La publication du décret n° 2014-1121 du 2 octobre 2014, modifiant, à la marge, le décret n° 2014-111 du 6 février 2014 relatif à la répartition de l’aide publique aux partis et groupements politiques pour l’année 2014, vient à point pour nous permettre d’effectuer deux rappels significatifs sur la matière.
– Le premier concerne la composition de ce financement public direct (nous n’évoquerons pas le financement public indirect constitué, principalement, par la réduction d’impôt correspondant à 66% des sommes versées dans la limite de 20% du revenu imposable en application de l’article 200 du Code général des Impôts) qui, en vertu de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, devrait être composé de deux fractions égales. La première est calculée en fonction des scores obtenus aux élections à l’Assemblée nationale et la seconde en fonction du nombre de parlementaires. Or, on constate que la première s’élève en 2014 à 28 763 737 euros et la seconde à 34 335 336 euros. L’écart de 5 571 599 euros s’explique par la prise en compte des pénalités financières qui ont été appliquées, en vertu de l’article 9-1 de la loi précitée, aux partis politiques dont l’écart entre le nombre de candidats des deux sexes dépasse 2% du nombre total de ces candidats. Ces pénalités étant appliquées sur la première fraction de ce financement public et non pas sur le total, ce sont un peu plus de 5,5 millions d’euros qui resteront dans les caisses de l’Etat, et non pas 11 millions.
Le fait que ces pénalités soient doublées à compter du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, en application de l’article de l’article 60 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, incitera peut-être le Parti socialiste et surtout l’UMP (ou quel que soit le nom de ce parti à ce moment-là) à accorder l’investiture à un peu plus de candidates.
– Le second rappel concerne, quant à lui, la seconde fraction de cette aide qui a vu son régime juridique modifié par l’article 14 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
En effet, l’article 15 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a limité le bénéfice de la seconde fraction aux seuls partis et groupements éligibles à la première fraction, c’est-à-dire qui ont présenté au moins 50 candidats (et obtenu au moins 1% des suffrages exprimés depuis la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques). « Par cette modification, le législateur a souhaité mettre fin à la multiplication de partis auxquels ne se rattachait qu’un seul parlementaire » (Commentaire aux Cahiers, page 3).
Le propre d’un système libéral résidant dans le fait que tout ce qui n’est pas interdit est permis, les parlementaires qui souhaitaient bénéficier, individuellement, de l’aide publique liée à leur siège de parlementaire (42 228,35 euros par an) avaient trouvé la parade en se rattachant à un parti d’outre-mer qui n’était pas soumis à l’obligation de présenter au moins 50 candidats ayant obtenu au moins 1% des suffrages exprimés pour bénéficier de la première fraction de cette aide publique.
C’est contre ce détournement de l’esprit de la loi de 1993 que le législateur a agi en 2013 en réservant désormais la possibilité de se rattacher à un parti ultramarin aux seuls parlementaires qui ont candidaté outre-mer.
Des parlementaires métropolitains, privés de cette « liberté », ont obtenu la transmission d’une QPC (Décision n° 2014-407 QPC du 18 juillet 2014, MM. Jean-Louis M. et Jacques B., JO du 20 juillet 2014, p. 12116) sur ce sujet, mais le Conseil constitutionnel n’a pas été sensible à leurs arguments. Il a jugé que la disposition législative incriminée ne violait pas le principe d’égalité entre les membres du Parlement élus dans les circonscriptions d’outre-mer et ceux qui sont élus en métropole, ni l’exigence du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, et qu’elle ne portait pas atteinte à l’exercice indivisible de la souveraineté nationale par les représentants de la Nation.
Les candidatures dissidentes ne sont en aucune façon remises en cause mais le financement public relevant de la loi de mars 1988 ne leur est plus accessible.
Jean-Pierre Grandemange