Ce mardi 5 avril 2015 a été adoptée en dernière lecture, par l’Assemblée Nationale, les propositions de loi de modernisation de l’élection présidentielle, qui feront l’objet d’un article très prochainement…. ici et à l’AJDA.
Dans l’attente, mentionnons ici l’adoption par le Conseil d’Etat d’un nouvel arrêt relatif à la Commission des sondages, en date du 4 avril 2016 (n° 393863).
Il s’agissait en l’espèce d’un sondage réalisé par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) en septembre 2015 pour le compte du collectif » L’Avenir pour tous « , collectif d’associations et de personnalités rassemblées par des valeurs communes et la lutte contre la loi Taubira, présidé par Frigide Barjot. Ce sondage était relatif aux engagements que les personnes interrogées souhaitaient voir inscrits dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle de 2017 au sujet de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il semblerait que les questions étaient un peu… orientées.
Une réclamation a été formée auprès de la Commission des sondages en application de l’article 11 du décret de 1978. Par une décision du 24 septembre 2015, la présidente de la commission des sondages a rejeté cette réclamation au motif que ce sondage n’entrait pas dans le champ de compétence de la commission. L’annulation de cette décision a été demandée au Conseil d’Etat par M. Pierre CAMELO CASSAN, qui aura permis au passage, à défaut d’avoir obtenu satisfaction sur le fond, de faire avancer la jurisprudence sur le droit des sondages.
Le Conseil d’Etat va en effet rejeter le recours. Celui-ci va rendre deux solutions de principe en se prononçant sur les deux griefs soulevés par le requérant, qui justifient sans doute le choix de publier cette décision au Lebon, et qui sont des jalons importants dans le débat qui ne manquera pas de venir dans le cadre… de la réforme de l’élection présidentielle !
D’une part, le Conseil d’Etat va considérer que le sondage en cause n’est pas un sondage électoral au sens de l’article 1er de la loi de 1977. Pour le Conseil, « eu égard à l’objet du sondage litigieux et à la circonstance que celui-ci a été réalisé et publié plus de dix-neuf mois avant l’élection présidentielle de 2017 et plus de quatorze mois avant l’organisation par des partis politiques d’élections pour la désignation de leur candidat au scrutin présidentiel, la présidente de la commission des sondages a pu, sans commettre d’erreur de droit, estimer que ce sondage ne présentait pas de rapport avec une élection présidentielle au sens des dispositions précitées et ne relevait donc pas du champ de compétence de la commission ». Il s’agit ici d’une avancée jurisprudentielle notable : en effet, la Commission des sondages considère depuis longtemps que son contrôle porte sur des sondages relatifs aux questions politiques faisant l’objet du débat électoral et composant des éléments de programme des différents partis politiques, à condition que la question posée résume bien le débat électoral (Compte rendu des travaux de la Commission des sondages 1978-1979 ; Décision de la Commission des sondages du 12 avril 2006 relative à l’aménagement d’un centre-ville). Cette jurisprudence se trouve désormais précisée puisque, sur les sondages relatifs à des questions politiques, un critère temporel est introduit pour qu’ils puissent être considérés comme des sondages électoraux : il est nécessaire qu’ils soient réalisés dans un tempo suffisamment proche de l’élection présidentielle et reliés de façon suffisamment claire à des programmes de candidats à la présidentielle. La référence aux primaires est claire dans la décision du Conseil d’Etat, alors au demeurant que les sondages d’intention de vote pour les primaires sont, eux, déjà contrôlés par la Commission des sondages !
La question se posera ici nécessairement de savoir quel est donc le tempo adéquat et sur ce point, anticipons un peu nos développements futurs à venir sur l’élection présidentielle : ce tempo devra démarrer nous semble-t-il au moins au 1er janvier de l’année considérée, c’est à dire au moment où le CSA régulera les temps de parole sur le fondement de l’équité, laquelle est fondée sur la représentativité des candidats qui elle-même dépend… des résultats des enquêtes d’opinion ! De quoi faire un lien, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, entre le contrôle du CSA et celui de la Commission des sondages.
D’autre part, d’après le Conseil d’Etat, « dès lors que ce sondage ne relevait pas de la compétence de la commission des sondages, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la présidente de la commission n’était pas compétente pour rejeter sa réclamation ». Une question intéressante était en effet soulevée par le requérant, qui estimait qu’il n’était pas possible que la présidente elle-même, et non son collège, puisse rejeter une réclamation ! Ce n’est cependant pas en ce sens que le Conseil d’Etat a tranché, rendant ainsi une solution à creuser sur les pouvoirs autonomes des présidents des autorités administratives indépendantes par rapport à leur collège.
Une jurisprudence importante, donc, qu’il faut encore une fois mettre en perspective avec le développement de la démocratie d’opinion… et qui fera l’objet d’un commentaire à l’AJDA plus fouillé.
A suivre… et à très bientôt !
Romain Rambaud