21/11/2012 : Ouverture d’une enquête préliminaire dans le cadre de l’affaire des sondages de l’Elysée et victoire de la motion « Droite Forte » de Guillaume Peltier : quand les sondeurs prennent le pouvoir à l’UMP…

Deux évènements, a priori sans rapport l’un avec l’autre, ont eu lieu hier.

Le premier est l’ouverture d’une enquête préliminaire dans le cadre de l’affaire des sondages de l’Elysée : selon une source judiciaire du Monde, une enquête préliminaire vient d’être ouverte par la justice française sur les sondages commandés par la présidence de la République de 2007 à 2012 pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, suite à la plainte déposée début octobre par l’association anticorruption Anticor. L’Affaire des sondages de l’Elysée suit son cours : sur ce point, on pourra renvoyer à l’article écrit sur ce blog sur cette question.

Le second est l’annonce, passée plutôt inaperçue suite au psychodrame concernant l’élection du chef de l’UMP, de la victoire de la motion Droite forte à l’UMP dirigée par Guillaume Peltier.

Selon Le Monde, La Droite forte, mouvement qui soutenait Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP, est arrivée largement en tête avec 28 % du vote des adhérents du parti. La Droite sociale du filloniste Laurent Wauquiez fait 21,7 %, les Humanistes de Jean-Pierre Raffarin 18 %, et les Gaullistes 12,3 %.Quant à la la Boîte à idées, motion « antidivisions », elle n’a réalisé que 9,2 % des voix et n’est donc pas reconnue en tant que courant interne au parti, malgré les soutiens d’Alain Juppé et d’Edouard Balladur. Il faut en effet faire un score de 10 % pour cela.

Enfin, la droite populaire, emmenée par l’ex-ministre Thierry Mariani et représentant l’aile droite du parti, dont on a beaucoup parlé l’année dernière et dont les positions sont proches de celles du FN, ne fait que 10 %, mais c’est en réalité à cause de la concurrence de la Droite forte, dont les thèses ne sont pas moins droitisantes : son nom est un clin d’œil à « La France forte », le slogan de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, ses propositions étaient marquées à droite (interdiction du droit de grève pour les enseignants, faire du 1er mai « une grande fête de la droite » au Trocadéro, création d’une « Charte républicaine des musulmans de France », imposer un quota de journalistes de droite dans les médias) et elle était soutenue par Brice Hortefeux et Jean Sarkozy.

 

Ces deux évènements, pourtant, ont un point commun : dans les deux cas, ils démontrent de quelle manière les sondeurs ont tendance à prendre le pouvoir à l’UMP.

En effet, Patrick Buisson, âme noire de Nicolas Sarkozy, était lui-même un grand consommateur de sondages, voire un sondeur lui-même : sa lecture personnelle des résultats des enquêtes d’opinion ne fut d’ailleurs pas sans rapport avec le choix des thèmes de campagne et la stratégie suivie.

Quant à la droite forte, elle est dirigée par Guillaume Peltier, qui était le porte-parole adjoint de sa campagne, et Geoffroy Didier, le coordinateur de sa cellule Riposte. Or Guillaume Peltier était notamment, dans le cadre de la précédente campagne de Nicolas Sarkozy, le grand spécialiste des études d’opinion et des sondages, tout comme…  Patrick Buisson, un de ses mentors paraît-il.

Outre qu’ils soient tous les deux sondeurs et conseillers de Nicolas Sarkozy, il existe un autre point commun entre ces deux personnages : ils sont très à droite. Alors que le premier a fait sa carrière dans la presse de droite, d’abord à Minute (1981-1987)  puis au Le Crapouillot, puis au sein du plus modéré Valeurs actuelles , le second a d’abord été dans les rangs des jeunesses frontistes, puis au MNR de Bruno Mégret puis au côté de Philippe de Villiers, avant de rejoindre l’UMP.

Deux sondeurs, deux conseillers politiques, deux personnes très à droite : avec un résultat pas si mauvais que cela pour Nicolas Sarkozy et une victoire finale à l’arraché pour Jean-François Copé à la tête de l’UMP. Les sondeurs prennent le pouvoir à l’UMP, et glissent le parti vers la droite, car tel est leur pari : comme le démontrent notamment les nouvelles méthodes de recueil des données – internet – les gens sont de plus en plus à droite. Et ça marche.

D’ailleurs, un sondage avait été publié le 28 septembre par Le Figaro, réalisé par Opinionway auprès des adhérents de l’UMP qui montrait déjà une avance de la motion de la Droite forte : selon ce sondage, la motion «la Droite forte- Génération Sarkozy» conduite par Guillaume Peltier était la plus populaire auprès des sympathisants UMP selon un sondage Atlantico/Opinion Way. Elle arrivait en tête avec 42% des intentions de vote, devant celle de Jean-Pierre Raffarin et Luc Chatel (21%), celle de Laurent Wauquiez (18%), de Michèle Alliot-Marie (8%), de Thierry Mariani (5%) et de Matthieu Schlesinger (1%). Selon Bruno Jeanbart, ce score s’expliquait par la référence à Nicolas Sarkozy et par un électorat assez marqué à droite.

Par ailleurs, on se rappelle ici du sondage sur le racisme anti-blanc et l’analyse qu’on avait pu en faire…On peut aussi se rappeler de l’analyse des sondages relatifs à l’Europe et qui démontrait une méfiance grandissante envers la construction de l’Union européenne.

Les sondages démontrent donc un glissement vers la droite de la population française : sur ce point, les analyses des sondages vont dans le sens de la montée du populisme décrite par Dominique Reynier dans son excellent ouvrage Populisme : la pente fatale.

 

Alors, comment analyser la prise de pouvoir des sondeurs à l’UMP ?

Tout d’abord, elle démontre à elle seule la montée en puissance de l’analyse de l’opinion publique dans ce parti : fondamentale partout, mais particulièrement présente à l’UMP. Pour le meilleur ou pour le pire ? En effet, la prise de pouvoir des sondeurs n’est pas pour rien dans l’explication de la montée en puissance de la droite du parti, avec succès d’ailleurs, comme l’a montré la victoire de Jean-François Copé. Jusqu’où ?

C’est la question qui ne manquera pas d’être discutée. En somme, l’analyse constante de l’opinion publique conduit-elle à trop de populisme ? Evidemment, tirer cette conclusion est tentant : les hommes politiques ont toujours tendance à se préoccuper de l’impact de leurs décisions dans l’opinion. Toutefois, tirer cette conclusion est trop facile : le propre du politique, en tout cas de l’homme d’Etat, est aussi d’avoir du courage. Et le courage politique existe indépendamment des sondages.

 

A bon entendeur salut, à un moment où le pouvoir renonce au droit de vote des étrangers aux élections locales et devient fébrile sur le mariage pour tous… Il ne fait pas toujours bon pour un politique de suivre l’opinion, comme l’avait démontré un ancien Président de la République … à propos de la peine de mort. De qui s’agissait-il, déjà ?

 

Romain Rambaud