C’est bien une solution de principe, et fort bienvenue, qu’a rendu le Conseil d’Etat par un arrêt d’Assemblée du 27 mars 2015, Commission Nationale des comptes de campagne et des financements politiques c/ Mme C… et société éditrice de Mediapart, n°382083, C’est donc avec un grand plaisir que nous faisons part, en cette période où malheureusement la recherche de fond et la rédaction bientôt achevée d’un article de synthèse sur la loi de 1936 a pris le pas sur le suivi de l’actualité (et donc sur le travail de blog), de la publication d’un commentaire complet de cet arrêt la RFDA de mai-juin 2015, p. 598 !
Dans cet arrêt Mediapart, le Conseil d’Etat a ordonné la communication des documents relatifs à l’instruction des comptes de campagne (il s’agit notamment du questionnaire adressé par les rapporteurs de la CNCCFP à M. Sarkozy et au trésorier de sa campagne, ainsi que des réponses fournies à ce questionnaire) de Sarkozy de 2007 à Mediapart, ce que la CNCCFP qualifie de documents de la procédures contradictoire.
Le Conseil d’État a estimé d’abord que la CADA loi du 17 juillet 1978 relative à la communication des documents administratifs était applicable à ce litige. Un doute existait en raison du fait que l’article 6 de la Constitution prévoit le droit électoral applicable à l’élection présidentielle en renvoyant à la loi organique de 1962, laquelle ne prévoit pas expressément l’application de cette loi. Cependant, pour le Conseil d’Etat, le régime de la communication des documents administratifs ne relevait pas de l’article 6 et s’appliquait donc même en l’absence de référence à cette loi dans la loi organique de 1962.
Le Conseil d’Etat a ensuite estimé que les documents d’instruction étaient des documents administratifs communicables. Par ailleurs il a jugé que les documents demandés n’entraient dans le champ d’aucune des exceptions au droit de communication prévues par la loi du 17 juillet 1978, sauf les exceptions classiques telle que le droit à la protection de la vie privé par exemple qui conduit à cacher les noms de donateurs. Or cette solution est fondamentale car jusqu’à présent, seules les décisions de la CNCFFP et les comptes de campagne n’étaient communicables : or ces derniers étaient souvent peu diserts et en tout cas insuffisants pour pouvoir suivre vraiment le déroulement financier d’une campagne. C’est donc une solution absolument essentielle : par exemple, elle pourrait permettre d’avancer sur la question des primaires, et nous pouvons ici renvoyer à notre contribution sur ce thème au Congrès de l’Association française de Science Politique !
Cependant, le Conseil d’Etat a fixé des réserves à cette communication. Contrairement à la solution de droit commun posée concernant les comptes « classiques », le Conseil d’Etat juge que les comptes de campagne d’une campagne présidentielle ne peuvent être communiqués que s’ils sont définitifs. D’après le communiqué, « le Conseil d’État a cependant précisé que ces documents ne pouvaient pas être communiqués à tout moment. En particulier, la loi fait obstacle à leur communication tout au long de la phase de contrôle des comptes par la CNCCFP ainsi que, en cas de recours contre la décision de la CNCCFP devant le Conseil constitutionnel, pendant l’examen de ce recours par le Conseil. Ce n’est donc qu’à partir de l’expiration du délai de recours contre la décision de la CNCCFP statuant sur les comptes d’un candidat ou, en cas de recours, à partir de la décision du Conseil constitutionnel, que la CNCCFP peut valablement être saisie d’une demande de communication. Tel était bien le cas en l’espèce ». On peut comprendre cette solution, qui se justifie par le fait de pas causer de troubles excessifs à l’ordre public et au bon déroulement de la procédure éventuellement devant le Conseil constitutionnel, au regard bien sûr de l’enjeu particulier de cette élection.
Par contre, reste une inconnue : pour les autres élections, le compte est disponible dès la décision de la CNCCFP est adoptée même si le juge de l’élection est saisi. Il faut espérer que la CNCCFP ne va pas se fonder sur la solution posée pour l’élection présidentielle pour refuser de transmettre des comptes lorsque le juge est saisi, pour les autres élections.
Pourtant, il semblerait, d’après son président Logerot, que c’est la solution qui se profile, laissant déjà augurer de nouveaux contentieux.
Mais ceci n’est qu’une analyse brève et superficielle de cet arrêt fondamental. Pour une analyse complète, nous vous renvoyons donc à notre article RFDA.
Bonne lecture !
Romain Rambaud