Chers lecteurs, nous avons le plaisir d’accueillir pour la première fois sur le blog du droit électoral un nouvel auteur-e, Ségolène Clément, étudiante du M2 Droit public des affaires des collectivités territoriales de l’Université Grenoble-Alpes et future avocate, très impliquée dans les débats autour du Center Parcs de Roybon. Elle nous livre son analyse sur la promesse de « référendum » de François Hollande autour du projet de Notre-Dame-des-Landes. Bonne lecture !
François Hollande l’a annoncé le 11 février dernier : un référendum pour ou contre la construction de l’aéroport du Grand-Ouest devrait se tenir d’ici le mois d’octobre 2016, date prévue pour le commencement des travaux.
L’acte 2 de la décentralisation a créé le référendum local lequel constitue, il est vrai, un progrès notable en matière de démocratie locale. Il permet d’ouvrir à référendum, c’est à dire, au libre choix des administrés, une problématique locale. L’article 72-1 alinéa 2 de la Constitution précise que « les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ». Cependant, les conditions nécessaires à l’ouverture de ce référendum sont tellement strictes qu’elles minimisent largement la portée des miettes de démocratie octroyées aux administrés locaux.
A y regarder de plus près, il n’est donc pas tenu pour acquis que ce référendum puisse effectivement se tenir concernant le projet de futur aéroport. Question de droit !
Des conditions temporelles tout d’abord : le référendum ne peut avoir lieu dans les 6 mois qui précèdent le renouvellement de l’assemblée délibérante initiatrice du référendum, dans un délai d’un an suivant une consultation portant sur le même objet et encore, pendant toute campagne électorale quelle que soit sa nature. De ce point de vue, donc, il ne semble pas y avoir d’obstacle : le timing laisse une marge suffisante puisque le démarrage de la campagne présidentielle n’interviendra qu’en avril 2017.
Le véritable problème vient, dans un second temps, des conditions de fond posées par la loi organique du 1er août 2003. L’article LO 1112-1 CGCT dispose que « l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale peut soumettre à référendum local tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de cette collectivité ». Or dans le cas de Notre-Dame-des-Landes une première difficulté vient de la nature de l’assemblée territoriale : laquelle est compétente pour organiser ce scrutin ? La région Pays de la Loire ? La région Bretagne ? Les deux ?
Il faut rappeler, en outre, que l’utilité supposée de cet aéroport va bien au delà des besoins nantais stricto sensu et que les habitants du grand ouest sont évidemment concernés par le service aéroportuaire en question ; en témoigne d’ailleurs la diversité des membres du Syndicat mixte aéroporturaire du Grand-Ouest, lequel compte pas moins de 22 membres : collectivités locales et établissements mixtes de coopération intercommunales. L’utilité potentielle est donc géographiquement très étendue et transcende les frontières du département de Loire-Atlantique ou encore de la région Pays-de-la-Loire. Cette large zone de chalandise doit être mise en perspective avec l’aire affectée par les nuisances sonores, les destructions de zones humides, d’espèces protégées et bien-sûr, de terres arables : les intérêts par zone divergent et ne se recoupent pas. Dès lors, la question du périmètre du référendum est cruciale et pourrait bien être insoluble.
De plus, toujours suivant cet article LO 1112-2, le projet de délibération doit tendre à régler une affaire de la compétence de la collectivité initiatrice du référendum : là aussi, le bât blesse ! En effet, le gouvernement a approuvé par décret1 la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir, ainsi que le cahier des charges annexé à la convention. Ce décret confie donc la concession d’aménagement de l’aéroport au groupement Vinci. Par conséquent, le contrat se situe entre l’Etat et Vinci, faisant de la concession un projet à compétence étatique. Dans le même ordre d’idée, la déclaration d’utilité publique, préalable à l’expropriation des terrains a fait l’objet d’un décret2 de la part de l’Etat et non de l’exécutif d’une collectivité territoriale.
Enfin, condition sine qua non, et pas des moindres, le projet de référendum, si tant est qu’il ait lieu, doit recueillir les voix de la moitié au moins des électeurs inscrits. Avec un taux de participation aux dernière élections régionales avoisinant péniblement les 43 % en région Pays-de-la-Loire, cette dernière condition semble constituer un barrage difficilement surmontable.
Le rapport Richard3 remis le 3 juin 2015 à la ministre Ségolène Royal a pointé ces difficultés et tenté d’y porter remède. Les solutions qui se profilent pourraient-elle permettre de contourner ces difficultés ? Rien n’est moins certain. D’un côté, le projet d’ordonnance sur la démocratisation du dialogue environnemental4, dans sa version 22 janvier 2016, contient en germe des propositions qui seraient susceptibles de contourner, du moins partiellement, l’impossibilité juridique actuelle. Mais en y regardant de plus près, la mesure phare, « procédure de consultation des électeurs sur des projets relevant de la compétence de l’Etat » ne remplit pas complètement les espoirs suscités par son intitulé. Son article Article L. 123-28 dispose en effet que « les électeurs d’une aire territoriale déterminée peuvent être consultés sur la ou les décisions que l’Etat envisage de prendre sur une demande relevant de sa compétence. Sont exclus les projets d’intérêt national ». Ainsi il est donc clairement indiqué qu’il ne s’agirait au mieux que d’une consultation, afin de prendre l’avis des électeurs sur un projet et, non d’un référendum. De plus, il n’est pas certain que cette disposition puisse s’appliquer au cas Notre-Dame-des-Landes : le projet, si tant est qu’il relève de la catégorie des « projets d’intérêt national »5 serait dès lors exclu de la consultation.
En conclusion, ce nouveau casse-tête juridique dont François Hollande semble avoir le secret, ne pourrait être qu’un effet d’annonce, accompagnant le verdissement du remaniement ministériel et l’arrivée décriée de transfuges d’EELV : la politique a ses raisons que la raison (et le juriste) n’a pas !
Ségolène Clément