L’année universitaire 2020-2021 démarre sur les chapeaux de roues pour son fondateur, mais elle sera sans doute ralentie pour le blog du droit électoral. Tel est en substance le message de la rentrée !
Publication : Les « lois » de l’écart de voix
Sur le plan du droit électoral, la nouvelle est la publication dans le numéro de rentrée de l’AJDA d’une étude intitulée « Les lois de l’écart de voix ».
Le critère de l’« écart de voix » est un élément décisif du raisonnement du juge électoral lorsqu‘il apprécie si la sincérité d’un scrutin a été altérée ou non. Les protestataires, leurs avocats, et les juges, doivent donc déterminer si, au cas d’espèce, l’écart de voix est suffisamment faible, ou au contraire trop élevé, pour entraîner l’annulation de l’élection. Or, si le contentieux électoral ne veut pas relever que de la seule intuition, il faudrait qu’il existe une détermination « scientifique » de l’écart de voix utile. Cette étude cherche à vérifier si c’est le cas. Pour ce faire, elle revient et prend appui sur les résultats obtenus par les études précédentes au niveau des élections législatives et municipales réalisées notamment par G. Prunier et B. Maligner (pour les élections municipales de 2008) et élabore des hypothèses à partir des résultats des élections municipales de 2014, permettant de faire des propositions pour le contentieux des élections municipales de 2014.
Le résultat s’avère rassurant : s’il ne s’agit bien sûr pas d’une science exacte, il est possible de proposer, sur la base au moins du contentieux des deux dernières élections municipales (2008 et 2014), des « lois » de l’écart de voix. C’est à dire que cette étude se propose de systématiser des raisonnements du juge électoral que l’on retrouve de façon quasi-stigmatique en matière d’analyse de l’écart de voix. Ces propositions, bien entendu, seront confrontées à l’épreuve du contentieux des élections municipales de 2020 et il faudrait, une fois que ce contentieux sera épuisé, les confronter à cette nouvelle série de cas.
Cette étude dégage d’abord trois lois méthodologiques du raisonnement du juge électoral sur le plan juridique :
- Première loi méthodologique : l’appréciation de la sincérité du scrutin dépend de la structure de l’élection du point de vue de ses résultats, dès lors l’écart de voix s’apprécie par rapport aux éléments structurants des élections en termes de résultats, qui varient selon les systèmes électoraux
- Deuxième loi méthodologique : en fonction des griefs invoqués, le juge peut procéder à une appréciation in concreto de la sincérité du scrutin en considérant le nombre exact de voix d’écart
- Troisième loi méthodologique : en fonction des griefs invoqués, le juge peut procéder à une appréciation in abstracto de la sincérité du scrutin en considérant l’écart de voix en termes de pourcentage des suffrages exprimés
Cette étude dégage ensuite cinq lois substantielles de l’appréciation par le juge électoral des écarts de voix :
- Première loi substantielle : l’appréciation in concreto de l’écart de voix est facilitée dans les communes de moins de 1 000 habitants
- Deuxième loi substantielle : un écart de voix est en général suffisamment faible in abstracto s’il est compris entre 0 et environ 1,7 % des suffrages exprimés
- Troisième loi substantielle : un écart de voix est fort in abstracto s’il est compris entre 1,7 % et 4,4 % des suffrages exprimés, mais potentiellement suffisamment faible in concreto dès lors qu’il correspond à un nombre de voix numériquement faible et est associé à des irrégularités graves dont l’ampleur est suffisante au regard de l’écart exact de voix
- Quatrième loi substantielle : l’écart de voix est normalement trop fort in abstracto s’il est supérieur à 4,4 % des suffrages exprimés environ
- Cinquième loi substantielle : il existe toujours des solutions pouvant échapper aux lois, en fonction des circonstances de l’espèce
Ces lois et ces ordres de grandeur sont évidemment des propositions qui méritent d’être approfondies et débattues… Bonne lecture !
Nomination : co-direction de la mention Droit des collectivités territoriales à l’Université Grenoble-Alpes
Je suis très heureux et très honoré d’être nommé en cette rentrée universitaire co-directeur de la Mention Droit des collectivités territoriales de la faculté de droit de l’Université Grenoble-Alpes. Cette mention de Master se donne notamment pour ambition, en partenariat dans certains cas avec d’autres institutions (IEP de Grenoble, Université Savoie Mont-Blanc) de former les avocats et les cadres dirigeants administratifs et politiques territoriaux de demain. Bien sûr, la place du droit électoral et du droit de la vie politique des collectivités locales sera très importante dans ce master. Celui-ci comprend deux branches complémentaires.
Le Master « DROIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES », parcours Administration et collectivités territoriales (M1+M2), est une formation généraliste qui offre un ensemble varié et complet d’enseignements tournés vers les enjeux et les techniques de l’action publique locale. Elle assure, au moyen de pédagogies innovantes, l’acquisition des compétences opérationnelles nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants dans les différents métiers du secteur local. Les étudiants participent à la Clinique juridique territoriale, saisie de divers problèmes de droit que peuvent rencontrer les acteurs publics locaux sur le territoire national.
Le double Master IEP-Droit « GOUVERNANCE TERRITORIALE », ensuite, est le fruit d’un partenariat unique entre l’Université Grenoble Alpes et l’IEP de Grenoble. Cette formation exigeante et sélective donne lieu à une double diplomation en « management des collectivités territoriales » et « droit des collectivités territoriales ». Elle allie renforcement de connaissances théoriques et acquisition de compétences opérationnelles et transversales. Les mises en situation professionnelles sont au cœur du parcours intégré. Elle accorde également une place à la réflexion collective et au débat, que ce soit dans le cadre de groupes de travail ou de la participation des étudiants à la Clinique juridique territoriale de la Faculté et le laboratoire d’action publique de l’IEP.
Les étudiants intéressés par les professions de consultant en cabinet d’audit, d’expertise ou de conseil aux collectivités territoriales, de collaborateur ou de directeur de cabinet dans les collectivités territoriales, de chargé d’étude dans le secteur public local, d’avocat spécialisé en droit public, de cadre supérieur de l’administration d’État ou décentralisée, de juge administratif ou encore de juriste spécialisé en droit public, pourront rejoindre ces masters. Plus largement, toutes les personnes passionnées par la politique et souhaitant pouvoir y progresser seront intéressées par le programme proposé.
Il faut souligner ici qu’à ces masters sont associés de nombreux dispositifs de professionnalisation : ateliers professionnalisants, conférences de praticiens, clinique juridique, association de mise en réseau des étudiants et des professionnels (par le biais de l’Association Dauphinoise du Droit Public, qui couvre l’intégralité des masters de droit public à Grenoble), etc.
Ces diplômes ont vocation à faire l’objet d’une nouvelle accréditation dans les mois qui viennent, ce qui permettra de les faire évoluer et de les rendre encore plus attractifs !
Dynamisme du blog du droit électoral et nouveau projet : un rythme ralenti
Les responsabilités administratives liées à cette nomination, les responsabilités associatives liées à l’ADDP et le nombre absolument considérable de cours que je devrai assurer cette année rendent probable le fait que le blog du droit électoral fonctionnera selon un rythme ralenti, sans comparaison avec le rythme de l’année dernière, se contentant de rendre compte des actualités les plus substantielles. Cela permettra de souffler un peu.
Par ailleurs, je vais lancer un nouveau projet qui me prendra aussi un peu de temps, mais que j’ai envie de développer.
Il est probable enfin que l’actualité sera, même s’il y aura des éléments importants (notamment les élections départementales et régionales bien sûr) moins incroyable que l’année dernière, même si la gestion du covid-19 n’est pas une question terminée. Cela rendra plus tenable un blog du droit électoral au fonctionnement ralenti.
Dans tous les cas, je vous souhaite une belle année électorale, avec nous !
Romain Rambaud