités très variables (États-Unis, Suisse, Irlande, Royaume-Uni, Allemagne, Portugal, Pays-Bas, Espagne, Luxembourg, Autriche, Islande, Liechtenstein, Lituanie, etc.). Pourtant, l’utilisation de telles techniques serait de nature à faciliter le vote et donc à diminuer l’abstention aux élections, enjeu bien entendu tout à fait prioritaire pendant et au lendemain de la Covid. En la matière, la France a les plus grandes difficultés à surmonter un traumatisme lié aux fraudes électorales associées au vote par correspondance dans les années 70, surtout en Corse, qui ont entraîné la suppression de ce système en 1975. Cependant, ces fraudes étaient largement la conséquence du caractère archaïque du système de l’époque, qui donnait tout pouvoir au maire de la commune, alors que celui-ci était potentiellement concerné… Il existe de nombreuses différences entre le système antérieur à 1975 et le système qui pourrait être instauré aujourd’hui en suivant les standards internationaux de l’OSCE. Dans les systèmes étrangers où le vote par correspondance existe, il semble à l’analyse que plus le système de vote par correspondance est récent, plus la crainte des fraudes est forte, mais qu’elle diminue au fur et à mesure en raison de la rareté de ces dernières, de sorte que les réticences finissent par s’estomper. Ce fut le cas en Suisse : l’acceptation ne fut pas naturelle et avant sa mise en place en 1976, les mêmes débats qu’en France eurent lieu. Aujourd’hui, le vote par correspondance y est très utilisé (90 % des votes…) et les fraudes marginales. Aux Etats-Unis, malgré les vociférations de Donald Trump, des fraudes n’ont pas été détectées par les organisations internationales ou les tribunaux sauf de façon ultra-marginale, au point que les messages de Trump en ce sens furent classés au titre des Fake News par les réseaux sociaux dont il finit par être banni. L’étude du cas du Royaume-Uni montre que des fraudes sont possibles, quoi que rares, si la collecte des bulletins par des tiers, tels que des partis politiques, est autorisée… solution qui d’évidence ne serait pas acceptée en France. Cependant il faut être vigilant sur les procédures comme l’a montré l’élection présidentielle en Autriche en 2016 : la victoire du candidat vert sera invalidée à cause du non-respect des procédures, même si la Cour constitutionnelle a considéré qu’il n’y avait pas eu de manipulations, avant que ce dernier ne l’emporte ensuite une nouvelle fois. En revanche, le consensus scientifique sur le vote électronique n’étant pas établi, il faudra réserver cette solution à plus tard.

Le changement du mode de scrutin. Je réponds ici à deux questions qui étaient posées, l’une sur l’assemblée nationale et l’autre sur le Sénat, et qui montrent bien que le droit électoral peut constituer un levier important.

1ère question : Que pensez-vous de l’hypothèse de l’élection de certains députés à la proportionnelle, voire par tirage au sort ? Le scrutin proportionnel de liste n’est-il pas le moins à même de satisfaire l’objectif si prisé de représentativité ? En ce qu’il reconduit les logiques partisanes, et, par suite, la logique d’uniformisation qui s’y joue ? Le démocrate doit-il plaider pour le scrutin d’arrondissement et l’augmentation du nombre de députés ? Pour la suppression des partis politiques ? Il faut dire ici que je suis plutôt d’un avis contraire à la façon dont la question est posée… Depuis le Brexit, la France est désormais le seul pays dans l’Union européenne à conserver pour ses élections législatives un scrutin uninominal majoritaire. Tous les autres bénéficient de systèmes proportionnels ou mixtes.  Sur ce plan, il est nécessaire de dépasser les traumatismes français issus de la IVème République : si une proportionnelle intégrale peut être source d’instabilité, c’est moins le cas des systèmes mixtes et s’il existe en effet des systèmes instables en Europe (Espagne, Belgique), d’autres pays fonctionnent très bien (Pays-Bas, Allemagne). Sur le plan politique, l’intérêt de recourir à la proportionnelle est d’obtenir une plus grande diversité d’opinions susceptibles de porter des projets différents, mais aussi de constituer des majorités de coalition afin de créer du consensus et de porter des visions sur le long terme de façon plurale. Ces dernières années en Europe, le nombre de pays gouvernés par de grandes coalitions fut important avec un résultat satisfaisant. La France devrait donc mettre en place un système mixte aux élections législatives. Sur ce point, nous pensons que les intuitions suivies par les projets de réforme de 2018 et 2019 étaient les bonnes, c’est-à-dire consacrer une « dose » de proportionnelle aux élections législatives. Ainsi, le projet de loi pour un renouveau de la vie démocratique de 2019 prévoyait que 20 % des députés seraient élus à la proportionnelle dans une circonscription nationale.  Des députés continueraient à être élus au suffrage majoritaire dans des circonscriptions, permettant de maintenir un lien territorial essentiel entre les députés et les électeurs, d’autres seraient élus à la proportionnelle afin de garantir un plus grand pluralisme. Ce système existe dans d’autres pays, comme en Corée du Sud ou au Japon. Par ailleurs, concernant la question du choix des personnalités et du maintien du rapport direct, il peut aussi être préservé par des modes de scrutin et des modalités de vote : sur ce point aussi, on a la sensation que la France rejette des systèmes qui sont pourtant pratiqués sans trop de difficultés ailleurs, comme le vote préférentiel ou le vote unique transférable, qui est une forme de vote préférentiel. Ainsi, par exemple, il n’existe pas de possibilité en France, même là où existent des scrutins de listes comme pour les élections européennes ou locales (sauf dans les communes de moins de 1000 habitants), de classer les candidats par ordre de préférence (vote préférentiel ou scrutin unique transférable), alors que cette possibilité est ouverte dans de nombreux autres pays en Europe pour les élections nationales et/ou européennes (Irlande, Malte, Autriche, Belgique, Luxembourg, Danemark, Finlande, Suède, Croatie, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, etc.). De telles techniques, permettant aux électeurs de voter pour un parti mais aussi de choisir leurs candidats, pourraient être un moyen, dans le cadre de la « dose de proportionnelle », de contrer les accusations selon lesquelles dans ce cas ce sont les partis qui sélectionnent les candidats. Dans cette hypothèse, les électeurs auraient la maitrise de leurs préférences individuelles. Au demeurant, l’insertion d’une dose plus conséquente de proportionnelle présenterait un autre avantage, celui de réhabiliter le rôle des partis politiques. Ce n’est pas un gros mot, et il y a lieu de penser en effet que la remise en cause frontale des partis politiques touche aujourd’hui ses limites. Les partis politiques ont été pendant longtemps, et c’est hélas aujourd’hui moins le cas, des pourvoyeurs d’idées, des formateurs, ainsi que des acteurs de la promotion sociale pour un certain nombre de nos concitoyens qui y ont trouvaient des ressources que leur vie familiale ou professionnelle ne leur fournissait pas. L’ultra-individualisation des personnes et des carrières politiques pose aujourd’hui très problèmes importants, qui impliquent de réfléchir de façon plus positive à leur rôle (organisation, financement, etc.)

2nde question : Si la deuxième chambre souffre d’une critique en manque de représentativité, la solution se trouve-t-elle dans une énième réforme électorale, et sous quelle forme (elle qui est déjà principalement élue à la proportionnelle) ? Alors sur ce point la question de la réforme du Sénat est importante. Il y a des hypothèses pour transformer cette chambre en chambre tirée au sort (c’est par ex. la volonté de « Sénat Citoyen »), ou au suffrage universel direct mais cela créerait une deuxième chambre finalement peu utile et créant un bicaméralisme égalitaire difficile à gérer comme cela est le cas dans le modèle italien. En revanche, la question d’un autre suffrage universel direct pour représenter les collectivités locales se pose et serait possible. En 2005 Robert Savy, ancien président socialiste de la région Limousin, imaginait un scrutin séparé pour les sénateurs, au suffrage universel direct, le jour même des élections régionales et cantonales, avec abandon du renouvellement partiel pour les conseils généraux mais aussi le Sénat. Une telle solution ne remettrait pas en cause le rôle de représentation du Sénat mais conduirait à une autre manière de faire les choses et à penser différemment la représentation des collectivités territoriales. Ce serait des « sénateurs élus par les citoyens des territoires »[2]. Un autre système moins direct, mais comportant des éléments de suffrage universel direct au moins politiquement parlant, pourrait être proposé. C’est la solution que proposait Guy Carcassonne en 2005, pour une sorte de « Bundesrat français », à avoir que selon lui le Sénat devrait être composé d’une moitié par des membres de droit, les présidents de régions et de départements, les maires de grandes villes de plus de 100.000 habitants, tandis que l’autre moitié aurait pu continuer à être désignée par des élus locaux[3]. Plus récemment, François Rebsamen plaidait dans une tribune de presse « Pour faire du Sénat un Bundesrat à la française », estimant que « la question qui se pose est davantage celle de la représentativité des sénateurs et donc du mode de scrutin des élections sénatoriales. Les sénateurs sont aujourd’hui élus au suffrage universel indirect -scrutin majoritaire, ou scrutin de liste à la proportionnelle-. Ils sont en définitive « les élus des élus » et de ce fait la relation entre les parlementaires et les Français est incompréhensible ». Il proposait ainsi que « Pour que la Seconde Chambre soit plus représentative des territoires, du plus rural au plus urbain, il faut que les présidents des exécutifs régionaux et départementaux, les présidents de métropole et de communautés urbaines, eux-mêmes élus directement par les Français en tant que maire, puissent siéger au Sénat. »[4]. Certes les maires ne sont pas élus directement juridiquement, cependant sur le plan politique la question est différente. La voie du suffrage universel direct dans les territoires ne serait pas impossible, par exemple en organisant cette élection en même temps que d’autres élections locales, au niveau régional ou départemental, l’important étant le rôle qu’on assigne à cette « représentation » des collectivités locales inscrite à l’article 24 de la Constitution. Ces représentants, dont on pourrait discuter la répartition des sièges pour bien tenir compte de la représentation des collectivités, seraient ainsi bien en charge de la représentation de ces dernières. Ce pourrait être une solution intéressante pour changer la légitimité du Sénat autant que pour résoudre un certain nombre de problèmes qui se posent aujourd’hui dans la rationalité de la décentralisation à la française (notamment le nombre de petites communes).

Et puis évidemment il y a la question du référendum. La France est extrêmement rétive à la question du référendum et notamment du référendum d’initiative citoyenne.  Pourtant, rien ne permet de penser, ou en tout cas de prouver, dans les faits aujourd’hui que la démocratie directe serait particulièrement dangereuse. Au contraire, le nombre de référendums dans le monde ne cesse d’augmenter notamment depuis les années 1990, la France se trouvant à contre-courant de ce mouvement. Les sciences politiques et constitutionnelles sont particulièrement utiles pour apprivoiser la question de la démocratie directe, y compris dans sa dimension comparée. Les auteurs spécialistes du référendum aboutissent en effet à des résultats bien plus nuancés que ce qu’il en est pensé de manière générale : bien conçu, il ne constitue ni l’outil populiste que certains craignent, ni le remède miracle que certains espèrent, y compris lorsqu’il est question de référendum d’initiative citoyenne[5].  Concernant le référendum d’initiative citoyenne, il s’agit d’un outil de démocratie directe réelle en tant que les citoyens sont à la fois à l’initiative et en position de décision à la fin du processus, contrairement à la situation française actuelle où l’initiative est réservée aux représentants dans le cadre des référendums de l’article 11 et 89. Dans les pays européens où cet outil de référendum existe et qui sont des démocraties matures, comme en Suisse, en Allemagne ou en Autriche (au niveau fédéral ou des États fédérés), il est très massivement soutenu par la population (à plus de 80 %) et ce soutien est à peine moindre dans les pays où il n’existe pas ; cela, au passage, démontre que l’outil ne produit pas d’effets négatifs qui conduiraient à le rejeter dans les États où il est pratiqué, mais qu’au contraire il entraîne une plus grande satisfaction des citoyens vis-à-vis de leurs institutions. Dans certaines démocraties avancées, il est tout à fait banalisé, comme en Suisse, son berceau civilisationnel (plus de 86 référendums depuis 1995), ou dans les États de l’Ouest des États-Unis depuis le début du XXème siècle (24 États) par exemple en Californie, dont la population est au 2/3 celle de la France. 36 États disposent d’une sorte de référendum d’initiative citoyenne (il en existe de nombreux types différents) au niveau national aujourd’hui. En Europe, la Suisse, le Liechtenstein, la Croatie, la Lituanie, la Lettonie ont un référendum d’initiative citoyenne constitutionnel. La Hongrie, la Bulgarie et la Slovaquie disposent d’un référendum d’initiative citoyenne législatif. L’Italie, le Luxembourg et la Slovénie consacrent un RIC abrogatif ou suspensif. Il faut ajouter à cette liste les pays dans lesquels ce dispositif existe au niveau local, comme en Allemagne, où on le trouve dans des Länder. Pourquoi pas en France ?

Donc bien sûr, le droit électoral peut être un levier très important. Ce n’est pas le seul bien sûr mais il peut s’agit d’un levier fondamental au moins pour essayer d’améliorer les choses.

Mais cela pose alors la question de la volonté de la réforme électorale.

II. Le conservatisme en droit électoral : la radicalisation du régime représentatif

Ensuite se posent les ensembles de questions sur la structure et la volonté de la réforme de la loi électorale, et je reprendrai plusieurs questions qui ont été posées pour les traiter ensemble :

L’éventuelle singularité des conditions dans lesquelles on envisage une réforme de la loi électorale : si la “tyrannie” de la majorité est parfois dénoncée pour des réformes législatives, la problématique semble se poser avec une acuité renforcée lorsqu’il s’agit de modifier les règles relatives aux élections.

Les enjeux spécifiques de l’élaboration des réformes de la loi électorale (représentation d’intérêts, consultations préalables, études d’impact etc.)

Sur le développement de nouveaux organes compétents pour élaborer des politiques publiques (Convention citoyenne pour le climat, Conseil national de la Refondation…)

Je pense que ces trois questions arrivent au même résultat même si elles concernent des aspects différents, à savoir celle de la nature de notre régime, c’est-à-dire un régime représentatif au sens de Bernard Manin, et la tendance française contemporaine à la radicalisation du régime représentatif.

La France : démocratie représentative ou régime représentatif ?

La première question est de savoir à quel point la France est une démocratie représentative et à quel point elle est un régime représentatif. Ici, il faut s’autoriser un détour par l’histoire et la philosophie politiques. Des travaux, notamment ceux du professeur Bernard Manin, ont montré que par certains aspects nos systèmes institutionnels, fondés essentiellement sur l’élection, relèvent davantage de l’idée d’un gouvernement ou d’un régime « représentatif » que de la démocratie, au sens où l’élection produit une élite politique disposant de la plupart des pouvoirs, là où une vraie démocratie voudrait la participation directe et égalitaire du peuple. L’élection est en effet, avant toute chose, une procédure de sélection de personnes et elle n’est pas par nature une procédure démocratique, la preuve en étant qu’elle existe dans de nombreux domaines et de pays même autocratiques. Dans la Grèce antique, elle était ainsi considérée philosophiquement comme de nature « aristocratique », par opposition à la démocratie qui devait être nécessairement directe. L’élection n’est devenue une procédure considérée comme démocratique qu’avec le suffrage universel (masculin…), mais elle ne l’est pas complètement dans ses conséquences institutionnelles. D’après Bernard Manin, c’est même cette ambivalence de l’élection qui explique son succès : démocratique au départ car elle offre le droit de suffrage à tous, elle est aristocratique dans sa méthode et son résultat, constituant alors un « accord stable » du peuple et de ses dirigeants[i]. Bien entendu, cette appréciation est à nuancer, dans la mesure où les élections permettent un choix des élus et un contrôle réel sur les élus et où de multiples formes d’intervention des citoyens existent aujourd’hui par ailleurs. Cependant, cette analyse a le mérite de révéler que, depuis le XVIIIème siècle, nous vivons peut-être en France dans un « régime représentatif » davantage que dans une démocratie représentative, même si les mots peuvent sembler forts, et il semble que cela est de plus en plus le cas !

Le régime représentatif dans le droit électoral positif français

La Constitution française porte la marque de cet héritage sur de nombreux points :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (art. 3), mais le référendum (art. 11 ou 89) n’a plus été utilisé depuis 2005.

Le référendum législatif est à la seule initiative du Président de la République, sur proposition du Premier Ministre ou des assemblées : les citoyens ne disposent d’aucune initiative (art. 11). Quant au référendum d’initiative partagée (RIP), issu de la révision constitutionnelle de 2008, il s’agit d’un référendum de la seule initiative des parlementaires, la Constitution disposant que « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » (art. 11). Si les électeurs doivent soutenir la proposition de référendum, celle-ci doit être « à l’initiative » des parlementaires. L’inverse n’est pas vrai : des citoyens ne peuvent pas aujourd’hui être à l’initiative d’un référendum d’initiative partagée.

Concernant la révision du texte fondamental, le Peuple français est privé de sa souveraineté au profit des parlementaires et notamment du Sénat, chambre non élue directement mais ayant un pouvoir de veto, en vertu de l’article 89 de la Constitution.

« Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie » (art. 4), disposition qui permet aux partis politiques de disposer d’une grande liberté limitant la possibilité d’en encadrer par la loi le fonctionnement.

En France, « Tout mandat impératif est nul » (art. 27), de sorte qu’il est impossible pour les électeurs de révoquer un élu, quand bien celui-ci aurait commis des manquements très graves, ce qui est anachronique.

Même l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et le fait que celui-ci dispose de très importants pouvoirs (art, 6, 7 et 19 de la Constitution) peuvent être analysés comme un excès de la logique de représentation en tant qu’une seule personne se voit accorder la représentation de « tous les Français », selon la formule consacrée. À la différence de beaucoup des autres pays européens où le Président de la République est élu au suffrage universel (Autriche, Ukraine, Finlande, Islande, Roumanie, Portugal, Pologne, Lituanie), les citoyens ne peuvent pas présenter de candidats eux-mêmes : en France, les « parrainages » permettant de se présenter à l’élection sont le fait d’élus (maires, conseillers départementaux et régionaux, députés européens, députés, sénateurs, etc.). Quant au mode de scrutin, le Président est élu à une majorité absolue des voix rendue artificiellement mécanique par le fait que deux candidats seulement sont présents au second tour (la règle est différente pas exemple pour les élections législatives où des triangulaires ou quadrangulaires sont possibles). L’idée selon laquelle le Président de la République serait nécessairement majoritaire est sans doute efficace pour assurer la gouvernabilité du pays et rassembler les Français, mais il s’agit d’une fiction. Il n’est en effet pas possible de penser qu’une seule personne pourrait représenter tout le Peuple sans nuance. Et cette fiction peut devenir écrasante.

On le constate également, pour revenir plus directement sur le thème de la réforme de la loi électorale, pour ce qui concerne la hiérarchie des normes avec la question des sources du droit électoral. En effet pour la France, à l’exception de l’élection présidentielle qui est aujourd’hui très protégée parce que constitutionnalisée, la Constitution s’avère laconique sur le régime électoral des élections. La France n’a pas opéré, contrairement à beaucoup de pays (Portugal, Espagne, Autriche, Brésil, Venezuela, Autriche, République tchèque, Pologne,) et contrairement aux standards internationaux dans une certaine mesure, la constitutionnalisation d’un certain nombre d’éléments fondamentaux. Or, ceci pose un problème particulier car les législateurs peuvent modifier les règles qui les concernent le plus directement. Les modifications sont aisées et la tentation est grande de modifier ces règles à son avantage, ce qui pose un problème démocratique.

Renvoi à des lois organiques. Pour les élections parlementaires, des éléments essentiels sont renvoyés à des lois organiques : la durée des pouvoirs de chaque Assemblée (la durée du mandat), le nombre des membres (la Constitution ne prévoyant que le nombre maximal et non le nombre exact des membres), les régimes d’éligibilité, d’inéligibilités et d’incompatibilités. Si ces lois organiques font l’objet d’une procédure parlementaire particulière et sont obligatoirement contrôlées par le Conseil constitutionnel, il reste qu’elles peuvent être adoptées en lecture définitive par l’Assemblée Nationale à la majorité absolue de ses membres en vertu de l’article 46 de la Constitution, sauf pour les lois organiques relatives au Sénat, qui doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Cela laisse la possibilité à la majorité de l’Assemblée Nationale et dans le cas de lois organiques relatives au Sénat, des deux Assemblées, de changer les règles du jeu. Il suffit de citer l’exemple du report par la loi organique de 2001 de la fin du mandat des députés de mars 2002 à juin 2002 ayant provoqué l’inversion du calendrier électoral pour voir toute la portée que peut avoir cette solution sur les institutions. Un changement fondamental a été réalisé par une loi organique sur la seule décision des représentants, alors même qu’il avait pu être dit au départ que le quinquennat serait un « quinquennat sec » au demeurant.

Renvoi à la loi ordinaire pour le mode de scrutin et la question de la manipulation. Mais la non-constitutionnalisation du mode de scrutin est plus spectaculaire encore, dans la mesure où les garanties procédurales offertes pour les lois organiques ne sont même pas applicables. Le mode de scrutin des élections parlementaires ne relève ainsi en France que de la loi ordinaire, l’article 34 de la Constitution disposant que la loi « fixe également les règles concernant : – le régime électoral des assemblées parlementaires », cette compétence du législateur ayant été confirmée par le Conseil constitutionnel dans une décision de 1962[6] confirmée beaucoup plus tard en 1986[7].

La portée de ce principe trouve une forte illustration lors des années 1985, lors de l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives par François Mitterrand puis le retour au mode de scrutin majoritaire du fait de Jacques Chirac. En 1985, la modification du mode de scrutin s’était faite, pour la métropole, par une loi organique n°85-688, contrôlée par le Conseil constitutionnel[8], une loi organique n°85-689 pour l’Outre-mer et une loi ordinaire n°85-690, non déférée au juge, du 10 juillet 1985 modifiant le code électoral et relative à l’élection des députés, adoptées en dernière lecture par l’Assemblée Nationale. Cet exemple montre qu’il est possible de passer en force quant au changement d’un mode de scrutin. Cela fut confirmé lors du nouveau changement de mode de scrutin par la loi n°86-825 du 11 juillet 1986 relative à l’élection des députés et autorisant le gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, le législateur s’étant contenté de réinstaurer le scrutin majoritaire sans changer le nombre de députés, alors qu’il aurait fallu pour cela adopter une loi organique aux conditions de majorité plus strictes et difficiles à obtenir pour l’époque. Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré explicitement en 1986[9] que la loi ordinaire pouvait seule changer le mode de scrutin si le nombre de députés n’en était pas affecté. Le point est d’autant plus spectaculaire qu’il s’est fait avec le 49.3.

D’autres élections sont régies presque exclusivement par la loi : c’est le cas notamment des élections européennes, régies par la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, et cela permet de modifier la loi en dernière analyse pour réaliser des effets politiques, comme par exemple la loi sur les européennes qui fut modifiée en juin 2018 pour des élections européennes en mai 2019 avec le retour à la circonscription unique à la place des circonscriptions régionales, logique au regard du mode de scrutin mais qui n’était peut-être pas exempte d’arrières pensées politiques non plus. La tactique est possible sur ce point.

Cela signifie aussi que le Gouvernement peut, pour une loi électorale, utiliser l’article 49.3 de la Constitution, ce qui n’est pas sans portée, et cela ne fut pas si rare, car on en a plusieurs exemples. C’est juridiquement possible. Sous Barre, avec l’élection des membres du Parlement européen en juin 1977 : aucune motion de censure ne déposée. Sous Chirac, avec le rétablissement du scrutin majoritaire pour l’élection des députés en mai 1986 : la motion de censure obtint 284 voix ! Puis le redécoupage des circonscriptions électorales en octobre 1986, rien de moins : la motion de censure obtint 281 voix, et Chirac recommença le 49.3 avec le texte de la CMP, sans qu’une motion de censure ne soit cette fois déposée.

Cela permet enfin au gouvernement d’être habilité à modifier les circonscriptions par voie d’ordonnance, comme l’a estimé le Conseil constitutionnel dans la décision de 1986 et en 2009[10] et en France le redécoupage des circonscriptions électorales est souvent réalisé par voie d’ordonnances, comme cela fut le cas en 2010.

Cela me permet aussi au passage de répondre à la question posée sur la question de savoir si on connaît en France des phénomènes similaires à ce qu’il peut se passer aux Etats-Unis quant à la détermination du corps électoral : “gerrymandering”, restriction du droit de vote pour certaines catégories de la population… ? On peut penser qu’au moins il y en a eu, par exemple en 1986 où le 49.3 a été utilisé : sur ce point il suffit de regarder les circonscriptions de Grenoble… Est-ce encore le cas aujourd’hui ? Ce qui est certain c’est qu’il y a plus de garanties, mais que tout risque ne peut être exclu.

Afin de prévenir les accusations de manipulation politique lors d’un redécoupage des circonscriptions, et alors qu’un précédent (de rang législatif) avait existé en 1986[11], la réforme constitutionnelle de 2008 a inséré un dernier alinéa à l’article 25 de la Constitution en vertu duquel « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ». Cette disposition constitutionnelle a été mise en œuvre par la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 qui a créé un livre VIII dans le Code électoral intitulé Commission prévue par l’article 25 de la Constitution (articles L. 567-1 à LO. 567-9). Cette commission n’a qu’un pouvoir d’avis mais ses avis sont publiés au JO[12]. Du point de vue de sa composition, elle comprend une personnalité qualifiée nommée par le président de la République, une personnalité qualifiée nommée par le président de l’Assemblée nationale, une personnalité qualifiée nommée par le président du Sénat, un membre du Conseil d’État élu par l’assemblée générale du Conseil d’État, un membre de la Cour de cassation élu par l’assemblée générale de la Cour de cassation, un membre de la Cour des comptes élu par la chambre du conseil de la Cour des comptes. Les membres de la commission sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable et sont renouvelés par moitié tous les trois ans, leurs fonctions sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif régi par le Code électoral. Elle présente donc des garanties d’indépendance[13].

Lors de la refonte de 2009, cette commission avait été instituée : il s’agissait de la « Commission Guéna », du nom de son président. Elle a rendu un avis public lors du redécoupage de 2009, qui s’était avéré modéré : la commission avait validé 48 départements « sans réserve », émis des« suggestions » pour 17 et formulé une proposition « complémentaire voire alternative » pour 35[14]. Ces recommandations n’ont pas été systématiquement suivies[15] mais le gouvernement a parfois tenu compte de ces avis[16]. Cela signifie-t-il qu’il y a eu du gerrymandering, sachant qu’on constate un contrôle souvent réduit à la considération démographique ?

En tout état de cause on peut in fine regretter un contrôle limité du Conseil constitutionnel :si le Conseil constitutionnel contrôle le respect du principe démographique et des principes de continuité territoriale, son contrôle est en revanche restreint s’agissant de la délimitation des circonscriptions, c’est-à-dire du tracé exact, du choix de tel canton plutôt que de tel autre, de la décision de couper les grands cantons à tel endroit plutôt qu’à tel autre, etc. Le Conseil constitutionnel, qui avait déjà posé ce principe presque dans les mêmes termes dans sa décision de 1986[17], a estimé en 2009 que la « Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu’il ne lui appartient donc pas de rechercher si les circonscriptions ont fait l’objet de la délimitation la plus juste possible ; qu’à la différence de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et, comme il peut être amené à le faire dans l’exercice de ses fonctions administratives, du Conseil d’État, il ne lui appartient pas davantage de faire des propositions en ce sens »[18]. Sur la question du tracé, il n’exerce alors qu’un contrôle de l’erreur manifeste. Sur ce point, une partie de la décision relative à la loi de ratification de 2010 a été contestée par la doctrine, qui est la suivante : « Quel que puisse être caractère discutable des motifs d’intérêt général invoqués pour justifier la délimitation de plusieurs circonscriptions, notamment dans les départements de la Moselle et du Tarn, il n’apparaît pas, compte tenu (…) de la variété et de la complexité des situations locales pouvant donner lieu à des solutions différentes dans le respect de la même règle démographique, que cette délimitation méconnaisse manifestement le principe d’égalité devant le suffrage »[19]. Dès lors qu’elles respectent globalement les critères décrits ci-dessus, le contrôle sur le tracé des circonscriptions est donc limité et toute tentation de réaliser un découpage avantageux n’est pas tout à fait écartée par la jurisprudence constitutionnelle[20].

Les élus et le régime représentatif en pratique : l’expérience du contact

Mais au-delà de ces règles de droit, ceux qui ont l’honneur de travailler de manière régulière avec des élus ou des hauts fonctionnaires le constatent parfois : ces derniers peuvent se refermer sur eux-mêmes et craindre une plus grande interférence des citoyens dans les affaires publiques. Cependant ils n’ont pas raison, parce que l’altérité ne signifie pas nécessairement le désordre : aujourd’hui au contraire, ce dernier vient sans doute en premier lieu, la crise des gilets jaunes l’a peut-être démontré, de la coupure entre les citoyens et leurs représentants, mais qui est entretenue par les représentants eux-mêmes.

De ce point de vue, pour répondre à une autre question, le retour du cumul des mandats ne semble pas forcément une bonne solution (sauf peut-être pour les sénateurs dans le cadre de la logique actuelle) car les inconvénients sont trop forts par rapport aux avantages : c’est aux députés de construire de nouvelles formes de légitimité, mais faudrait-il qu’ils acceptent des modifications du mode de scrutin, par exemple sous forme de listes à la proportionnelle avec des scrutins préférentiels et de la multiplication de systèmes de consultation au niveau local.

On peut pour cette raison avec des doutes sur la volonté de transformation de la loi électorale, y compris par des outils comme le conseil national de la refondation, Emmanuel Macron ayant aussi annoncé la mise en place d’un groupe transpartisan pour la réforme du mode de scrutin avec la proportionnelle : on verra, au regard du contexte politique.

On peut prendre comme exemple saillant de ce phénomène de conservatisme la crise de la Covid, qui répond à une question posée plus haut, sur la légitimité comparée du respect des procédures et de la participation électorale. La stagnation du régime représentatif français a été particulièrement révélée lors de la crise de la Covid, période pendant laquelle la France a fait preuve d’un conservatisme fort à propos de ses élections. La gestion de la crise a montré, spécifiquement dans notre pays, que pour les pouvoirs publics le plus important dans une élection est la sélection des dirigeants plutôt que le caractère démocratique de celle-ci. Dans l’esprit voire le cœur de nos élites politiques, l’élection est appréhendée, plus ou moins consciemment, comme une opération compétitive de désignation des responsables politiques bien plus que comme une procédure ayant vocation à incarner la démocratie avec des exigences fortes d’inclusion des électeurs. Pendant la crise de la Covid et à quelques exceptions près, le consensus existait en France pour ne rien changer, toutes forces politiques confondues.

On ne peut pas accabler les pouvoirs publics pour les choix qui ont été faits lors du maintien du 1er tour des élections municipales et le report du 2nd en 2020. L’auteur de ces lignes a soutenu la stratégie alors adoptée, au nom d’autres principes fondamentaux que la seule participation électorale : pour le droit, le respect de la légalité, car seule la loi peut normalement reporter une élection en France et l’exécutif seul n’avait pas le pouvoir de le faire, non plus que d’annuler un 1er tour s’étant déjà déroulé ; et pour la politique, suivant la volonté de ne pas ajouter de la crise à la crise. Ceci étant, après les élections municipales, la gestion de la crise a pu laisser sceptique sur le plan démocratique au regard de l’absence d’anticipation et de volonté d’adapter le droit électoral à la crise, qu’il s’agisse des modalités de campagne ou de vote.

Sur ce point, le cas français contraste hélas avec de nombreux autres pays : l’Allemagne, la Suisse, la Corée du Sud, la Pologne, les Etats-Unis (en début et milieu de crise), la Lituanie, le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Norvège (en fin de crise), notamment. Ces pays ont maintenu leurs élections grâce à des modalités de vote adaptées, là où la France les reportait. Certaines ont connu une très grande audience démocratique (Corée du Sud, Etats-Unis, Pays-Bas).

La France, de son côté, a rejeté toutes les solutions proposées au profit du statu quo : pas de vote anticipé, pas de vote par correspondance ; au profit de la stratégie du report et de la double procuration. Le résultat est bien connu : une abstention considérable ayant affecté la légitimité des élus municipaux, départementaux et régionaux, et un échec pour la démocratie française[ii].

En somme, la crise de la Covid a montré qu’en France, il parait plus important de s’assurer de la reconduction des élus de la façon la plus habituelle et la plus sécurisée possible, plutôt que de mettre en œuvre tous les moyens pour garantir une démocratie dynamique. Tous les pays n’ont pas fait ce choix : il faut changer cette conception de la démocratie représentative.

CONCLUSION

Ces éléments montrent qu’en France, les élus à la fois dirigent de façon quasi-exclusive et sont protégés des remises en cause populaires : notre pays répond bien à la qualification de « régime représentatif ». Il est alors de coutume de considérer que la réélection (ou non) fait office de responsabilité politique ; mais cela suffit-il, alors que la tendance actuelle à la « valse » des majorités à chaque élection présidentielle et législatives tend plutôt à montrer que le système engendre l’insatisfaction ? Le « dégagisme » peut-il être la seule responsabilité politique ?

Cela ne signifie pas qu’il faudrait se passer de représentants : quoiqu’on en pense, même si l’on estime que l’élection produit une sorte d’aristocratie élective impliquant un éloignement vis-à-vis de la démocratie idéale, la présence de représentants élus reste indispensable en raison de la simple nécessité de la division du travail social. Il convient d’être réaliste : par manque de temps disponible pour chacun, par manque d’intérêt et de goût, la politique suppose une spécialisation et dans une certaine mesure une professionnalisation. L’antiparlementarisme et le rêve d’une démocratie permanente et parfaite par participation directe ou tirage au sort sont des positions irréalisables, voire démagogiques. Entre ces différents extrêmes, il existe une voie médiane, celle de la réforme de la loi électorale… avant qu’il ne soit trop tard et qu’à force de radicalisation du régime représentatif, ce ne soit le peuple qui se radicalise, pour le pire.

Romain Rambaud


[1] CEDH, 2 mars 2010, n° 78039/01, Grosaru c/Roumanie.

[2] R. Savy, « Plaidoyer pour un Sénat du XXIe siècle », Pouvoirs locaux, no 67, décembre 2005, p. 100

[3] G. Carcassonne, « Pour un Bundesrat français », Pouvoirs locaux, décembre 2005, n°67.

[4] F. Rebsamen « Pour faire du Sénat un Bundesrat à la française », le JDD, 9 oct. 2021.

[5] R. Magni-Berton, C. Egger, RIC, Le referendum d’initiative citoyenne expliqué à tous ; FYP Editions, 2019 ; Laurence Morel, La question du référendum, Presses Fondation nationale des sciences politiques, 2019.

[6] Cons. const., n°62-20 L du 4 décembre 1962

[7] Cons. Const., n°86-208 DC du 02 juillet 1986.

[8] Cons. const., n°85-195 DC du 10 juillet 1985.

[9] Cons. Const., n°86-208 DC du 02 juillet 1986.

[10] Cons. Const., no2008-573 DC du 8 janv. 2009.

[11] B. Maligner, « Le contrôle du Conseil constitutionnel sur le découpage électoral », op. cit.

[12] Délimitation des circonscriptions électorales. Commission consultative prévue par l’article 25 de la Constitution, JO éd. lois et décrets, Annexe au n° 147, samedi 27 juin 2009, p. 51 et s.

[13] Cf. pour un approfondissement sur ce point, chapitre sur les institutions administratives.

[14] JO, 27 juin 2009, annexe au n° 147, p. 1-67.

[15] T. Ehrhard, « Le découpage électoral des circonscriptions législatives : le Parlement hors-jeu ? », op. cit.

[16] B. Maligner, « Le redécoupage électoral validé par le Conseil constitutionnel », op. cit.

[17] Cons. const., n° 86-208 DC, préc. ; n° 86-218 DC, préc.

[18] Cons. const., n° 2008-573 DC, préc.

[19] Cons. const., n° 2010-602 DC, préc.

[20] B. Maligner, « Le redécoupage électoral validé par le Conseil constitutionnel », op. cit. ; A. Levade, « La constitutionnalité en trompe l’œil ou l’impossible censure des découpages électoraux ? À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 18 févr. 2010 », op. cit.


[i] Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1995, rééd. 2012.

[ii] V., ici Romain Rambaud, « Les élections en temps de crise sanitaire sont-elles légitimes ? », The Conversation, 11 avril 2021, et toutes les publications sur https://blogdudroitelectoral.fr.

Doctorants de l’Équipe de droit public de Lyon

  1. BALDY Guilhem : “La solidarité entre les organes sous la Ve République” (dir. Pr. D. MONGOIN)
  2. BALNATH Mohesh : “L’administration des assemblées parlementaires sous la Cinquième République” (dir. Pr. H. DE GAUDEMAR, Pr. P. BLACHÈR)
  3. BOISSEAU Diane : “Sénat et contrôle de constitutionnalité” (dir. Pr. P. BLACHÈR)
  4. GAUDEL Amélie : “Les propriétés publiques en droit international public” (dir. Pr. C. CHAMARD-HEIM, Pr. P-F. LAVAL)
  5. HARBUTA Laurine : “État unitaire et pluralité des peuples en droit constitutionnel français” (dir. Pr. M. PHILIP-GAY).
  6. RENARD Ulysse : “Les polices environnementales“ (dir. Pr. C. ROUX, Mme M. MOLINER-DUBOST)
  7. VIDAL Swann : “La légitimité en droit constitutionnel” (dir. Pr. D. MONGOIN)

Quelques thématiques qui intéressent les doctorants :

L’éventuelle singularité des conditions dans lesquelles on envisage une réforme de la loi électorale : si la “tyrannie” de la majorité est parfois dénoncée pour des réformes législatives, la problématique semble se poser avec une acuité renforcée lorsqu’il s’agit de modifier les règles relatives aux élections.

Les enjeux spécifiques de l’élaboration des réformes de la loi électorale (représentation d’intérêts, consultations préalables, études d’impact etc.)La pertinence de la réforme de la loi électorale comme remède à des maux socio-politiques (« crise de légitimité », relégation des femmes de l’espace politique, …).

De manière générale, la loi électorale est-elle un levier pertinent ? Selon vous, quelle modification de la loi électorale pourrait pallier le désintérêt croissant des Français vis-à-vis des élections ?

Sur le développement de nouveaux organes compétents pour élaborer des politiques publiques (Convention citoyenne pour le climat, Conseil national de la Refondation…)

Questions ponctuelles en lien avec le sujet de la conférence :

L’élection est-elle toujours (ou jamais?) un facteur de légitimité pour le représentant ? Admettant l’idée qu’il y a des représentants « bien » ou « mal » élus, y a-t-il un facteur de légitimité supérieur entre la conformité de l’élection et ses opérations à la règle électorale, et la large participation du corps électoral au scrutin ?

Que pensez-vous de l’idée selon laquelle le quinquennat du Président E. Macron est frappé d’illégitimité par l’issue des élections législatives de 2022 (absence de majorité absolue pour la « majorité présidentielle ») ?

Que pensez-vous de l’hypothèse de l’élection de certains députés à la proportionnelle, voire par tirage au sort ?

Le scrutin proportionnel de liste n’est-il pas le moins à même de satisfaire l’objectif si prisé de représentativité ? En ce qu’il reconduit les logiques partisanes, et, par suite, la logique d’uniformisation qui s’y joue ? Le démocrate doit-il plaider pour le scrutin d’arrondissement et l’augmentation du nombre de députés ? Pour la suppression des partis politiques ? (fidèle en cela à la pensée de J.J Rousseau flétrissant les « sociétés partielles »)

Si la deuxième chambre souffre d’une critique en manque de représentativité, la solution se trouve-t-elle dans une énième réforme électorale, et sous quelle forme (elle qui est déjà principalement élue à la proportionnelle) ?

Devrait-on revenir sur l’interdiction de cumul du mandat parlementaire avec les fonctions exécutives locales, qui, bien que justifiée pour d’autres motifs, crée une distance entre le l’élu et le plan local, et participe également à la concentration des élus parisiens ?

Connaît-on en France des phénomènes similaires à ce qu’il peut se passer aux Etats-Unis quant à la détermination du corps électoral : “gerrymandering”, restriction du droit de vote pour certaines catégories de la population… ?

Faut-il réformer l’électorat néo-calédonien ? Le gel de l’électorat a-t-il encore un sens ?