Les procès politico-financiers « Karachi » et « Bygmalion » : l’autre problématique électorale de l’année 2021 [R. Rambaud]

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Il n’y aura pas, en 2021, que le sujet du report et de la tenue (espérons-le !) des élections départementales et régionales, mais aussi, en matière de droit électoral, le sujet des procès politico-financiers « Bygmalion » et « Karachi ».

Pour rappel également, l’affaire « Karachi » implique Edouard Balladur et son ministre de la défense de l’époque, François Léotard, dans le cadre d’une affaire de rétro commissions sur des ventes d’armement qui auraient pu servir au financement de la campagne électorale de 1995. On se rappelle, ici, le scandale lié à la validation des comptes de campagne d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac en 1995 malgré le versement d’importantes sommes en liquide, qui pour Edouard Balladur auraient pu venir de ces rétro commissions (v. également notre interview sur France Culture dans la colonne de droite du présent blog). Les PV de ces séances du Conseil constitutionnel viennent d’ailleurs d’être mis en ligne. Le procès Karachi va s’ouvrir devant la Cour de justice de la République à partir du 19 janvier : il s’agira évidemment d’une affaire fondamentale.

Pour rappel, l’affaire Bygmalion est une affaire concernant le compte de campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2012, qui avait été rejeté pour dépassement du plafond et mise en place d’un système de fausse-facture avec l’UMP, partie seulement émergée de l’iceberg d’un système plus vase de dissimulation de dépenses de campagne. Le blog du droit électoral avait à l’époque de la révélation de cette affaire, entre 2014 et 2015, consacré de nombreux articles à cette question, de son origine (v. par ex. « Affaire Bygmalion : l’étau se resserre. Une analyse juridique » ; « Jérôme Lavrilleux exclu de l’UMP, une nouvelle page de l’affaire Bygmalion : Bigmagouilles de Violette Lazard est-il une source ? » ), à la mise en examen de Nicolas Sarkozy sur le fondement de l’article L. 113-1 du code électoral relatif à l’infraction pénale de dépassement des plafonds de compte de campagne (18/02/2016 : Mise en examen de Nicolas Sarkozy : analyse de droit pénal électoral [R. Rambaud]). Des publications scientifiques ont également été faites sur ce sujet, notamment lorsque le Conseil constitutionnel, dans sa décision nº 2019-783-QPC du 17 mai 2019, a considéré que le principe ne bis in idem ne fait pas obstacle au cumul de sanctions en matière de compte de campagne, avec d’une part les sanctions de la législation sur les comptes de campagne (non-remboursement, amende, pour l’élection présidentielle), et d’autre part des sanctions liées au volet pénal de la législation, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code électoral. Le procès Bygmalion s’ouvrira le 17 mars.

Ces deux affaires, qu’il faudra étroitement suivre, ne sont pas fondamentales seulement sur le plan politico-financier. Elles sont également essentielles au niveau des rapports disciplinaires entre le droit électoral et le droit pénal, (v. sur cette problématique en 2014 déjà « Affaires Sarkozy et Le Pen : savoir profiter de l’espace vacant entre police administrative et police judiciaire [R.Rambaud] » posant la question de l’efficacité de ce « droit pénal électoral » dont nous avons promu l’existence et la nécessité dans un ouvrage paru en 2019.


C’est donc, encore une fois, la poursuite de recherches « fondamentales » qui s’annonce, car une réactivité de qualité à l’actualité suppose, en amont, un travail de fond constant. C’est l’autre partie immergée de l’iceberg.

Romain Rambaud