29/09/2012 : Sondage sur le racisme anti-blanc, info ou intox ?

Un sondage inatendu réalisé par TNS-Sofres pour I-télé a été diffusé le 28 septembre. Ce sondage était consacré au racisme anti-blanc, dans le contexte des déclarations récentes de Jean-François Copé dans le cadre de la campagne pour la présidence de l’UMP. Selon ses résultats, 56 % des français seraient d’accord avec les propos de Jean-François Copé, contre seulement 27 % qui ne seraient pas d’accord. 51% des personnes interrogées considéreraient qu’il fallait effectivement parler de l’existence de ce racisme anti-blanc, contre 29 % qui pensent le contraire car cela pourrait attiser les tensions entre les français.

Ces résultats ont bien sûr été repris très largement dans la presse généraliste et ont déclenché une polémique dont on voit bien la nature.

Des résultats assez inquiétants et plutôt surprenants. Faut-il se réjouir de l’expression d’une opinion qui serait majoritaire mais tabouisée, ou s’inquiéter de résultats déformés sur un problème fictif qui ne feraient qu’alimenter le feu de l’inquiétude et de la haine dans la société ? Faut-il se réjouir d’un sondage qui permet l’expression de l’opinion publique dans une optique démocratique, ou s’inquiéter que l’on fasse des sondages sur n’importe quoi, y compris au risque de nourrir le populisme ?

Il serait contradictoire de considérer que ce sondage, par ce qu’il exprime, serait mauvais alors que d’autres sondages, portant sur d’autre type de problèmes, seraient bons. Toutefois, on peut légitimement se demander si un tel sondage est compatible avec une tradition démocratique qui refuse les analyses communautaristes ? Les sondeurs ont-ils le droit de s’affranchir des règles qui régissent les statisticiens ?

En tous cas, on peut légitimement s’interroger sur la manière dont est réalisé ce sondage, dont la notice n’est pas publiée sur le site de I-télé,  contrairement à certaines évolutions positives que l’on constate chez certains journaux de la presse écrite.

En revanche, en fouillant, on trouve la notice de ce sondage sur le site de TNS-Sofres. Certaines questions se posent à l’analyse de la notice technique de ce sondage et on aurait aimé avoir l’avis de la Commission des sondages sur la méthodologie suivie.

En premier lieu, ce sondage a été réalisé sur internet, ce qui peut conduire à un certain nombre de biais. Pour éviter ces biais, les échantillons ont été redressés, selon la notice technique, selon le vote au premier tour de l’élection présidentielle, comme lors de la réalisation d’un sondage politique. Les résultats sont par ailleurs ventilés en fonction des catégories professionnelles, de la préférence partisane et des souvenirs de vote aux différents tours de l’élection présidentielle.

Le redressement des échantillons par souvenir de vote, pertinent dans le cadre de sondages d’intention de vote, est-il adapté à un sondage qui ne mesure pas une intention de vote mais une opinion  sur une question qui, sans doute, traverse les clivages politiques et ne présente pas de caractère d’automaticité avec les appartenances partisanes ? Ce redressement ne risque-t-il pas d’introduire des biais, notamment en sur-représentant, eu égard aux scores de Marine Le Pen, les français qui seraient d’accord avec Jean-François Copé ? Un débat technique pourrait s’ouvrir sur ce point.

En second lieu, la question posée n’explique-t-elle pas en partie les résultats obtenus et ne faut-il pas voir les résultats affichés par la presse – et l’attachement intempestif au « racisme anti-blanc » – comme une déformation des résultats ?

On peut en juger : la question réelle n’était pas « existe-il selon vous un racisme antiblancs ? » , ou « approuvez-vous les déclarations de Jean-François Copé sur l’existence d’un racisme antiblanc ? », mais elle était beaucoup plus longue et complexe :

« Jean-François Copé écrit dans son livre à paraître, qu’«Un »racisme anti-Blancs »se développe dans les quartiers de nos villes où des individus-dont certains ont la nationalité française – méprisent des Français qualifiés de »gaulois », au prétexte qu’ils n’ont pas la même religion, la même couleur de peau ou les mêmes origines qu’eux ». Êtes-vous tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout avec cette affirmation ? » Cette formulation n’a-t-elle pas pour effet de noyer un peu le poisson et d’expliquer partiellement des résultats aussi élevés ?

Il aurait été positif d’avoir un débat technique et/ou une appréciation technique sur ces éléments, mais comme on le sait ce n’est pas le cas en raison de l’absence de contrôle d’un sondage qui n’a aucun lien avec une élection régie par le code électoral. Ce sondage a donc échappé, comme tant d’autres, au droit des sondages, à défaut d’un fondement suffisant pour contrôler un outil relevant de la liberté d’expression.

Il serait alors bon, sans doute, d’avoir d’autres sondages de ce type réalisés par d’autres instituts et selon des formulations différentes pour comparer les résultats. Peut-être seraient-ils différents ?

Mais peut-être, aussi, qu’ils seraient équivalents. Après tout, peut-être ces résultats sont-ils vraiment les bons ?Ce serait alors un élément  inquiétant de plus dans la crise actuelle et le constat de la montée des populismes en Europe.

 

Faut-il s’en étonner ?

 

Romain Rambaud