28/04/2015 : Radicaliser la démocratie de D. Rousseau : retour sur le concept de démocratie continue [par un nouvel auteur, Zérah Brémond]

Spread the love

C’est une grande joie pour le blog du droit électoral d’accueillir en son sein un nouveau membre de l’Université Grenoble-Alpes, véritable vivier en devenir des problématiques de droit électoral au sens large. Pour son premier article, Zérah Brémond, doctorant réalisant une thèse sur la « propriété autochtone en droit constitutionnel », nous livre un résumé et son analyse de l’ouvrage de Dominique Rousseau Radicaliser la démocratie, lequel, par son concept de démocratie continue, présente un intérêt doctrinal fort pour le droit électoral. Merci à lui !

« Radicaliser la démocratie – propositions pour une refondation », manifeste d’un constitutionnaliste pour une relancer l’inventivité constitutionnelle française

Tocqueville

 « On dit qu’il n’y a point de péril, parce qu’il n’y a pas d’émeute ; on dit que, comme il n’y a pas de désordre matériel à la surface de la société, les révolutions sont loin de nous. Messieurs, permettez-moi de vous dire, avec une sincérité complète, que je crois que vous vous trompez. Sans doute, le désordre n’est pas dans les faits, mais il est entré bien profondément dans les esprits ».

C’est ce qu’affirmait Alexis de Tocqueville le 27 janvier 1848 devant l’Assemblée nationale, alors que la monarchie de Juillet – régime qui malgré ses airs de modernisme avait préservé le suffrage censitaire excluant durablement la « plèbe » de l’exercice du pouvoir – était à l’aube d’une crise qui allait lui être fatale.

 Puis la révolution de 1848 éclata, moins d’un mois plus tard, venant à bout de l’ultime monarchie française en moins d’une semaine. La deuxième République promettait alors d’instituer « enfin » une authentique démocratie en France, instaurant le suffrage universel direct pour tous les hommes en affirmant que « la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens français » (Article premier de la Constitution du 4 novembre 1848). Alexis de Tocqueville dans son discours prononcé le 12 septembre 1848 devant l’Assemblée constituante défendait alors une idée « radicale » de la démocratie dans laquelle « chaque citoyen, même le plus humble serait mis en état d’agir avec autant d’indépendance et de faire de son indépendance un emploi aussi utile, que l’est le citoyen le plus élevé ».

C’est sur ce fondement, sur cet exemple que le constitutionnaliste Dominique Rousseau (université Paris-I) entend en 2015 reprendre à son compte les constatations que faisait Tocqueville près de 160 années plus tôt. Comme en 1848, la représentation dort sur un volcan, comme en 1848, les inégalités sont criantes et les puissants agissent alors que les faibles subissent. Pour Dominique Rousseau, deux acteurs sont à l’origine de cette crise : la représentation et le marché. La représentation car elle confine le peuple souverain au silence, le marché car il obtient de la représentation ce que le peuple n’obtient plus. Et pour exemple, l’auteur constate que les contestations populaires ont pu rester sans effet la plupart du temps là où les marchés ont obtenu des changements de gouvernement en 2011 (en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Grèce, en Italie et en Slovaquie).

De ce constat, Dominique Rousseau en arrive alors à la même conclusion que TOCQUEVILLE en 1848 : il faut radicaliser la démocratie, repenser les institutions afin de faire en sorte que la révolution qui couve soit une « révolution sérieuse », une « révolution qui soit la dernière ». À ce nouveau modèle qu’il appelle de ses vœux, Dominique Rousseau a donné le nom de démocratie continue. Il l’a défendu en colloque à Montpellier en 1992 (colloque organisé par le Centre d’Études et de Recherches Comparatives cOnstitutionnelles et Politiques), l’a retranscrit depuis lors dans l’ensemble de ses ouvrages et articles et l’a même défendu au sein de la commission Jospin sur la rénovation et la déontologie de la vie publique créée en 2012 par le président de la République nouvellement élu François Hollande.

Radicaliser la démocratie

Jugeant les propositions de la commission Jospin insuffisantes (entretien à Mediapart du 9 novembre 2012), il a choisi de formaliser sa conception de la démocratie continue dans un ouvrage publié en avril 2015 intitulé « Radicaliser la démocratie – propositions pour une refondation » (Seuil, 240 pages). En bon juriste, il a divisé l’ouvrage en deux parties, l’une portant sur les principes de la démocratie continue, l’autre sur les institutions de la démocratie continue. À la lecture de l’ensemble, il semble néanmoins se dégager une division sous-jacente, à savoir celle du constat de la crise de la démocratie occidentale et des solutions formulées par l’auteur pour la résoudre.

Le constat : le régime représentatif n’est pas vraiment une démocratie

Une démocratie imparfaite

Ce constat, Dominique Rousseau le fait en se basant sur la conception qu’avait Joseph-Emmanuel Sieyès du régime instauré en 1789 et qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Éduqué à la philosophie de Montesquieu, Sieyès convenait qu’un régime dans lequel tout le Tiers Etatmonde gouvernerait serait probablement pire que la monarchie absolue qu’il avait souhaité dénoncer dans sa fameuse brochure « Qu’est-ce que le Tiers État ». Ainsi Sieyès, considérait comme préférable d’instaurer non pas une démocratie mais ce qu’il appelait un « régime représentatif », en ayant alors cette fameuse formule jugeant que : « les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux même la loi » et d’ajouter que « le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants ».

Cette conception aboutit à ce que Dominique Rousseau nomme la « représentation-fusion », principe « tragique » de la démocratie « en ce qu’il est à la fois celui qui peut la permettre et celui qui peut l’étouffer » (p. 38). Le fondement de ce principe repose alors sur le mandat représentatif et la répartition inégalitaire des pouvoirs entre l’électeur et le représentant, ce dernier étant habilité à gouverner là où le premier n’a plus qu’à se taire en attendant les prochaines élections.

Cette fusion entre la volonté de l’électeur et celle du représentant s’incarnerait alors dans le concept de Nation, se substituant à la révolution au concept de « peuple physique » et qui a perduré jusqu’à aujourd’hui pour légitimer ce régime représentatif qui n’a rien de démocratique, les lumières – Montesquieu et Rousseau en premier – convenant de ce moindre mal. Ainsi, Dominique Rousseau définit le « formidable prodige de la théorie de la Nation qui permet de nier que la représentation soit une dépossession du pouvoir des représentés en affirmant qu’ils sont présents dans le corps des représentants et donc que leur volonté s’exprime et s’accomplit par cette bouche » (p. 46).

Pourtant, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoyait bien en son article 11 le droit pour tout citoyen de parler, écrire et imprimer librement. De même, l’auteur fait référence au projet de Constitution défendu par Condorcet en 1793 qui prévoyait un droit de réclamer ainsi que la création d’un jury national chargé de contrôler la représentation et que certains députés renommeront « Conseil constitutionnel ».

Ces premières expériences vont finalement prendre toute leur ampleur avec la création en 1958 de ce Conseil constitutionnel « imaginé » durant la période révolutionnaire et par la décision de 1971 qui intégra notamment la Déclaration des droits de 1789 parmi les normes de référence du contrôle des lois établies par la représentation.

Une démocratie inachevée

Grand défenseur du Conseil constitutionnel, Dominique Rousseau concevait déjà en 2012 dans son ouvrage « Le Consulat Sarkozy » (Odile Jacob, février 2012, 190 pages) la question prioritaire de constitutionnalité comme étant une « divine surprise », instrument concrétisant enfin ce « moyen légal de réclamer » imaginé dans le projet de Constitution « girondins » de 1793.

Ainsi, l’introduction du contrôle des constitutionnalité des lois en France en 1958 ajouté à la possibilité ouverte à tout justiciable par la révision constitutionnelle de 2008 de contester la constitutionnalité d’une loi portant atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, constitue l’un des moyens privilégié d’avancer vers cette « démocratie continue » que Dominique Rousseau appelle de ses vœux.

CC

En ce sens, il reprend à son compte la phrase de Simone de Beauvoir en jugeant qu’« on ne nait pas citoyen, on le devient par l’agir constitutionnel » (p. 62). Aussi, cette mise en œuvre par le Droit des droits constitutionnellement garantis (par la déclaration de 1789, par le préambule de la Constitution de 1946, par la charte de l’environnement de 2004) permet pour l’auteur de donner vie non seulement au peuple corps politique mais aussi au peuple des individus démocratiques.

Cette conception de la garantie des droits par le juge n’est alors pas sans rappeler la théorie du « garantisme juridique » portée par le pénaliste italien Luigi Ferrajoli qui jugeait indissoluble les droits fondamentaux (garanties primaires) de leurs mécanismes de protection (garanties secondaires). Ainsi Dominique Rousseau considère le contentieux constitutionnel comme un moyen de donner vie à la Constitution et aux droits qu’elle garantit et au-delà d’elle à la démocratie.

En ce sens, il conteste la thèse de Marcel Gauchet qui considère l’excès de droits et libertés comme une menace pour la démocratie, ayant cette formule selon laquelle « ce ne sont plus les délires du pouvoir que nous avons à craindre, ce sont les ravages de l’impouvoir ». Ce positionnement relève néanmoins pour l’auteur de ce qu’il appelle la « posture du grenier » – qu’il définit dans son entretien  à Mediapart du 15 avril 2015 comme la tentation que l’on a de rester au grenier avec ses vieilles choses plutôt que d’aller dans le jardin pour rencontrer les autres – en ce qu’il semblerait hermétique à la modernité. Aussi, la démocratie continue impliquerait comme le dit Claude Lefort un « droit à avoir des droits ».

Ainsi, la garantie des droits apparaît comme étant l’objet même de la démocratie, celle-ci restant néanmoins par nature inachevée, le propre de la démocratie étant « de laisser la question des droits toujours ouverte puisque sa logique est de ne reconnaître aucun pouvoir, aucune autorité dont la légitimité ne puisse être discutée » (p. 81).

Cette constatation en amène alors à une autre qui est que « le vote ne produit pas, ne garantit pas la qualité démocratique d’une institution » (p. 101).En effet, outre l’instrumentalisation possible du mode de scrutin pour conforter des majorités relatives (à l’image de ce que fut la loi électorale sur les apparentements adoptée sous la IVème République et qui permettait l’octroi à une coalition de partis réunissant 50 % des suffrages de l’intégralité des sièges à pourvoir dans un département), il est devenu nécessaire pour l’auteur d’établir un « droit des élections ».

Ce droit électoral vise ainsi à garantir que la volonté de l’électeur exprimé par la voie du suffrage ne soit pas détournée par des partis peu soucieux des droits de l’homme dans leurs pratiques électorales, comme le dénonçait Chirin Ebadi, avocate iranienne et prix Nobel de la paix en 2003. Mais pour que se réalise cette démocratie continue, l’auteur considère que la parole des citoyens ne doit pas se borner aux seuls cycles électoraux, il juge ainsi que « l’espace public doit être en mesure de peser, y compris en dehors des moments électoraux, sur l’espace politique pour lui imposer son “agenda”, pour le contraindre à répondre aux questions sur lesquelles il s’est mobilisé et si possible dans le sens des propositions qu’il a formulées » (p. 114).

Ce constat des insuffisances de la démocratie représentative, Dominique Rousseau l’étend finalement à « l’espace monde », reprenant finalement d’une certaine manière « la prophétie du village planétaire » émise dès 1967 par Marshall Mcluhan. Ainsi, les solutions de l’auteur pour la réalisation de cette démocratie continue semblent allait dans le sens de l’association de l’ensemble des composantes du peuple.Planète

 

 

 

Les solutions : refonder la démocratie afin de la rendre plus authentique

Démocratie associative

Le terme de démocratie associative n’est pas de Dominique Rousseau et n’apparaît même à aucun moment dans son ouvrage. Pourtant, c’est bien là l’idée qui est sous-jacente dans ses propositions pour refonder la démocratie afin de la rendre plus authentique. La démocratie associative repose sur l’œuvre d’Arendt Lijphart, néerlandais d’origine formé à l’école américaine de la diversité. La démocratie associative, appelée aussi « consociation » repose sur l’opposition au modèle de « Westminster » fondé sur la concentration du pouvoir aux mains d’un seul parti politique investit par une majorité relative d’électeurs (résultant du mode de scrutin à un tour).

Stéphane Pierre-Caps dans son ouvrage « La Multination » publié en 1995 (Odile Jacob, 337 pages) distinguait ainsi quatre critères caractérisant la démocratie associative :

  • le gouvernement de grande coalition,
  • le véto minoritaire visant à protéger la minorité de la majorité,
  • la proportionnelle intégrale pour les élections,
  • le haut niveau d’autonomie des minorités pour gérer leurs propres affaires.

Conçue pour les sociétés pluriethniques à l’image de l’Afrique du Sud, la consociation est également compatible avec l’hétérogénéité de classes, ce que Dominique Rousseau prône pour sa démocratie continue. Ainsi, en rejetant le référendum qui constitue pour lui un acte  d’acclamation d’une majorité à l’intention d’un leader, l’auteur milite pour la mise en œuvre de la proportionnelle intégrale pour les assemblées politiques et pour la création d’une « troisième chambre » délibérative représentant les groupes sociaux. En procédant ainsi, il serait donc question de donner aux « forces vives » du pays une assemblée dans laquelle leurs intérêts puissent être défendus, le constat étant tiré que l’Assemblée nationale dans laquelle se répandent les intérêts électoraux et politiques n’assure pas cette fonction.

Cette chambre doit selon l’auteur reposer sur trois principes :

  • la reconnaissance d’un pouvoir délibératif afin de parer au corporatisme d’une chambre purement consultative (tel que l’est le Conseil économique, social et environnemental),
  • l’adoption d’une procédure délibérative transversale,
  • le choix d’un mode d’élection qui tienne compte des grands secteurs d’activité.

À cette institution nouvelle, Dominique Rousseau entend alors ajouter un système de mobilisation de la société civile en préconisant la mise en œuvre de conventions de citoyens tirés au sort et chargés de missions spécifiques. Ce dispositif n’est alors pas sans rappeler les Conseils Citoyens envisagés par la municipalité écologiste de Grenoble et initiés par le conseil municipal du 23 mars 2015.

Ces propositions pour refonder la démocratie et rendre l’ensemble des citoyens « actifs » en dehors des seules échéances électorales ne manquent alors pas de séduire par leur modernisme mais invite à approfondir leur rôle, leur composition et leur fonctionnement pour en concevoir pleinement les attributions.

C’est donc finalement plus sur la question de l’organisation institutionnelle que Dominique Rousseau va apporter les solutions les plus concrètes pour « radicaliser la démocratie ».

Démocratie authentique

« L’État de droit paraît à première vue relever d’une conception plus authentique de la démocratie, en excluant toute confusion entre celle-ci et le système représentatif » écrivait Jacques Chevallier dans son ouvrage consacré à l’État de droit (Montchrestien, 2010, 158 p.). Cette position sur laquelle il reste quelque peu interrogatif aux vues notamment des thèses de Jean Marie Denquin ne laisse à l’inverse aucun doute dans l’esprit de Dominique Rousseau.

Ainsi, l’État de droit, notion issue du droit constitutionnel allemand – Rechtsstaat – repose sur la garantie du respect par l’État du Droit qui le fonde, voir qui le constitue – rappelons que pour Hans Kelsen, l’État n’est qu’un ensemble de normes – ce qui se manifeste en particulier par l’assujettissement de la loi établie par les représentants du souverain à la Constitution établie directement par le souverain (qui n’est autre que le Peuple dans un régime démocratique). Cette conception fut traduite dans la fameuse décision rendue par le Conseil constitutionnel le 23 août 1985 portant sur la loi relative à la Nouvelle-Calédonie (n° 85-197 DC) dans laquelle le Conseil a considéré que « la loi votée, n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».

Cette conception, Jean-Marie Denquin la condamne violemment en se demandant si « un système dans lequel un juge non élu et irresponsable décide arbitrairement à la place des représentants du peuple, peut être qualifié de démocratique » (Que veut-on dire par « démocratie » ? L’essence de la démocratie et la justice constitutionnelle, JusPoliticum, 2009/n ° 2). Dominique Rousseau en revanche la valide pleinement mais revendique pour la rendre pleinement efficiente un certain nombre de réformes afin de la rendre plus performante encore.

Ainsi, contre les critiques visant la « République des juges », il répond en se référant à Paul Ricoeur qui disait que « l’arrière-plan de tout procès et de toute procédure est la violence et donc l’horizon de tout acte de juger est de se présenter comme une alternative à la violence » et d’ajouter que « la justice est le code d’accès à la démocratie continue car elle est l’institution qui lui apporte la mesure » (p. 162). Naturellement, pour valider cette conception de la justice comme instance majeure de la démocratie continue, l’auteur convient qu’il faut dorénavant s’écarter du postulat selon lequel n’est démocratique que ce qui est issu du suffrage universel auquel semble s’attacher Jean Marie Denquin. En effet, Dominique Rousseau ne juge pas souhaitable l’élection des juges qui « ne garantit pas a priori l’établissement d’une justice neutre et impartiale » (p. 179).

En revanche, il lui semble nécessaire d’extraire la justice du gouvernement comme il l’avait déjà évoqué en juin 2014 dans un entretien donné à la gazette du Palais (Pourquoi il faut supprimer le Conseil d’État et le ministère de la Justice par la même occasion, 9 juin 2014). Ainsi, il envisage la suppression du ministère de la Justice et le remplacement de celui-ci par un ministère de la loi ayant pour rôle la vérification a priori des projets de loi afin de parer à toute inconventionalité ou inconstitutionnalité. En contrepartie, le Conseil d’État qui assure à la fois le rôle d’organe directeur du contentieux administratif et le rôle de conseiller du gouvernement devrait être supprimé, ses attributions juridictionnelles devant être transmises à l’ordre judiciaire.

CSMQuant aux anciennes attributions du ministère de la Justice (gestion de la magistrature, impulsion de la politique pénale…), elles relèveraient désormais d’une nouvelle instance indépendante : le Conseil supérieur de la justice conçu en lieu et place du Conseil de la magistrature. Ce Conseil serait alors composé à la fois de personnalités qualifiées désignées par le Parlement à la majorité des 3/5 et de magistrats élus par leurs pairs. Ses missions seraient de nommer les magistrats, d’élaborer chaque année le budget de la justice, de définir la politique de formation des magistrats et enfin d’exercer le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats. Aux côtés de cette institution serait alors consacré un Procureur général de la République désigné à la majorité des 3/5 du Parlement qui aurait pour rôle de conduire la politique pénale et de diriger la police judiciaire.

Dernière option pour la refondation de la justice et son intégration comme pièce maîtresse de la démocratie continue, la consécration du principe de l’échevinage afin d’associer autant que possible les citoyens à son exercice.

À ces innovations institutionnelles s’ajouteraient alors un certain nombre de propositions de rénovation institutionnelle :

  1. La modification de l’organisation du Conseil constitutionnel en en faisant soit une Cour suprême au-dessus des juges ordinaires, soit une juridiction constitutionnelle à part entière pouvant être saisie directement. Dans tous les cas, il conviendrait d’en modifier la composition en exigeant une compétence juridique de ses membres et une validation systématique des nominations par la majorité des 3/5 des membres du Parlement. Cette proposition a été ainsi en partie entendue par certains sénateurs qui déposèrent le 21 octobre 2014 une proposition de loi constitutionnelle portant la composition du Conseil constitutionnel à 12 membres tous validés par le Parlement et devant justifier d’une compétence juridique reconnue. Dernière innovation concernant cette institution : l’ouverture de la possibilité pour les membres du Conseil d’émettre des opinions séparées afin de contraindre leurs collègues majoritaires à justifier au mieux leur position.
  2. L’instauration d’un système primo-ministériel dans lequel le premier ministre ne peut être qu’issue d’une coalition à l’Assemblée nationale dorénavant exclusivement constituée par la voie de la représentation proportionnelle. Pour parer au risque d’instabilité, Dominique Rousseau préconise alors un « contrat de législature» – formule inspirée des réflexions de Pierre Mendes France – impliquant l’engagement de la majorité sur un programme et une dissolution automatique en cas de rupture du contrat. En outre, le Conseil des ministres serait dorénavant présidé par le premier ministre à Matignon sans que cela remette en cause
    l’élection du président de la République au suffrage universel direct.
  3. La mise en œuvre d’une interdiction totale du cumul des mandats (quantitativement – un mandat à la fois – et temporellement – 3 mandats à la suite au maximum) ajouté à une réglementation ferme des conflits d’intérêts afin d’optimiser le temps des élus sur leurs fonctions. Cette réglementation reposerait sur 4 règles : la règle de la généralité étendant cette réglementation à l’ensemble des agents publics, la règle de l’externalisation impliquant la création d’une autorité constitutionnelle indépendante chargée de la prévention des conflits d’intérêts, la règle de la publication résultant du droit de la société à demander des comptes et la règle de la sanction visant à permettre la mise en œuvre de sanctions adaptées en cas de manquement.

Ce dispositif se complète alors par la création d’un statut constitutionnel de lanceur d’alerte afin de valoriser le contrôle citoyen.

Ecuador

 Ces propositions traduisent dans l’ensemble un certain modernisme constitutionnel qui n’est pas sans rappeler les expérimentations réalisées par les gauches latino-américaines à l’image de la Constitution équatorienne du 20 octobre 2008 qui plaçait le pouvoir judiciaire sous l’autorité d’un Conseil de la justice investi par un Conseil de Participation Citoyenne et de Contrôle Social lui-même composé de membres proposés par les organisations sociales et les citoyens et désignés par la voie du concours public. À côté du Conseil de la justice sont désignés dans les mêmes conditions un procureur général de l’État chargé de la conduite de la politique pénale et un contrôleur général de l’État chargé de contrôler le fonctionnement de l’ensemble des institutions de l’État.

 Ces dispositifs ne sont alors que deux exemples parmi tant d’autres, les gauches latino-américaines ayant expérimenté de la même manière la planification et les budgets participatifs, le vote programmatique, le référendum révocatoire, le recours d’habeas data, le droit de pétition… Toutes ces innovations constitutionnelles ne poursuivent alors qu’un seul but : radicaliser la démocratie afin de faire en sorte que la démocratie continue

Zérah Brémond

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *