10/04/2013 : L’affaire des sondages de Matignon : Commande publique de sondages et transparence l’exemple du droit grec.

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La transparence est à la mode en ce moment, et en matière de sondages, c’est un problème que l’on connaît depuis longtemps, en général, et en particulier concernant les rapports entre le monde des sondages et le monde du pouvoir. On parlait déjà ici, il y a peu, de la perquisition ayant eu lieu chez Patrick Buisson. Il semblerait que l’affaire puisse s’étendre à François Fillon. Doit-on, alors, généraliser encore davantage la transparence ?

 

L’affaire des sondages de Matignon ?

Le Parisien révèle aujourd’hui qu’une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Paris depuis octobre sur les conditions dans lesquelles ont été commandés des sondages par Matignon, quand François Fillon était premier ministre.

Cette enquête est liée à l’activisme de l’association Anticor, s’appuyant sur un rapport critique de la Cour des comptes de 2011, laquelle avait été déjà à l’origine des actions liées à l’affaire des sondages de l’Elysée. Matignon est soupçonné d’avoir recouru abusivement à des instituts de sondage et de conseils en communication sans respecter les règles des marchés publics. François Fillon nie en bloc.

 

La transparence et la commande publique de sondages, l’exemple du droit grec.

Dans le prolongement des débats sur la transparence du patrimoine des membres du gouvernement, la question se pose de savoir s’il faut prévoir aujourd’hui une transparence particulière en matière de sondages. Et comme le colloque du 19 avril de la Commission ne permettra pas de tout dire sur le droit comparé des sondages, loin s’en faut, qu’il soit permis de faire ici du droit comparé.

Car il existe un système juridique, il est vrai assez méfiant avec les sondages, qui a pris à bras le corps ce problème. Ce système juridique, c’est le système grec.

En effet, la loi grecque n° 3603 du  8 Août 2007 Réglementation des questions concernant les sondages, prévoit, un certain nombre d’obligations de transparence pour les entreprises de sondages, que l’on pourraient même considérer comme excessives : inscription obligatoire à un registre spécifique (article 5 de la loi) ou obligation de déclarer la composition actionnariale de l’institut (article 6§1 de la loi). Mais surtout, la loi grecque prévoit un système de transparence applicable au secteur public et à la commande publique.

En effet, l’article 6§2 de la loi grecque prévoit trois dispositifs : une transparence totale de la commande publique de sondages grâce à internet, l’édiction de récapitulatifs réguliers par les administrations, et enfin le contrôle du Parlement.

1) Ainsi, l’article 6§2 a) de la loi prévoit que « Les organismes publics ou du secteur public élargi, tel qu’il est défini à un moment donné, sont tenus de faire figurer sur leur site internet les entreprises de sondages, le sujet du sondage, toute autre enquête, mesure, autre service ou projet attribués à des organismes ou à des entreprises de sondages ainsi que le montant de leurs honoraires, dans le respect des dispositions de la loi n° 2472/1997 telle qu’elle est en vigueur ». 

Les administrations ne peuvent donc commander des sondages que dans une totale transparence, tant sur le contenu des sondages que sur leur montant. De quoi rendre impossible l’affaire des sondages de l’Elysée et peut-être la future affaire des sondages de Matignon.

2) Par ailleurs, l’article 6§2 b) de la loi prévoit qu’ « À la fin de chaque trimestre, les organismes publics ou du secteur public élargi, tel qu’il est défini à un moment donné, sont tenus d’adresser les états récapitulatifs du trimestre précédent au Secrétariat général de communication – Secrétariat général d’information (S.G.C-S.G.I.) ; ces états sont publiés sur le site du Secrétariat, dans le respect de la loi n° 2472/1997, tel qu’elle est en vigueur. » 

Cette disposition permet donc l’exercice d’un double contrôle.  D’une part, elle permet un contrôle par le gouvernement sur les organismes publics. D’autre part, elle permet un contrôle du citoyen puisque les états récapitulatifs sont publiés sur le site du Secrétariat. On retrouve ici l’exigence de transparence.

3) Enfin,  l’article 6§2 c) de la loi prévoit qu’ « à la fin de chaque année, le Secrétariat général de communication – Secrétariat général d’information (S.G.C-S.G.I.) adresse les états susmentionnés à la commission permanente des institutions et de la transparence du Parlement ». 

En somme, le Parlement peut contrôler l’achat de sondages réalisé par les organismes d’Etat, y compris de l’exécutif. De quoi rendre aussi au Parlement sa fonction de contrôle, et ne pas s’en remettre exclusivement à la justice, qui, malgré son expertise, risquerait d’intervenir trop tard.

 

La transparence de la commande publique de sondages, une nouvelle piste de réforme

A l’heure de l’exigence généralisée de transparence, la transparence de la commande publique de sondages est une question qui peut se poser. En effet, les hommes politiques ne peuvent plus se passer de sondages, et les faits le démontrent… même pour ceux qui, comme François Hollande, pensaient qu’ils pourraient s’en passer. Et les citoyens ont le droit de le savoir.

Alors, une exigence accrue de transparence en la matière pourrait se concevoir… une nouvelle piste de réforme à explorer en matière de droit des sondages !

 

Romain Rambaud

 

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