« Ces primaires, c’est Rome saccageant Carthage »
Paul Begala
« Crossroads of America» l’Indiana n’aura jamais aussi bien porté sa devise. Depuis son scrutin ce début mai la campagne conservatrice se trouve à son carrefour[1].
Avec 1053 voix de délégués nationaux pour TRUMP, dont les 51 obtenue sur un total de 57 lors du scrutin du 3 mai; une tendance se confirme.
Avec Reince PRIEBUS, appelant à marcher en bon ordre «derrière le nominé présumé» ; une candidature préfigure.
Avec la suspension de la campagne de Ted CRUZ candidat de «l’Amérique éternelle de Reagan»; la droite Etasunienne semble avoir fait son choix : TRUMP.
Pour l’heure, il reste encore 425 délégués nationaux (soit 19%) à attribuer dans 9 Etats et territoires américains et 4 mois d’attente avant le début de la RNC-Republican National Convention de Cleveland, la partie politique n’a plus que 2 joueurs déclarés à sa table : le leader insaisissable TRUMP (1013 délégué) et le figurant centriste John KASICH (gouverneur de l’Ohio avec 154 délégués).
TRUMP relance de manière idéale le sprint final vers le nombre d’or de 1237 délégués ; majorité absolue permettant d’être investi au premier tour de la RNC.
Après le temps descriptif de l’article du 2 mai, il est nécessaire de ce se focaliser sur les stratégies à la disposition du candidat TRUMP et du GOP pour imposer une investiture
Quelles sont les hypothèses ? [2]
3 hypothèses étaient/sont possibles pour TRUMP
H1 : fort de victoires dans des Etats comme la Californie, New Jersey, l’Indiana; TRUMP gagne la majorité requise des 1237 délégués.
Résultat : TRUMP sera investi à la CNR. : Hypothèse la plus probable depuis le 3 mai
H2 : fort d’une dynamique favorable, TRUMP effleure la majorité et peut conclure favorablement en négociant avec les délégués non engagés (unbound) entre le 7 Juin et le début de la Convention Nationale Républicaine à la mi- Juillet
Résultats : TRUMP sera investi à la RNC. Hypothèse hautement possible le 3 mai
H3 : TRUMP ne parvient pas à entrer à la RNC avec une majorité
- Résultats : la primaire sera « contestée» et TRUMP devra miser sur une victoire au premier tour de scrutin. Hypothèse improbable depuis le 3 mai
Si à ce jour H3 reste encore souhaitée par les analystes politiques c’est surtout par sa dimension historique. En effet, une projection Etat par Etat suggère une inclinaison vers H1 ou H2 spécialement depuis les résultats de l’Indiana.
L’approche prévisionnelle avec H2 : hypothèse la plus probable après H1
Dernièrement, le 26 avril le Connecticut, le Delaware, le Maryland, la Pennsylvanie et le Rhode Island se sont exprimés et 163 délégués ont été alloués.
En Pennsylvanie sur 71 délégués ; 17 d’entre eux sont revenus directement au candidat arrivé en tête à l’échelle de l’Etat fédéré et 54 autres élus ont été choisis à l’échelle des 18 circonscriptions du Congrès (3 délégués chacune) sans aucun mandat impératif. Durant cette élection TRUMP a remporté les 5 Etats et a considéré que : « c’est fini. C ne peuvent pas gagner. »[3]
En mai, seulement cinq primaires se disputeront pour près de 200 délégués. Quatre de ces primaires sont prévisibles tant par leur sociologie politique que par leur mode d’allocation. Toutefois la Virginie-Occidentale, l’Oregon et Washington devraient être remportés par TRUMP. Ce dernier gagnerait ainsi 63 délégués durant ces quatre primaires. A cela s’ajoute le Nebraska, bastion conservateur qui devait être une place acquise pour CRUZ.
En Indiana il fut attribué 30 de ses 57 délégués au vainqueur à l’échelle de l’État, tandis que le vainqueur de chacun de ses 9 districts du Congrès à reçu 3 délégués. La projection envisagée par les analystes était alors de 12 ou 45 délégués en faveur de TRUMP. La réalité du scrutin aura minimisé ces prévisions. En effet, avec D. TRUMP avec 53% aura gagné l’ensemble des 57 délégués[4]. Une terrible défaite pour le conservateur CRUZ.
Début juin, 303 délégués seront alloués à travers 5 primaires. Quatre d’entre elles sont assez aisées à projeter avec des scrutins à la proportionnelle et des effets de seuil qui peuvent défavoriser KASICHE. Dès lors TRUMP aurait près de 1120 délégués.
La variable majeure reste la Californie avec ses 172 délégués. Dans cet Etat, seulement 13 délégués sont attribués au gagnant de l’État; 3 délégués iront au vainqueur de chacun des 53 circonscriptions du Congrès. La marge de victoire ainsi que la répartition géographique des votes auront donc une influence majeure en l’espèce. Fort de ces hypothèses, il doit se détacher du Golden State avec un minimum de 109 délégués (13 à l’échelle de l’État, plus 96 de 32 districts du Congrès). Chiffre bas puisque les statistiques étaient projetées avec la candidature CRUZ maintenue…
En définitive, TRUMP pourrait s’appuyer sur un minimum de 1129 délégués. Un chiffre laissant entrouvrir des tractations afin d’obtenir la dizaine ou la dizaine de délégués manquants pour obtenir la majorité absolue et garantir son investiture à la RNC.
- Prévisions détaillées favorable à H3 : Quid d’une convention ouverte ?
Face au risque imaginé en H2, les candidats CRUZ et KASICH espèrent une convention contestée (H3). Pour ce faire, ils ont entamé une stratégie de « répartition-abstention » Etat par Etat. Concrètement les deux candidats focaliseront leurs campagnes dans les Etats où ils sont le plus susceptible de faire perdre des délégués à TRUMP. Le modéré gouverneur de l’Ohio aura « la voie libre » dans l’Oregon (17 mai) et le Nouveau-Mexique (17 juin), qui lui sont favorables, tandis que le sénateur conservateur du Texas pourra concentrer sa campagne sur l’Indiana, Etat en winner take all (3 mai). Une union en ordre dispersé qui arrive tardivement[5] dans la saison des primaires et qui n’a pas semblé décisive dans les résultats de fin avril.
Si leur stratégie fonctionne, si D.TRUMP n’arrive pas à rassembler la majorité de 1237 délégués à la RNC, la Convention Nationale sera alors «contestée » (« contested convention ») autrement dit en vocable GOP « ouverte » (« open convention »). Les primaires américaines ont connu à 6 reprises cette situation notamment en 1860 avec LINCOLN, en 1952 avec EISENHOWER[6] ou encore en 1968 avec NIXON.
- La fidélité des délégués nationaux : un enjeu majeur dans une convention ouverte
Avec les règles de la RNC de 2016, 95% des délégués nationaux sont assujettis à une obligation de fidélité envers un candidat (sorte de mandat « impératif »). Ces délégués devront donc se conformer à cette obligation au premier tour de la CNR.
Cependant, si aucun candidat n’arrive à la majorité absolue au premier tour, les mandats « impératifs » tomberont progressivement. Ainsi, dès le second tour 61% des délégués seront libérés puis près de 82% au 3ème tour. Ces libérations successives, réglementées par chaque Etat fédéré, permettront aux délégués liés à TRUMP de changer leur choix en faveur de tout autre candidat dès le second tour.
Au grès de « round », les règles d’investiture tendent à faire émerger une candidature de consensus[7] (des « effets de seuil » marginaliseront progressivement les candidats affaiblis).
Dans cette configuration, les candidats à l’investiture devront s’assurer du soutien des délégués libérés. C’est pourquoi les équipes de CRUZ s’activent à convaincre de futurs alliés aujourd’hui engagés en faveur de D.TRUMP. Car si CRUZ a suspendu sa campagne il ne l’arrête pas pour autant et conserve les 493 délégués nationaux acquis jusqu’à présent pour la Convention Nationale.
Une question légitime demeure : pourquoi les Délégués Nationaux engagés pour TRUMP au 1er tour changeraient-ils leur choix au tour suivant ?
- Argument mineur : des promesses politiques peuvent venir infléchir leur vote.
- Argument majeur : si 7% des délégués sont membres de droit (les 3 membres du Comité républicain de chaque Etat et territoire),
16% des délégués seulement sont choisis par les candidats[8], le reste, soit 77%, sont choisis principalement par élection lors de réunions publiques dont la majorité se tiennent en avril[9] et mai[10](c’est le cas généralement dans les caucus). Cela peut paraître surprenant mais cette sélection n’est pas organisée en même temps que les caucus ou primaires[11]! Certes lors des caucus ou des primaires dites « de préférence » (preference primary) il est possible de connaître le nombre de délégués pour chaque candidat à l’investiture (« l’allocation des DN ») mais pas l’identité et les convictions profondes de l’ensemble des délégués (le choix des DN). Bien entendu, cette organisation déphasée reste un choix des Etats fédérés. Dans ce processus de « pre-nomination maneuvering »[12] le choix des délégués devient donc primordial.
Exemple : certains comités républicains d’Etats fédérés sont des bastions pour des candidats et exercent une influence notable sur les désignations de candidats comme c’est le cas dans l’Utah, en Caroline du Sud ou encore dans le Tennessee. Dans ce dernier Etat, il revient au comité exécutif local du GOP de confirmer une liste de délégués. Dès lors, des délégués anti-TRUMP pourraient théoriquement être sélectionnés avec un engagement à voter TRUMP uniquement lors du premier tour du scrutin.
- Argument juridique: cette obligation de fidélité n’est pas exécutoire. Ils peuvent donc s’en impartir. (cf : ci-dessous « Un contentieux électoral éventuel ? »). Une nouvelle règle a été adoptée lors de la RNC de 2012. Cette dernière doit empêcher l’attitude de certains délégués (qualifiés de délégués « voyous » « delegate thug»), de voter pour un autre candidat alors que les règles leurs imposaient une fidélité. Mais aucune sanction n’est prévue. Un exemple éloquent de cette infidélité s’est produit en 1976 lorsqu’une portion des délégués liés de Gerald FORD l’ont abandonné au profit de Ronald REAGAN.
Ce dernier argument doit toutefois être relativisé par le poids d’une « culture de fidélité » au sein du GOP.
- Les règles de la RNC : des changements anti-TRUMP possibles.
La règle des 8 Etats « eight state rule »[13] autrement nommée « rule 40 », impose au candidat, en plus d’obtenir la majorité à la convention, de remporter plus de 50% des délégués dans au moins 8 Etats fédérés afin d’être élu. Introduite par les alliés de M.ROMNEY afin d’affaiblir les prétentions du libertarien R. PAUL lors des primaires de 2012, cette modification considérée comme accessoire peut avoir un effet majeur sur la recevabilité des candidatures à la RNC. En effet, encore récemment, seul D. TRUMP était admissible à gagner l’investiture républicaine … et personne d’autre.
Formellement CRUZ n’a pas encore atteint le seuil de 8 Etats – souvent il fut gagnant à la majorité relative – mais un faisceau d’indice porte à croire que ce dernier attendra le seuil réglementaire. A ce stade seul le retard de KASICHE est irrattrapable.
Dans ces conditions, il est aisé de comprendre que l’état-major de CRUZ ne souhaite pas forcément une modification statutaire. En effet, la boite de Pandore pourrait être ouverte à son désavantage. CRUZ préférerait un face à face avec D. TRUMP plutôt que d’être confronté à d’autres candidatures.
Dans ces conditions 3 hypothèses ; H3.A-H3.B et H3.C:
- 3.A : le seuil n’est franchi que par TRUMP:
TRUMP sera élu – Ce n’est plus envisageable depuis le 15 mars 2016
- 3.B: le seuil est franchi par CRUZ et TRUMP:
TRUMP ou CRUZ sera élu (Cf H3 ; dans le cadre d’une « open convention »).
- 3.C: les règles d’investiture du GOP sont modifiées avant la RNC (suppression de la « règle 40 », libération « anticipée» des délégués nationaux…)
- 3. C bis : Si des modifications statutaires le permettent, de nouveaux candidats pourraient émerger.
- 3.C: changement statutaire avant la RNC
Si « H.3.C » est juridiquement envisageable elle reste un véritable pari politique.
De nombreux cadres du « rule committee of RNC » sont prêts à limiter ou abolir la règle 40 ou toutes autres règles favorables à D. TRUMP[14]. A ce titre, le directeur de la communication du comité des régles Sean SPICER précisait que les règles de la convention ne sont que temporaires : « I think there is a lot of conversation about 40b, »(…). « If you keep going down the list, you get to 42, which says all the rules in this convention or for this convention are temporary. »[15]
Toutefois, modifier les règles d’investiture à ce stade serait considéré comme un choix partisan du GOP et de son establishment dans le processus des primaires. Au-delà de fausser la libre concurrence, cela pourrait inciter les électeurs de la présidentielle à se détourner du GOP, en renforçant le sentiment anti-élite, voir à faire naitre des trouble civils tels qu’il y en eut lors de la convention démocrate en 1968[16].
Le Comité RNC de janvier en Caroline du Sud était la dernière possibilité de modifier impartialement les règles qui régissent le processus de nomination à la RNC. En effet, à cette date, les prévisions étaient encore trop incertaines pour déceler une stratégie d’éviction délibérée.
Toutefois des modifications substantielles peuvent intervenir avec la suppression de la « rule 40 » ou encore, et cela reste plausible, une modification des mandats « impératifs » des candidats liés. Une libération anticipée serait donc possible dès le premier tour de la Convention[17] à condition que de telles modifications soient acceptées majoritairement[18].
- Choix d’un autre candidat que TRUP, CRUZ ou KASICHE à la Convention ? L’hypothèse « H3C. bis » en question.
Après une impasse, la majorité des Délégués Nationaux pourrait être prête à nommer un autre candidat. Ce scénario d’un candidat « tiers » à la Convention, absent depuis plusieurs décennie au GOP, reste possible dès lors où les modifications statutaires seraient apportées. Cette « brokered convention » permettrait de faire émerger un nouveau présidentiable au-delà de CRUZ et TRUMP. Si cela concerne KASICHE il est également possible d’imaginer la désignation d’un candidat qui a suspendu sa campagne, l’a stoppée ou qui n’était simplement pas encore en lice aux primaires. RUBIO ou RYAN sont les alternatives les plus commentées à ce jour.
- Marco RUBIO
Lors du troisième « Big Thursday » le sénateur Marco RUBIO n’a pas pu faire face à la dynamique de TRUMP. Une défaite conséquente pour les modérés. C’est donc sur ses terres de Floride, à domicile, que le sénateur avait presque « abandonné » la course à l’investiture républicaine. En effet, RUBIO[19] n’a pas totalement stoppé la course ; il l’a « suspended » plutôt que « drop out » (Comme CRUZ). La nuance est d’importance car RUBIO conserve ses 171 délégués Nationaux pour la Convention (soit 7% du total) et des avantages spécifiques (speech à la Convention, campagne de levées de fonds…). Il faut toutefois préciser que, parmi ses 171 délégués, 20%[20] ne lui doivent aucune fidélité (Minnesota, Oklahoma, Louisiane).
Paul RYAN
Le 16 mars l’ancien Président de la Chambre John BOENER a déclaré que dans le cas d’une convention ouverte, la candidature de Paul RYAN, actuel Speaker de la Chambre, ancien colistier de M. ROMNEY, serait une candidature de consensus. Ce dernier l’a toutefois exclue le 12 avril.
- Un contentieux électoral éventuel ?
TRUMP avait mis en garde de futures procédures judiciaires à l’encontre du GOP. Mais cela relève davantage de l’élément de langage que de la raison juridique. En effet, aux Etats-Unis « les partis ont une large marge de manœuvre pour choisir leurs candidats » rappelle Heather GERKER, professeur à la YALE law School. Si l’action des juridictions est visible en matière de discrimination, les tribunaux restent réticents à interférer dans le jeu très politique des règles internes aux partis. La Cour Suprême des Etats-Unis a jugé dans sa décision Cousins C/ Wigoda[21] de 1975 que les partis politiques, associations de droit privé, sont protégés par le premier amendement de la Constitution. En qualité d’organisation bénévole, les partis fixent eux-mêmes leurs propres règles et l’ingérence fédérale n’est qu’incrémentale[22]. Prévues par des règlements internes et non par des lois, ces normes organisationnelles n’ont pas de caractère exécutoire. Dès lors, les «delegate thug », ces délégués liés n’ayant pas honoré leur obligation de fidélité ne pourraient faire l’objet de sanction juridique. Aucun précédent condamnant un de ces délégués ne semble exister en droit électoral américain[23].
Voilà qui s’approche du droit sans sanction dont parlait abondamment le Doyen Carbonnier.
- H4 Des candidatures INDEPENDANTES:
A l’issue de la CNR une crise de légitimité reste possible. Dès lors, pour TRUMP comme pour certains cadres républicains, une campagne sans investiture GOP pourrait être la dernière alternative.
Malgrè les déclarations post-Indiana où les cadres du GOP semblaient modifier leurs critique anti-trump dans une critique anti-HILLARY, deux hypothèses :
- H4 A : Candidature indépendante du parti républicain contre TRUMP
- H4 B : Candidature en indépendant de TRUMP contre le candidat GOP
H4 A – Candidature indépendante contre le candidat TRUMP
Obligé de d’infléchir sa campagne sur les thématiques de B. SANDER, H. CLINTON a durci ses propositions. Cette orientation crée mécaniquement un vide au centre. TRUMP, pour sa part, semble renouer avec une partie des orientations originelles du Parti Républicain à savoir protectionnisme et isolationnisme. Ce double mouvement provoque un véritable remaniement des lignes partisanes.
En conséquence, pour certains cadres républicains, la course pourrait être favorable à un conservateur libre-marché. Une telle candidature pourrait obtenir un soutien à des niveaux élevés du GOP. Ainsi ROMNEY s’est déclaré susceptible de voter pour un 3ème candidat en cas de confrontation TRUMP / CLINTON. Parmi les recrues en discussion il y a notamment Tom COBURN, ancien sénateur de l’Oklahoma, Rick PERRY ancien gouverneur du Texas ou encore J.B ANDERSON de l’Illinois. RUBIO et RYAN, considérés comme des alternatives d’importance, ne devraient pas être infidèles à la ligne officielle que donnera la CNR en juillet.
Bénéficiant d’un positionnement atypique, l’ancien Maire de New York M. BLOOMBERG a certes envisagé l’idée mais pour l’abandonner début mars.[24]Trois arguments majeurs viennent justifier cette prise de distance légitime avec une candidature en indépendant contre TRUMP et HILLARY.
Le premier est un argument politiste. La « Loi de Duverger » affirmant que le scrutin majoritaire uninominal à un tour tend à favoriser un système biparti semble se vérifie empiriquement dans la nomination présidentielle Etasunienne. Ainsi aucune candidature en indépendant n’a dépassé 1% au cours des deux dernières élections[25].
Le second est d’ordre organisationnel. L’accès au scrutin est règlementé à travers la législation de chaque Etat fédéré. Le calendrier des candidatures doit donc être respecté afin que le candidat puisse apparaitre sur les bulletins de vote dans l’ensemble des Etats et territoires. Pour pallier cette problématique la candidature pourrait se faire à travers une formation partisane existante. Ainsi. Nicolas SARWARK, président de l’organe exécutif de Parti Libertarien (Libertarian Party) soulignait que sa structure pourrait accueillir une telle candidature à condition que le candidat en question soit de forte envergure[26].
Enfin, le troisième est d’ordre stratégique. M. BLOOMBERG, via la tribune « The Risk I Will Not Take”[27] s’inquiétait du parasitage d’une telle candidature indépendante. Contre intuitivement cette dernière pourrait être favorable à TRUMP. En effet dès lors ou le candidat indépendant n’atteindrait pas la majorité du collège électoral nécessaire pour remporter la Présidence, cette candidature disperserait les voix entre les 3 candidats (démocrate, indépendant, républicain). Dès lors, « In a three-way race, it’s unlikely any candidate would win a majority of electoral votes, and then the power to choose the president would be taken out of the hands of the American people and thrown to Congress.”[28].
Effectivement, le 12e amendement à la Constitution dispose que les candidats à la présidence et vice-présidence doivent recevoir la majorité des voix électorales (actuellement 270 sur un total de 538) pour être élu. Si aucun candidat ne recueille la majorité, le président est élu par la Chambre des représentants, et le vice-président est élu par le Sénat. Il est alors question de « contingent election »[29].
Dans cette hypothèse, il reviendrait à la Chambre des représentants à majorité républicaine (233 républicains pour 435 sièges) de s’exprimer. Loyaliste pour leur plus grande partie, les membres du GOP à la Chambre confirmeraient TRUMP.
Cette situation rarissime serait ainsi la 3ème de l’histoire présidentielle des Etats Unis car ce qu’écrivait TOQUEVILLE en 1835 est toujours d’actualité en 2016 « La Chambre des représentants n’a encore usé que deux fois du droit exceptionnel dont elle est revêtue en cas de partage. La première, en 1801, lors de l’élection de M. JEFFERSON; et la seconde, en 1825, quand M. Quincy ADAMS a été nommé. » [30]
- H4 B -Candidature en indépendant de TRUMP
Chaque candidat à l’investiture républicaine signe un engagement à soutenir le vainqueur désigné lors de la RNC. Un usage dans les primaires. Toutefois, lors des premiers débats télévisés d’août 2015, D. TRUMP avait refusé d’écarter l’hypothèse d’une candidature indépendante, potentiellement dangereuse pour le Parti Républicain[31]. Depuis, D. TRUMP cultive les ambiguïtés. Ainsi, en septembre il affirmait “I see no circumstances under which I would tear up that pledge.”[32] avant d’assurer devant Chris Wallace de FOX News qu’il voulait certes “to run as a Republican,” mais qu’il attendait d’apprécier le comportement du comité des règles de la RNC à son égard : “We’re going to have to see how I was treated”.
Mais ses velléités d’indépendance semblent être compromises. En effet, deux arguments corroborent cette impossibilité :
En premier lieu, les « sore loser laws »[33] (loi des mauvais perdants) interdiraient au candidat TRUMP d’être éligible dans au moins 17 Etats avec une candidature indépendante, soit 35 % de l’ensemble des votes à l’élection présidentielle.
La difficulté s’accentue au regard des Etats concernés[34]. En effet, l’Alabama, la Virginie-Occidentale, la Géorgie, ou encore l’Arizona sont des terres électorales qui auraient été amplement favorables à D. TRUMP. Là encore un contentieux ne s’ouvrirait que sur une fin de non-recevoir des juridictions. Le précédant du Gary JONHSON devant les juridictions américaines fut à ce titre éloquent[35].
En second lieu, une telle candidature serait encore plus hasardeuse compte tenu du dépassement de limite de scrutin dans certains Etats. Ainsi TRUMP a dépassé la date limite pour monter une offre indépendante. Par exemple Kerry FRESQUEZ , directeur des élections de l’Etat, a déclaré que la date limite pour se qualifier au scrutin du Nouveau Mexique de novembre comme indépendant a expiré. En effet, D. TRUMP n’ayant pas demandé l’accès à ce scrutin, il ne peut se présenter comme indépendant dans cet Etat.
Avec l’impossibilité d’accéder à l’ensemble du collègue électoral des Etats–Unis, TRUMP aurait les plus grandes difficultés à remporter une majorité de grands électeurs suffisante pour remporter la course présidentielle. De toute évidence les équipes de TRUMP disposent de ces informations. Dès lors, une telle candidature apparaît davantage comme un moyen de pression que comme une possibilité réaliste de porter une candidature présidentielle.
Face à de telles potentialités, le politiste s’impatiente, le juriste savoure la complexité et l’historien ne manque pas de convoquer la maxime tocquevillienne ; « En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés ».
Pierre-Maxime Sarron
Bibliographie-webographie :
- Call of the 2016 Republican National Convention, 30 novembre 2015 Republican National Committee
- K-. J. COLEMAN, “The Presidential Nominating Process and the National Party Conventions, 2016”, Congressional Research Service, December 2015
https://www.fas.org/sgp/crs/misc/R42533.pdf
- “Your Guide to the Republican National Convention”- vidéo tutorielle de la CNR
https://www.gop.com/convention-facts/
- US Supreme Court, Cousins v. Wigoda 419 U.S. 477 (1975)
https://supreme.justia.com/cases/federal/us/419/477/
- 2016 Presidential Elections Calendar
http://www.foxnews.com/politics/elections/2016/presidential-elections-events-calendar
- Delegates Leaderboard- Republican
http://www.foxnews.com/politics/elections/2016/presidential-primary-caucus-results
- Infographie des primaires républicaines, Libération, 2016
http://www.liberation.fr/apps/2016/01/primaires-americaines/
- Presidential Election USA 2016
http://www.thegreenpapers.com/
- Blog de Josh Putnam, du Department de science politique de l’Université de Georgia.
http://frontloading.blogspot.fr/
- Everything you need to know about delegate math in the presidential primary, By John Sides February 16
- Unbound Delegates Could Hold Key to Stopping Trump at Convention, By Toby Harnden, March 08, 2016
- Sabato’s Crystal Ball- University of Virginia
http://www.centerforpolitics.org/crystalball/
- Political science professor forecasts Trump as general election winner BY CHRISTOPHER CAMERON / FEBRUARY 23, 2016
- Why is the presidential nominating system such a mess? By Elaine C. Kamarck, janvier 2016
- Everything you need to know about delegate math in the presidential primary, John Sides is an Associate Professor of Political Science at George Washington University, 16 février 2016
- Boehner backs Paul Ryan for president, By Patrick Temple-West and Jake Sherman, 03/16/16
http://www.politico.com/story/2016/03/boehner-endorses-paul-ryan-for-president-220855
- Pour comparer les programmes des candidats :
http://presidential-candidates.insidegov.com/
- Crystal Ball research; CQ PressGuide to U.S. Elections, 6th edition; CQ Weekly; Dave Leip’s Atlas of U.S. Presidential Elections; FrontloadingHQ; The Green Papers; Anthony J. Bennett, The Race for the White House from Reagan to Clinton
- League of Women Voters.Choosing the President: A Citizen’s Guide to the Electoral Process. New York: Lyons & Burford, 1992.
- MCCLENAGHAN, W. A.Magruder’s American Government. Needham, MA: Prentice Hall School Group, 1997.
- VIOLA, H. J.Why We Remember United States History. Menlo Park, CA: Addison-Wesley, 1998.
- E C ; KAMARCK « Primary Politics Everything You Need to Know about How America Nominates Its Presidential Candidates”, Brookings Institution Press, 2015, 240 p.
- Congressional Quarterly’s Guide to U.S. Elections, ed. John L. Moore, Jon P. Preimesberger, David R. Tarr, Fourth ed., vol. I (Washington, D.C.: CQ Press, 2001), p. 511.
- The Presidential Nominating Process and the National Party Conventions, 2016: Frequently Asked Questions Kevin J. Coleman Analyst in Elections December 30, 2015
http://www.crs.gov/
[1] “Tonight is a turning point,” soulignait CRUZ à Milwaukee.
[2] William A. GALSTON “Three possible outcomes for the Republican presidential nomination”, 22/04/2016
http://www.brookings.edu/blogs/fixgov/posts/2016/04/21-how-trump-gets-to-the-nomination-galston,
[3] Primaires américaines : Donald Trump réalise le grand chelem, 27/04/2016
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/04/27/primaires-americaines-les-resultats-du-mardi-26-avril_4909234_3222.html#g1z4kTKFM8h8vL34.99
[4] Ted CRUZ (37% – 0) 3. John KASICH (8% – 0)
[5] Les différences idéologiques entre les deux candidats ont joué un rôle de retardateur en matière de coalition « anti-TRUMP ».
[6] 3 tours auront été nécessaires pour départager Adlai STEVENSON et le général Dwight D. EISENHOWER
Côté démocrate, la convention de 1924 a été à ce titre historique avec 103 votes et 17 jours pour nommer John W. DAVIS.
[8] Les candidats gagnants soumettent leur propre liste ; dans 8 Etats dont l’Ohio et la Californie
[9] 28% de l’ensemble des délégués
[10] 28% de l’ensemble des délégués
[11] Dans le Kentucky, par exemple : les électeurs vont voter dans une primaire le 17 mai 2016, mais les délégués au Congrès National seront sélectionnés dans un processus distinct qui commence avec les caucus precinct sur 5 mars.
[12] Robert Costa and Tom Hamburger, “GOP Preparing for Contested Convention,” The Washington Post, December 14, 2015 available at https://www.washingtonpost.com/politics/gop-preparing-for-contested-convention/2015/12/10/d72574bc-9f73-11e5-8728-1af6af208198_story.html
[13] B. DOHERET, “Yes, the GOP Can Change Its Trump-Helping « Eight-State » Rule. But It Missed a Chance to Do So Without Obviously Slapping Trump in Face.”
Reason, 17 mars 2016
http://reason.com/blog/2016/03/17/yes-the-gop-can-change-its-trump-helping
[14]“ Republicans take a fresh look at their ‘eight-state rule’, 31/03/2016
http://www.msnbc.com/rachel-maddow-show/republicans-take-fresh-look-their-eight-state-rule
[15] Traduisible par « Je pense qu’il y a beaucoup de débat autour de l’article 40b « (…). » Si vous continuez la liste , vous arrivez à la règle 42, qui dispose que toutes les règles de la présente convention sont temporaires »
http://transcripts.cnn.com/TRANSCRIPTS/1604/04/nday.04.html
[16] R. SCHRIEFER telle que la convention démocrate de 1968.
[18] De plus, comme le souligne John PUTMAN, professeur à l’Université de Géorgie, « the delegates ultimately have the final say in the rules that will govern the convention » -les délégués auront le dernier mot à la convention. Avant de préciser qu’une majorité d’entre eux doit accepter ce changement de règle.
[19] A la différence de Jeb Bush ou des 8 autres candidats républicains, Marco Rubio a suspendu sa campagne. « « And so while it is not god’s plan that I be president in 2016 or maybe ever, and while today my campaign is suspended. »
[20] Rapport de Ari Melbert et Halli Jackson
[21]U.S. Supreme Court Cousins v. Wigoda, 419 U.S. 477 (1974)
https://supreme.justia.com/cases/federal/us/419/477/case.html
[22] cf analyse de l’ancien juge de la Cour suprême Antonin SCALIA
[23] Kenneth Gross, avocat en droit électoral au barreau de Skadden ; une tentative fut faite côté démocrate en 1980 avec Ted KENNEDY sans toutefois ni ouvrir un contentieux, ni ouvrir une victoire stratégique.
[24] Il bénéficie en effet d’une crédibilité « système » (issue du sérail politique) et d’une crédibilité « antisystème » (non-aligné)
- DEYSINE « Bloomberg président des Etats-Unis ? L’improbable hypothèse de la victoire d’un candidat hybride, issu de l’élite politique mais non aligné», 2/03/2016
www.atlantico.fr/decryptage/bloomberg-president-etats-unis-improbable-hypothese-victoire-candidat-hybride-issu-elite-politique-mais-non-aligne-anne-deysine-2607955.html#pdoIVLQR58sVW2Gk.99
[25] Des outsiders indépendants ont toutefois « performé» : en 2000 R. NADER obtient 2,7%, en 1992 R. PEROT obtient 8%. En 1980 B. ANDERSON obtient 6,6%.
[26] Des candidats connus nationalement tel que Gary JONHSON, ancien candidat en 2012, sont en lice pour une investiture à la Convention nationale libertarienne d’Orlando.
[27] BLOMBERG “The Risk I Will Not Take”, 7/3/2016
http://www.bloombergview.com/articles/2016-03-07/the-2016-election-risk-that-michael-bloomberg-won-t-take
[28] Ibid
[29] CRS Report for Congress, T H. NEALE, “Election of the President and Vice President by Congress: Contingent Election”, August 16/08/1999
http://electoralcollegehistory.com/electoral/crs-congress.asp
[30] Alexis de Tocqueville (1835), De la démocratie en Amérique I (première partie), chapitre « MODE DE L’ÉLECTION »
M-F GREENE« Teaching With Documents: Tally of the 1824 Electoral College Vote”, National archives,
https://www.archives.gov/education/lessons/electoral-tally/
[31] « Je n’envisage aucune circonstance qui me ferait renoncer à cet engagement »(de soutenir le candidat désigné par la convention)
- OLSON “Trump Tries the Art of Intimidation Trump Tries the Art of Intimidation”, 3 /04/2016
http://www.nationalreview.com/article/433594/donald-trump-wont-rule-out-third-party-bid
[32] ibid
[33] R. ENO, “Trump Independent Run All But Impossible, Ineligible in at Least 17 states”, 31/ O3/2016
https://www.conservativereview.com/commentary/2016/03/trump-independent-bid-all-but-impossible
MICHAEL S. KANG “Sore Loser Laws and Democratic Contestation” THE GEORGETOWN LAW JOURNAL, vol 99, 2013
http://georgetown.lawreviewnetwork.com/files/pdf/99-4/Kang.PDF
[34] Alabama , Arizona , Géorgie, Idaho , Illinois , Mississippi , Montana , Caroline du Nord, Ohio , Oregon , Pennsylvanie , Caroline du Sud , Dakota du Sud, Tennessee , Texas, et la Virginie occidentale .
[35] “Michigan: U.S. District Court Issues Decision Explaining Why Sore Loser Law Applies to Gary Johnson” , 8/11/2012