Il n’est pas certain, c’est le moins que l’on puisse dire si l’on se fiait jusque là à l’addendum publié par le ministère de l’intérieur à la fin du mois d’avril (voir sur ce point un article du blog du droit électoral), que le meeting organisé par Jean-Luc Mélenchon à Aubin le 16 mai ait été tout à fait respectueux des règles et interdictions de l’état d’urgence sanitaire, qui restreignaient les réunions publiques en plein air à 6 personnes…
De ce point de vue, l’avocat et ami Eric Landot relevait à juste titre sur son blog une « Astuce à la mode (non sans limites juridiques) : remplacer les meetings de campagne… Par des manifestations ». Il ajoutait alors, de façon très convaincante, que pour le Gouvernement cela revenait « politiquement (…) à se tirer une balle dans le pied, la réunion publique pouvant par ce détournement être légale pour qui veut exprimer un message d’appel à une manifestation, donc plutôt pour râler, que pour ceux qui appellent à soutenir le Gouvernement. Donc en ne déconfinant pas les réunions électorales, pour des raisons sanitaires que l’on comprend bien certes, le Gouvernement donne une arme de contournement à ses opposants qu’il ne pourra pas, lui, utiliser ».
Cela a-t-il un lien avec les évolutions désormais à l’œuvre ? Sans doute. En tout état de cause, force est de constater que ça y est, les campagnes électorales se déconfinent !
Tout d’abord, les candidatures sont désormais connues et publiées sur le site du ministère de l’intérieur (sauf recours en cours). Elles sont disponibles, tant pour les départementales que pour les régionales, aux adresses suivantes : https://elections.interieur.gouv.fr/regionales-2021/index.html et https://elections.interieur.gouv.fr/departementales-2021/index.html
Ensuite, les réunions électorales se trouvent désormais autorisées ! Comme cela a été révélé par maire-info et repris par Eric Landot sur son blog, un protocole sanitaire sur l’organisation et la tenue des réunions électorales est aujourd’hui proposé par le ministère de l’intérieur ! Ce protocole organise et autorise les meetings à partir du 19 mai.
Sur le plan juridique, cette évolution prend appui sur le nouveau décret n° 2021-606 du 18 mai 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, en vertu duquel sont désormais autorisés « « 8° Les évènements accueillant du public assis, dans la limite de 1 000 personnes, organisés sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Une distance minimale d’un siège est laissée entre les sièges occupés par chaque personne ou chaque groupe jusqu’à six personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble ».
Du 19 mai au 8 juin inclus, les réunions sont possibles en espaces clos dans les établissements recevant du public de type X (Établissement sportif clos et couvert, salle omnisports, patinoire, manège, piscine couverte, transformable ou mixte ; Salle polyvalente sportive de moins de 1 200 m² ou d’une hauteur sous plafond de plus de 6,50 m), L (Salle de spectacle, y compris cirque non forain, ou de cabaret, Salle de projection, multimédia, Salle polyvalente à dominante sportive de plus de 1 200 m² ou d’une hauteur sous plafond de moins de 6,50 m), et CTS ou assimilés (établissements destinés par conception à être clos en tout ou partie et itinérants, possédant une couverture souple, à usage de cirques, de spectacles, de réunions, de bals, de banquets, de colonies de vacances, d’activités sportives, etc.). Dans ce cas, il existe une jauge de 35 % et un plafond de 800 personnes, ce qui permet beaucoup de choses, à condition d’être prêt à payer une salle de capacité importante.
En plein air, dans un établissement de type PA ou assimilé (Établissement de plein air) avec une capacité d’accueil maximale identifiée, les meeting sont possibles avec une jauge de 35 % et dans la limite de 1000 personnes. Un décret n° 2021-637 du 21 mai 2021 modifiant le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 a ajouté à cette hypothèse « simple » de l’organisation d’une réunion publique en plein air en dehors dans établissement de ce type pour les réunions de 50 personnes au plus.
Dans les deux cas, les participants doivent être assis et une distance d’1 m doit être respectée, le port du masque étant évidemment obligatoire. Pendant leurs interventions, les orateurs ne seront pas tenus de porter leur masque s’ils respectent une distance de 2 mètres. Il est possible de mettre en place des mesures supplémentaires comme des barrières en plexiglass par exemple.
Du 9 juin au 29 juin inclus, en espace clos comme en plein air, la jauge monte à 65 % et la limite à 5000 personnes, ce qui autorise de gros meeting de fin de campagne. Au delà de 1000 personnes, le pass sanitaire sera demandé à l’entrée (il n’est pas encore en vigueur, le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire étant actuellement en discussion au Sénat).
Chaque candidat devra dans ses meetings désigner un « responsable Covid » en charge de la mise en oeuvre des protocoles sanitaires, qui devra élaborer un compte-rendu des mesures sanitaires prises.
Sur le terrain aussi, la campagne des élections départementales et régionales pourrait donc enfin commencer, alors que celle-ci connait un phénomène de nationalisation prévisible important passant jusque là essentiellement par les médias.
Pour finir encore sur du droit, on remarquera qu’aujourd’hui encore l’addendum aux candidats n’a pas été mis à jour sur le site du ministère de l’intérieur, restant dans sa version de fin avril. Le ministère lui-même a du mal semble-t-il à suivre ces changements incessants… En tout état de cause, sur la base du décret précité, c’est bien un acte de droit souple qui régit aujourd’hui l’organisation de quelque chose d’aussi important que des réunions électorales. De quoi intéresser, une fois n’est pas coutume, non pas seulement les spécialistes du droit électoral, mais bien tous les juristes.
Romain Rambaud