La question de savoir quand et comment organiser les élections municipales de 2020, qui n’est heureusement plus la priorité du moment tant il est important que les énergies se focalisent sur la régulation de la crise, va revenir très vite sur le devant de la scène. Pour déterminer les paramètres à prendre en compte et la manière de procéder, la priorité est bien sûr aux considérations sanitaires, mais quelques éléments juridiques peuvent également être utiles pour démêler l’écheveau, afin de répondre aux deux questions qui nous préoccupe : quand organiser les prochaines élections et comment le faire ?
L’article 19. II de la loi d’urgence du 23 mars 2020, ayant reporté le 2nd tour de l’élection municipale dans les communes non acquises au 1er tour, prévoit que « Au plus tard le 23 mai 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement fondé sur une analyse du comité de scientifiques se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale le précédant ». Dans l’attente de l’avis du Conseil scientifique et du rapport du Gouvernement, qui devraient intervenir bientôt, tout le monde se pose donc la question de savoir quand ces élections auront lieu.
- En juin, auquel cas seul le second tour devrait être réorganisé en suivant les règles prévues par l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 relative au report du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 et à l’établissement de l’aide publique pour 2021 ?
- Ou à l’automne, auquel cas il faudrait refaire les deux tours comme le prévoit déjà l’article 19.I de la loi du 23 mars 2020, qui dispose : « Si la situation sanitaire ne permet pas l’organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l’achèvement des mandats ainsi prolongés » ? Le 2 mai, le JDD a révélé que le ministère a soumis pour pré-avis au Conseil d’Etat un texte qui fixerait les élections au 27 septembre et 4 octobre, confirmant des déclarations ministérielles. Le ministre de l’Intérieur a reconnu dimanche 3 mai au Grand Jury (RTL-LCI-Le Figaro) qu’il avait « travaillé sur une hypothèse fin septembre, mais ce n’est qu’une hypothèse ».
- Voire plus tard, en mars 2021, au risque d’introduire une distorsion extrêmement forte entre les électeurs selon la commune où ils vivent (un an de décalage entre les deux élections !), de réaliser les élections municipales, départementales et régionales en même temps 1 an avant l’élection présidentielle, ou de chambouler la totalité du calendrier électoral en repoussant aussi les élections départementales et régionales ?
Le choix de cette date fait l’objet de polémiques politiques, dans la mesure où les implications politiques sont différentes, puisqu’il faudrait refaire les deux tours dans l’hypothèse où l’élection municipale serait refaite à la rentrée. Par exemple, Ségolène Royal a déclaré qu’il existe un risque « d’ajouter une crise démocratique à la crise sanitaire » avec le report des municipales à l’automne et l’annulation du premier tour pour ceux des maires qui n’auraient pas été élus, jugeant que «si la sécurité sanitaire peut être garantie en juin dans les commerces, elle peut l’être dans un bureau de vote avec, cette fois, toutes les mesures de protection qui n’étaient pas en place au premier tour « . Elle voit dans la préférence pour le mois de septembre une manœuvre politique visant à favoriser le Gouvernement. Ce n’est peut-être que le début des déclarations polémiques. Il est hélas certain que tous les choix qui seront opérés désormais seront analysés à l’aune de la manipulation politique, et c’est un point fondamental à prendre en compte.
Pour éviter un débat mortifère sur les arrière-pensées qui pourraient présider à ce choix, des paramètres objectifs peuvent être dégagés sur la base des normes internationales et du droit comparé. On peut en effet, pour prendre une bonne décision, s’aider des standards internationaux, développés par des instances internationales telles que l’IDEA et l’OSCE, et bien sûr le Conseil de l’Europe, ainsi que s’inspirer des exemples étrangers où des élections sont organisées malgré la pandémie, notamment les élections en Corée du Sud (15 avril 2020) et en Pologne (finalement reportées), qui ont déjà fait l’objet d’articles de ce blog et qui constituent deux exemples « contraires » très instructifs.
De ce point de vue, on peut noter que dans un document du 7 avril 2020, le Conseil de l’Europe a considéré que « Durant l’état d’urgence, la tenue d’élections et de référendums peut se révéler problématique, étant donné que la possibilité de faire campagne en temps de crise est extrêmement limitée ». Cependant, il nous semble que ce standard, s’il peut être valable dans des pays où les conditions d’une bonne élection ne peuvent être réunies, serait dangereux à appliquer dans sa généralité car il suffirait alors d’une crise pour repousser sine die le processus électoral, et la France a eu des précédents (voir par ex. le précédent de 1955/1956 pour les élections législatives en Algérie). En revanche, lorsqu’il est possible à la fois d’organiser des opérations électorales et d’assurer une campagne électorale minimale, par des sites internet, des réseaux sociaux, des débats à la télévision, la distribution d’une propagande officielle, nous pensons que la question d’organiser des élections malgré la crise sanitaire ne doit pas être écartée par principe. C’est aussi un point qu’a montré l’exemple de la Corée du Sud : il peut s’agir au contraire d’une victoire de la démocratie.
La réponse à ces deux questions, QUAND et COMMENT organiser les élections municipales fera l’objet de deux articles distincts du blog. Commençons par la première : quand organiser les élections municipales ? A défaut de connaître la réponse, nous pouvons indiquer les principaux paramètres de choix. Ils sont de trois ordres : sanitaire, politique, et juridique.
Les paramètres sanitaires : la nécessité d’une maîtrise suffisante de l’épidémie pour permettre la tenue des opérations électorales et de la campagne électorale
Bien entendu, les premiers paramètres à prendre en compte sont les paramètres sanitaires, et la capacité des pouvoirs publics à pouvoir faire face à ces questions. Pour rappel, en vue des élections du 15 mars, et tout en insistant sur le fait qu’il s’agissait bien d’une décision politique, le conseil scientifique s’était bien prononcé en faveur de la tenue des élections municipales dans ses avis, considérant que cette activité ne présentait pas de risques supplémentaires par rapport à d’autres activités autorisées (comme faire les courses), à condition de respecter les gestes prévus par ces circulaires, et estimant que sur le plan de la crédibilité démocratique, dès lors que les préoccupations sanitaires étaient respectées, il était préférable de les préserver.
- Avis du 12 mars 2020 : « Elections : Le conseil scientifique a été questionné sur un éventuel report des élections. (…) Il a considéré que si les élections se tenaient elles devaient être organisées dans des conditions sanitaires appropriées (notamment respect des distances entre votants, désinfection des surfaces, mise à disposition de gels hydro-alcooliques, étalement des votes sur la journée, absence de meeting post-électoraux, etc. …). Dans ces conditions, il n’identifiait pas d’argument scientifique indiquant que l’exposition des personnes serait plus importante que celle liée aux activités essentielles (faire ses courses) »
- Avis du 14 mars 2020 : « Questionné par le Ministre de la santé à propos de la tenue du premier tour des élections municipales, le Conseil scientifique a réexaminé l’avis qu’il avait formulé à ce dernier et au Premier ministre après un échange avec le Président de la République le jeudi 12 mars. (…) Dans ces conditions, il n’identifiait pas d’argument scientifique permettant d’associer une annulation du premier tour des élections à la réduction de la progression prévisible de l’épidémie, ni à une réduction du risque infectieux auquel sont exposées les personnes, notamment par comparaison avec, d’une part, les activités quotidiennes essentielles auxquelles elles participent, comme faire ses courses, et d’autre part les conséquences sanitaires délétères de possibles débordements, imprévisibles après une annulation impromptue du processus électoral, potentiellement mal comprise par une partie de la population. (…) Il a considéré que l’exercice de la démocratie, garanti par la sécurité sanitaire du vote, gagnaient à être préservé afin que la population conserve dans la durée une confiance indispensable au respect de mesures extrêmement contraignantes qui lui seraient exigées par les autorités démocratiques du pays pour garantir sa protection sanitaire ».
Dans le cadre de son prochain avis, le Conseil scientifique devra prendre en compte au moins trois paramètres pour déterminer si, du point de vue sanitaire, il est possible ou non d’organiser ces élections.
En premier lieu, si cela est possible, le Conseil scientifique devra comparer la situation attendue pour juin à celle prévisible (!) pour septembre, en tenant compte du risque de deuxième vague. Dans le cadre de cette analyse, s’il est impossible d’organiser les élections en juin mais qu’un risque de deuxième vague est important pour septembre, la question de l’adaptation plus grande des opérations électorales pourra être posée.
En deuxième lieu, bien sûr, il faudra prendre en compte le risque épidémiologique dans un contexte de post-dé-confinement : de ce point de vue, il faudra d’ailleurs sans doute attendre pour avoir cet avis, dans la mesure où la question de l’évaluation de la dynamique de reprise de l’épidémie sera absolument cruciale. De ce point de vue, tant l’exemple sud-coréen que l’exemple polonais montrent que l’épidémie doit faire l’objet d’un contrôle suffisant pour organiser une élection, non seulement du point de vue des opérations électorales, mais aussi de la possibilité de réaliser une campagne électorale. En effet, les deux exemples montrent qu’en toute hypothèse les élections qui se tiennent sous Covid-19 sont de façon indélébile marquées par l’épidémie. En Corée du Sud et en Pologne, cela s’est réalisé semble-t-il au bénéfice des gouvernants… on ne sait pas s’il en irait de même en France. En tout état de cause, l’épidémie crée un déséquilibre des forces qui rend nécessaire de pouvoir faire une campagne électorale le plus normalement possible (ce qui n’est guère évident), ou à défaut de pouvoir en organiser les modalités à distance, ce qui pourrait aussi prendre du temps.
En troisième lieu, un bilan devrait être mené quant à l’impact de l’organisation des opérations électorales du 15 mars en matière de santé publique, notamment vis-à-vis des membres des bureaux de vote, pour savoir à quel point le bilan a été lourd et s’il est possible de réaliser des élections, puisqu’il est vrai que dans un certain nombre d’endroits en France, la préparation et la réalisation ne furent pas satisfaisantes, par manque de matériel notamment. En Bavière, les élections locales organisées également le 15 mars 2020 ont également été accusées d’avoir favoriser la circulation du virus. Sur ce point les choses devront êtes faites en transparence pour rassurer au maximum les Français : de ce point de vue, l’exemple coréen montre que l’inclusion des électeurs est fondamentale comme condition de la confiance dans le processus électoral et démocratique.
La question sanitaire a cependant ses limites, car la démocratie ne peut pas être éternellement suspendue à la découverte d’un vaccin. Cela pose alors la question de l’adaptation des opérations électorales en période de pandémie, qui peut être réalisée avec succès, comme le montre l’exemple de la Corée du Sud. Au contraire, l’épidémie ne doit pas être un prétexte à manipuler ces opérations électorales en improvisant un vrai-faux vote par correspondance, comme le montre hélas le cas de figure polonais.
Les paramètres politiques : consulter largement les parties-prenantes et rechercher le consensus politique
Comme le montrent les recherches internationales, les paramètres à prendre en compte pour décider de repousser ou non une élection sont nombreux : risque de baisse de la participation (sur ce point l’exemple français est cité désormais au niveau international), risque pour la santé des personnes, impossibilité de faire campagne, risque que la campagne électorale soit exclusivement focalisée sur l’épidémie de Covid-19, etc.
Sur ce point, le niveau de confiance de la population semble un paramètre fondamental à prendre en compte : tant l’exemple sud-coréen (en positif, la participation ayant été de 66%, au plus haut depuis 1992, car les coréens ont voulu obtenir une victoire symbolique contre le virus) que l’exemple polonais (en négatif, car les conditions de la confiance ne semblent guère réunies et les sondages indiquent une participation dégradée) montre que les gouvernants doivent porter une attention forte à l’opinion publique. Sur ce point, l’attente de l’opinion publique sur la base par exemple de sondages, concernant la question de savoir s’il faudrait plutôt faire les élections en juin ou septembre, devrait être prise en considération comme paramètre de la confiance. Par ailleurs il faudrait, sur le modèle coréen, communiquer largement autour de ces questions en suggérant au ministère d’aller au delà de son guide à destination du candidat pour élaborer cette fois un véritable guide à destination des électeurs.
Par ailleurs, l’étude des standards internationaux montre l’importance de la consultation des acteurs et si possible de l’obtention d’un consensus politique : nous avions nous-même déjà beaucoup insisté sur ce point lors du processus législatif ayant conduit à l’adoption de la loi du 23 mars 2020. Dans son avis sur la Pologne, l’OSCE a insisté sur cet aspect, et il s’agit d’un standard international également porté par la commission de Venise : la décision dans ce contexte doit se faire selon un processus inclusif qui facilite le consensus entre les acteurs. En Pologne, le désaccord tant sur la tenue de l’élection présidentielle que sur l’adaptation des modalités a entraîné un effet désastreux sur l’élection présidentielle puisqu’elle a conduit de grandes figures de l’opposition à appeler au boycott, ce qui est une catastrophe sur le plan démocratique. Heureusement, l’élection a finalement été reportée.
Cela signifie, pour la France, qu’il faut absolument continuer à privilégier le consensus politique qui a jusqu’ici prévalu sur cette question. Cela implique plusieurs choses :
- Le respect du cadre prévu par la loi du 23 mars 2020, qui a été adoptée par un consensus de la CMP, ce qui est fondamental, et très heureux pour la situation française.
- Le maintien des élections déjà acquises au 1er tour, même si on peut le regretter sur le plan de la participation, car c’est l’état du consensus transcrit dans la loi du 23 mars 2020 et qu’il ne faut pas ajouter de la crise à la crise : (voir notamment sur ce point notre article sur les QPC en cours). Il faudra donc également installer les conseils municipaux. Cette solution pourrait peut-être être inversée s’il existait un consensus politique en ce sens (et encore faudrait-il le discuter sur le plan constitutionnel), mais ce n’est pas le cas.
- Le report des élections à juin ou septembre suivant l’accord politique qui sera trouvé lors de la discussion de juin : une nouvelle loi doit être adoptée pour éventuellement proroger le mandat des conseillers municipaux. Il faudrait, sauf consensus en ce sens, ne pas remettre en question la solution de refaire les deux tours, qui a fait l’objet d’un consensus et qui est plus sûre en termes de respect du principe de sincérité du scrutin.
Il conviendra ensuite, en vue d’organiser les élections, de consulter largement les parties prenantes et le cas échéant adapter les opérations électorales, ce qui fera l’objet d’un prochain article sur le blog du droit électoral. Ce processus devra impliquer le ministère de l’intérieur, les maires, les partis politiques, les candidats, afin de trouver les meilleures solutions.
On prendra aussi ici une position vis-à-vis de notre profession : de notre point de vue, la doctrine universitaire serait bien inspirée de chercher à faciliter le consensus plutôt que d’attiser les conflits. C’est en tout cas la solution que les standards juridiques internationaux favorise.
Les paramètres juridiques : garantir les principes fondamentaux du droit électoral
Enfin, un certain nombre de principes juridiques sont à prendre en compte dans cette décision, qui doivent être appréciés dans un souci constant d’équilibre.
Le premier principe qui pose question est le principe d’égalité et, si des QPC devaient survenir, il ne manquerait d’être soulevé, à la fois entre les électeurs et entre les candidats. Entre les électeurs, le problème a déjà été largement évoqué, y compris dans une tribune que nous avions publié dans Le Monde, et sur ce blog. En premier lieu, distinguer les élections acquises au premier tour, conservées, et les autres, ne semble pas contraire au principe d’égalité, dans la mesure où il existe ici une différence de situation claire. En deuxième lieu, il existe des raisons de fond permettant de procéder au report à cause du confinement mis en place le 16 mars, en raison des circonstances exceptionnelles liées au Coronavirus. En troisième lieu, en général, le Conseil constitutionnel s’auto-limite dans son appréciation des législations électorales. Enfin, on insistera ici de nouveau, et cela est lié, sur le fait qu’il est primordial dans ce genre de circonstances de veiller à chercher et à respecter les consensus politiques, afin de ne pas ajouter de la crise à la crise et au contraire de pouvoir sortir par le haut de ces problématiques.
Mais pour ce qui concerne les élections à venir, le principe d’égalité entre les candidats sera crucial. En effet, le principe d’égalité entre les candidats devra être respecté, car on a montré également précédemment sur ce blog que les juges sont attentifs à ce que les circonstances exceptionnelles n’affectent pas plus certains candidats que d’autres, et parce que les exemples coréens et polonais montrent que la crise impacte fortement l’élection. Il serait donc important qu’une durée de campagne suffisante soit garantie, d’autant que pendant toute la période de crise, si les challengers n’ont pu faire campagne, les sortants ont bénéficié d’une forte exposition, au bénéfice de leur rôle de maire. Si cela est tout à fait normal, un rééquilibrage minimal entre les forces avant l’élection serait préférable.
Le deuxième principe est le principe de sincérité du scrutin, qui est rattaché par le Conseil constitutionnel à l’article 3 de la Constitution et donc au droit de vote. Cela implique nécessairement que le scrutin devra être organisé avec les garanties de sécurité sanitaire nécessaires au regard de la situation, qui pourraient être complétées par rapport à celles du 15 mars. Cela plaide également pour ré-instituer une durée de campagne suffisante, afin que les électeurs puissent faire un choix en conscience, même si l’élection sera toujours marquée par la crise du Covid-19. Concernant l’abstention en revanche, force est de constater qu’il n’existe hélas aucune garantie que la participation soit plus forte la prochaine fois qu’elle ne le fut le 15 mars, raison pour laquelle, si on peut souhaiter que ce paramètre soit meilleur sur le plan politique, il serait périlleux à ce stade d’en faire un critère juridique.
Enfin, le troisième principe est celui de stabilité du droit électoral. Il est intéressant, sur ce point, de souligner que la France est en retard par rapport à ce standard international, consacré notamment par le code de bonne conduite de la Commission de Venise (Code de bonne conduite de la commission de Venise, CDL-AD(2002)023rev2-cor-f) et par la jurisprudence de la CEDH (v. par ex. CEDH, Affaire EKOGLASNOST c. BULGARIE, 6 novembre 2012, 30386/05). Pour l’anecdote, on notera que le principe de non-modification des règles électorales un an avant le scrutin vient à peine d’être consacré en France, par la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, mais qu’il était prévu que cette disposition ne s’appliquerait qu’à compter du 30 juin 2020 et elle ne devrait pas s’appliquer à la prochaine organisation de l’élection (en tout état de cause, elle n’a qu’une valeur législative). Ce principe implique qu’il ne faut pas changer les règles fondamentales du jeu électoral avant le scrutin, car sinon cela risque d’être interprété comme une manipulation politique et comme une atteinte à la sincérité des opérations de vote : de ce point de vue, l’exemple polonais est désastreux avec l’instauration d’un vote par correspondance juste avant le scrutin. Bien sûr, il s’agit d’être flexible avec cette règle : cependant, cela signifie que dans l’hypothèse où il faudrait adapter substantiellement les opérations électorales pour faire face à la crise du Covid-19, il faudrait aussi laisser du temps pour que les administrations puissent s’organiser et les électeurs être informés de ces évolutions, ce qui plaiderait alors pour septembre plutôt que juin 2020 ou mars 2021. Tout dépend alors du choix qui serait fait, plus ou moins important, en termes d’adaptation des opérations électorales. Le « quand » n’est donc pas sans lien avec le « comment », ce qui fera l’objet d’un prochain article.
Conclusion
En conclusion, il semble essentiel que la décision d’organiser les élections en juin ou à l’automne ne soit pas à l’origine d’un élément de crise supplémentaire. Anticipation sanitaire et opérationnelle, consensus politique, sécurisation des élections par la référence aux grands principes, tels sont les grands enseignements que l’étude des standards internationaux et des exemples étrangers offrent à la France. Il faut s’en inspirer.
Romain Rambaud