Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 relative à la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, en déclarant le passe vaccinal conforme à la Constitution à condition qu’il y soit mis fin dès lors qu’il ne sera plus nécessaire. Le présent article sera consacré seulement à la question du passe sanitaire pour les meetings politiques, qui avait l’objet de notre article précédent sur le blog du droit électoral, dans lequel nous soutenions que l’article 4 de la Constitution pourrait servir de fondement constitutionnel à ce dispositif, dans le respect du principe de proportionnalité. Nous maintenons cette position et soutenons ici que la censure du Conseil constitutionnel a été faite précisément sur la question de la proportionnalité, sans remettre en cause la possibilité d’un passe sanitaire pour les réunions politiques sur le principe.
Dans sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 relative à la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, le Conseil constitutionnel a certes censuré la disposition permettant de subordonner à la présentation d’un « passe sanitaire » l’accès à une réunion politique. Cependant, il ne faut pas considérer que cela signifierait qu’une telle possibilité est interdite définitivement, parce qu’en l’espèce, c’est l’insuffisant encadrement législatif de la disposition au regard de la liberté en cause, et non le principe même du passe sanitaire pour une réunion politique, qui a conduit à cette censure.
En effet, le Conseil constitutionnel indique que « contrairement aux dispositions qui précisent les conditions dans lesquelles le Premier ministre peut subordonner l’accès de certains lieux à la présentation de documents sanitaires, les dispositions contestées n’ont soumis l’édiction de telles mesures par l’organisateur de la réunion politique ni à la condition qu’elles soient prises dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu« .
Ainsi, c’est « Dans ces conditions« , que « les dispositions contestées n’opèrent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées ».
Ce sont donc bien les modalités trop imprécises du dispositif en tant que tel ici, son défaut de proportionnalité, qui sont en cause, et non le principe même d’un passe sanitaire pour les réunions politiques. Dans cette décision, le passe sanitaire n’est pas censuré parce qu’il serait impossible par nature s’agissant d’une réunion politique, mais bien parce qu’il n’est pas suffisamment précis : il aurait fallu, selon le Conseil constitutionnel, qu’il soit explicitement prévu la possibilité de l’utiliser « dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19″ et l’encadrer sur le plan de la proportionnalité (circulation virale, configuration des lieux, etc.).
On peut regretter, en revanche, que cette décision n’intègre pas, comme nous l’avions soutenu, l’article 4 de la Constitution, en vertu duquel « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », qui peut justifier à notre sens à la fois la liberté pour les partis politiques de demander sur le principe un passe sanitaire, que l’interdiction de l’imposer, dans le respect du principe de proportionnalité.
Va par ailleurs dans ce sens le communiqué de presse accompagnant la décision du Conseil constitutionnel, indiquant que « Il demeure loisible aux responsables des réunions politiques de prendre toutes mesures de précaution sanitaire utiles, telles que la limitation du nombre de participants, la distribution de masques ou l’aération des salles ». La possibilité de mettre en place une jauge relève bien, elle, de la liberté des partis politiques.
Autre problème, cette décision a pour conséquence que le problème de l’infraction pénale prévue par la loi d’août 2021, qui dispose que « Hors les cas prévus aux 1° et 2° du A du présent II, nul ne peut exiger d’une personne la présentation d’un résultat d’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 », n’est pas réglée, le fait de demander un passe sanitaire étant une pratique courante (v. sur ce point notre article précédent). Elle pourrait aussi avoir pour conséquence que les organisateurs de réunions publiques n’oseront plus demander le passe sanitaire, ce qui peut poser des difficultés sur le plan de la lutte contre l’épidémie et la crédibilité des pouvoirs publics.
Cependant, il résulte également de la présente décision du Conseil constitutionnel, puisque c’est seulement « Dans ces conditions » que « les dispositions contestées n’opèrent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées », qu’il serait possible de présenter un nouveau dispositif, plus ajusté et plus précis.
La difficulté est aujourd’hui de trouver un véhicule législatif pour ce faire, peut être à la suite des discussions entre partis politiques ayant lieu pour adapter le droit électoral de l’élection présidentielle à la Covid-19. La question sera aussi de savoir s’il existera une volonté politique en ce sens.
A suivre…
Romain Rambaud