Nous reproduisons ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’AJDA, le texte de notre tribune paraissant cette semaine à l’AJDA... Comme nous, le Parlement attend maintenant les conclusions de la mission Debré, comme nous l’indiquions hier… Dans le même sens que la tribune ci-dessous, vous pourrez trouver une tribune publiée le 12 novembre 2020 sur Le Monde intitulée « La France resterait-elle une grande démocratie si elle était incapable d’adapter son système électoral à la pandémie ? »
Avons-nous appris de l’expérience chaotique des élections municipales de 2020 ? Si la soudaineté et la violence de la crise de la Covid-19 du printemps dernier exigeait de faire preuve de mansuétude vis-à-vis des pouvoirs publics, il n’en irait pas de même si un tel psychodrame devait se reproduire pour les élections départementales et régionales. Entre-temps, nous avons eu le temps de réfléchir, d’observer la façon dont les autres pays du monde organisent leur réponse, et d’anticiper. Il paraitrait inenvisageable de devoir se désoler du constat selon lequel on n’aurait, entre-temps, nullement progressé.
La première question est celle de savoir quand ces élections, prévues en mars 2021, doivent être organisées. Une première leçon semble avoir été retenue : celle de la nécessité d’anticiper et d’obtenir en amont, le plus possible, un consensus politique se traduisant par une loi. De ce point de vue, la mise en place de la mission confiée à Jean-Louis Debré a tout son sens. Pour décider s’il faut reporter ces élections et quand, il faudra déterminer s’il est envisageable de tenir les opérations électorales mais aussi de faire campagne. La recherche de consensus devra se faire en examinant la jurisprudence constitutionnelle sur le sujet : si un report de quelques mois ne devrait poser aucune difficulté tant au regard du principe de périodicité du suffrage qu’à celui de la recherche d’un motif d’intérêt général, un report fixé au-delà de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2022 serait beaucoup plus complexe à justifier. D’une part, d’une durée d’au moins un an et demi, il poserait problème au regard de la périodicité du suffrage. D’autre part, la cohérence du raisonnement du législateur consistant à considérer qu’on ne pourrait pas, pour des raisons sanitaires, organiser les élections départementales et régionales mais qu’on pourrait organiser une élection présidentielle et des élections législatives serait sujette à caution, sauf à considérer que le législateur pourrait reporter ces élections locales en raison de l’encombrement du calendrier électoral qu’il aurait lui-même organisé. En la matière, et le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel relatives aux élections municipales y fait référence en s’inspirant des standards électoraux internationaux (Cons. const., n° 2020-849 QPC, 17 juin 2020), il faut se garder de l’accusation de manipulation. Si le Conseil constitutionnel n’a jamais censuré une telle loi, cela pourrait arriver.
Mais la question du « quand » ne peut pas et ne doit pas faire l’économie de la question du « comment ». Non seulement il serait difficile de se satisfaire d’élections « dégradées » sur le plan démocratique, mais la question du report n’aurait guère de sens s’il s’agissait de courir après l’épidémie en espérant organiser des élections au moment où celle-ci déciderait d’une accalmie. Reporter les élections locales aurait bien davantage de sens si l’on proposait en même temps une adaptation de notre droit électoral à la pandémie comme dans beaucoup d’autres pays (Allemagne, Suisse, Corée du Sud, Pologne, Etats-Unis, Australie, etc.), c’est-dire une adaptation tant du droit des campagnes électorales (audiovisuel, réseaux sociaux, propagande officielle, etc.) que des modalités de vote (vote anticipé, vote par correspondance, etc.). Ceci permettrait également de bénéficier, à l’occasion de ces élections, d’un test grandeur nature, y compris quant aux risques de fraudes, avant que n’intervienne l’obstacle le plus terrifiant dans cette perspective : l’élection présidentielle.
Pour soutenir ce projet, deux pétitions en ligne ont été déposées par l’auteur de ces lignes, sur le site de l’Assemblée Nationale (initiative i-104) et du Sénat (initiative i-476). Ceux qui le souhaitent peuvent les soutenir. Si nous ne faisons rien, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Et cette fois, cela serait inexcusable.
Romain Rambaud