C’est LA rumeur qui monte cet après-midi, après la publication d’un article du JDD en ce sens : le Président de la République penserait finalement au report des élections municipales. Nous avons déjà évoqué il y a plus d’une semaine ici la façon dont cela pourrait se dérouler : dans un premier temps, il faudrait adopter très rapidement une loi ; à défaut, il serait possible de passer par une modification du décret de convocation des électeurs, mais dans ce cas on se situerait en marge de la légalité dans la mesure où le renouvellement général des conseils municipaux intervient normalement au mois de mars. Il faudrait alors se prévaloir, comme la jurisprudence des juges électoraux a pu le faire dans le passé, des circonstances exceptionnelles.
Un nouveau scénario serait même envisagé comme l’indique le JDD, alors que le premier tour est désormais imminent, pour pouvoir faire passer la mesure : modifier le décret de convocation des électeurs pour décaler d’une semaine officiellement les élections, puis faire adopter une loi dans la semaine pour décaler légalement les élections. Cela pourrait s’envisager puisque le code électoral prévoit la tenue des élections municipales générales au mois de mars et que les conseillers municipaux en 2014 ont été élus le 30 mars, de sorte que leur mandat peut durer jusque là. Cependant, cela continuerait de poser problème légalement puis l’article L. 227 dispose que les conseillers municipaux « sont renouvelés intégralement au mois de mars à une date fixée au moins trois mois auparavant par décret pris en Conseil des ministres. Ce décret convoque en outre les électeurs ». Donc en principe, la date exacte des élections doit être fixée au moins trois mois auparavant et changer de date à seulement une semaine de la date des élections prévue pourrait poser un problème. Il y aurait donc ici également un problème de légalité persistant qui obligerait à invoquer les circonstances exceptionnelles.
Enfin, si on décidait de reporter les élections, à quand les reporterait-on ? En mars 2021, en même temps que les départementales et les régionales ? Dans ce cas de figure, autant dire qu’il s’agirait d’une élection présidentielle avant l’heure. Cette solution poserait un autre problème, puisque les prochaines élections sénatoriales auront lieu en septembre 2020 et que les sénateurs doivent normalement être élus par les nouveaux conseillers municipaux… Remettre en cause les élections municipales pourrait donc aussi remettre en cause les élections sénatoriales.
D’autres hypothèses impossibles ont même évoquées. L’article 16 a été suggéré, mais les conditions ne sont absolument pas réunies : cet article exige que les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu. Ce n’est pas le cas. Quant à l’état d’urgence, il ne servirait à rien, car s’il permet d’augmenter les pouvoirs de la police administrative, il ne permet pas au Gouvernement d’adopter des lois ou des décrets illégaux.
Cependant, ce changement de pied est déjà démenti. Edouard Philippe, qui recevait dans la matinée à Matignon les présidents des Assemblées et des groupes parlementaires, les chefs de partis et les dirigeants des associations d’élus, avait d’ailleurs clairement écarté cette possibilité. Très récemment, le Sénat a aussi démenti cette hypothèse. Or, sans le Sénat, aucune chance d’adopter une loi dans la semaine, de sorte qu’un report même limité au mois de mars ne servirait à rien.
Un tel report serait extrêmement compliqué, dans la mesure où tout le monde s’est préparé au scrutin de dimanche prochain. Par ailleurs, il coûterait extrêmement cher, car la propagande officielle a déjà été envoyée pour le premier tour (65 millions d’euros pour les deux tours) et parce qu’il faudrait rembourser les dépenses électorales de tous les candidats dans les communes de 9000 habitants et plus. Il favoriserait sans doute la panique, ce qui serait négatif à tous points de vue.
Le plus raisonnable est, sans doute, ne pas céder à la panique et de faire prévaloir la démocratie, la situation n’en étant pas aujourd’hui à un tel stade critique. Rendez-vous ce soir pour l’allocation du Président la République à 20h.
Romain Rambaud