28/04/2016 : Adoption du dispositif de consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement : vers un référendum bancal sur Notre-Dame-des-Landes [S. Clément]

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imagesÇa y est, l’ordonnance nouvelle est arrivée ! Le gouvernement a adopté, contre vents et marées, l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, suivie du décret n° 2016-491 du 21 avril 2016 relatif à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

Ces dispositifs généraux cachent mal le but politique qu’ils poursuivent réellement, puisque dès le surlendemain était adopté le décret n° 2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes

Pourtant, toutes les difficultés ne sont pas levées, loin de là.

Les problèmes de légalité pesant sur le dispositif de consultation locale

Petit rappel des épisodes précédents.

téléchargementEn février dernier François Hollande annonce la tenue d’un référendum pour trancher la sempiternelle question de la pertinence d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

Tournée générale ! Applaudissement d’un côté, scepticisme de l’autre, yeux ébahis dans la sphère des juristes qui se demandent comment diable le Président va réussir à sortir de cette galère, tant les obstacles en droit sont nombreux et se heurtent à cette (noble) idée de consultation démocratique. En d’autre terme, il y a un hic. Nous en avions parlé ici.

Un projet d’ordonnance visant à rendre possible l’impossible avait  été présenté le 24 mars dernier aux membres du Conseil national de la transition écologique, lesquels ont immédiatement senti le souffre et préconisé des travaux complémentaires.

logo-actu-environnement-smallCertains connaisseurs avisés dans une lettre ouverte avaient, parallèlement, reproché l’absence de conformité du projet d’ordonnance avec la loi d’habilitation, l’absence de garantie au droit de l’information du public et avaient également contesté le bien-fondé du choix de l’aire de consultation.

Alors, l’ordonnance nouvelle est-elle purgée de ses vices ?

La nouvelle ordonnance

rff-site-LNOBPLTout d’abord, sur cette question de la conformité à la loi d’habilitation. Rappelons que le gouvernement peut prendre par ordonnance des mesures relevant, en temps normal, du domaine de la loi. Il peut le faire à la condition qu’une habilitation lui ait été donnée par le Parlement. L’habilitation fondement de l’ordonnance du 22 avril 2016 se situe dans le c du 3° du I de l’article 106 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques plus connue sous le nom de loi Macron.

Effectivement, l’article 106 énonce la possibilité pour le gouvernement de « réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de projets […] de faire en sorte que le processus d’élaboration des projets soit plus transparent et l’effectivité de la participation du public à cette élaboration mieux assurée ».

Plus avant, le c) de l’article 106, le cœur de l’habilitation, autorise le gouvernement à prévoir « de nouvelles modalités d’information et de participation du public […] ainsi qu’une procédure de consultation locale des électeurs d’une aire territoriale déterminée sur les décisions qu’une autorité de l’Etat envisage de prendre sur une demande relevant de sa compétence et tendant à l’autorisation d’un projet susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement ».

images (2)L’article 106 fait ainsi référence, par trois fois, de manière claire et non équivoque à la notion « d’élaboration de projets ». Si tant est que le lecteur ait mal compris, sait-on jamais, l’article, dans son c), nous ressert un « sur les décisions qu’une autorité de l’Etat envisage de prendre ». A n’en pas douter, le législateur s’est montré prudent en prévoyant qu’une consultation ne pourrait avoir lieu que sur des projets en phase de conception, et non sur des projets mal embouteillés et déjà ficelés.

Logique ! Quelle serait, en effet, l’utilité de poser une question dont la réponse aurait d’ores et déjà été donnée par ceux-là mêmes qui posent la question ? Le législateur a toutefois cru bon de prévenir cet écueil : l’habilitation contenue dans la loi Macron ne peut être utilisée que pour des projets non arrêtés, c’est à dire, en phase de création, en cours d’élaboration.

téléchargement (2)L’ordonnance du 22 avril semble prendre ses distances vis-à-vis de l’habilitation. Son article 1, introduit un nouveau chapitre III bis dans le code de l’environnement intitulé « consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement ». Dans les dispositions générales (section 1), l’article L. 123-20 dispose que « l’Etat peut consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique ». Cette formulation, qui implique l’existence d’une autorisation,  permet de coller au plus près aux prescriptions de la loi d’habilitation et de justifier la consultation de la population via son implication au processus décisionnel d’autre part. Cela permet aussi de viser les projets qui comportent un minimum de participation publique.

Cependant, pour le projet de Notre-Dame-des-Landes, l’ordonnance semble décalée dans la mesure où, à notre connaissance, toutes les autorisations ont déjà été délivrées. La DUP bien-sûr, mais aussi l’approbation du contrat de concession entre Vinci et l’Etat. Sur ce point donc, l’ordonnance nous paraît bancale.

illustration_mairieDeuxièmement, sur la question de l’aire de la consultation, l’ordonnance fait référence dans son article L. 123-21 au « territoire couvert par l’enquête publique dont ce projet a fait l’objet, ou, lorsque plusieurs enquêtes publiques ont été réalisées […] à celle de l’ensemble du territoire couvert par ses enquêtes ». L’article 1 du décret du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs de Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes dispose que la consultation concernera tous les électeurs de Loire-Atlantique. Or, les différentes enquêtes publiques, couvrent un territoire qui ne saurait être calqué sur le territoire du département de la Loire-Atlantique. Les périmètres ne coïncident pas.

téléchargement (3)Nous ne revenons pas sur le choix, en lui-même déjà restrictif, du département de Loire-Atlantique comme aire de la consultation. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une démocratie locale à deux vitesses qui permet à certains électeurs de la région Pays-de-la-Loire de s’exprimer (ceux de Loire-Atlantique) pendant que les autres ne seront que spectateurs (et accessoirement contribuables) d’un projet qui les concerne au moins autant.

téléchargementEnfin, sur l’absence de garanties au droit de l’information du public, l’ordonnance dispose dans son article L. 123-26 qu’ « un dossier d’information sur le projet […] est élaboré par la Commission nationale du débat public ». Ce dossier comprendra une synthèse compilant les informations relatives au projet et mis en ligne sur le site de la CNDP au moins 15 jours avant la date fixée pour la consultation. Le rôle de la CNDP est donc très limité. Le choix d’une information dématérialisée limite en outre la portée de l’information à un public ayant accès à internet, et sachant l’utiliser.

Le décret du 21 avril précisant l’ordonnance reste assez vague sur ce sujet puisque son article R. 123-47, tout en reprenant les modalités de consultation prévues par l’ordonnance se contente d’une précision laconique permettant la consultation du dossier « dans des conditions assurant la bonne information des électeurs ».

Conclusion

En conclusion, eu égard à l’urgence dont découlent les approximations des textes de la consultation, il nous paraît peu probable que le résultat puisse, d’un coup de baguette magique résoudre les problèmes de fond qui entachent ce projet. Quid, enfin, si la consultation se soldait par un non au transfert de l’aéroport ?

A suivre…

Ségolène Clément

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