21/09/2014 : Sarkozy, Delahousse, JT, et équité des temps de parole : le CSA saisi

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Avant même l’interview de Nicolas Sarkozy ce soir au JT de France 2, et ce sera encore plus le cas à partir de cette nuit et de demain, certaines voix s’élèvent contre le traitement de faveur réservé à l’ancien président de la République : une émission spéciale de 40 minutes au 20h… alors que tant de candidats et d’hommes politiques doivent se contenter de quelques minutes, et ne peuvent prétendre à davantage…

Un temps de parole immense, une situation totalement inédite ! Une tribune inestimable pour opérer son retour et prétendre à une reconquête politique.

Pour certains responsables politiques, cette situation n’est pas équitable… ce qui est aussi une question de droit électoral, puisque ces responsables ont décidé de saisir le CSA (ce serait le cas d’Yves Jégo, qui l’a annoncé sur Twitter cet après-midi).

En effet, la France a une singularité : au-delà de la stricte période de la campagne électorale officielle, elle réglemente la prise de parole politique dans le débat public audiovisuel. Il existe une obligation de pluralisme interne qui s’impose à l’audiovisuel, c’est-à-dire que les chaînes de télévision et de radio doivent respecter un équilibre quantitatif des temps de parole entre les différentes sensibilités politiques dans leurs programmes, déterminé et sanctionné par le CSA (article 13 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986).

Concrètement, les principaux éditeurs désignés par le CSA doivent déclarer les temps de parole donnés à telle ou telle personnalité politique en transmettant des relevés, chaque mois en dehors des périodes électorales, et davantage pendant les périodes électorales. Le CSA procède ensuite à des vérifications aléatoires et demande des corrections, en utilisant si besoin toute la palette de ses pouvoirs, selon des règles qui varient en dehors des périodes électorales et pendant les périodes électorales.

En dehors des périodes électorales, ce qui est le cas en l’espèce, le temps de parole est divisé entre les interventions (1) des personnalités appartenant à la majorité parlementaire, (2) des personnalités appartenant à l’opposition, (3) et enfin des personnalités relevant de formations parlementaires n’appartenant ni à la majorité ni à l’opposition et de formations politiques non représentées au Parlement. Selon le CSA, l’opposition dispose d’au moins la moitié du temps d’intervention du bloc majorité, et les autres partis d’« un temps d’intervention équitable au regard des éléments de représentativité des formations politiques auxquelles elles se rattachent, notamment le nombre d’élus et les résultats des consultations électorales » (CSA, Délibération du 21 juillet 2009 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision).

Quel sera, au regard de ces règles, le statut juridique de l’intervention de Nicolas Sarkozy ? Le CSA acceptera-t-il cette situation, considérant le caractère exceptionnel de la situation, ou estimera-t-il ce traitement inéquitable au regard des autres formations politiques ? Peu probable qu’il y ait vraiment quelque chose à y redire, mais sont-on jamais…

On suivra avec attention la prise de position du CSA, laquelle s’inscrira dans la problématique de la transformation des règles de temps de parole aujourd’hui, que l’on avait pu aborder précédemment lors d’un beau colloque organisé à l’IDPSP de l’université Rennes 1 sur la parole en droit public, par O. Desaulnay, et dont les actes devraient paraître l’année prochaine.
 
 
A suivre, donc !
 
 
 
Romain Rambaud

 

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