D’après la presse, le microparti de Marine Le Pen « Jeanne » a été mis en examen en tant que personne morale, mardi 5 mai, pour « escroqueries » et « acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale », en l’occurrence la société Riwal, pour les législatives de 2012. Cette décision apparaît logique après la mise en examen le 8 avril de Frédéric Chatillon, fondateur de la société Riwal et proche de Marine Le Pen, pour « financement illégal de parti politique », après avoir été mise en examen en janvier pour pour « faux et usage de faux », « escroquerie », « abus de biens sociaux » et « blanchiment d’abus de biens sociaux ».
Cette mise en examen s’inscrit dans le cadre de l’affaire, dont nous avions parlé dans un article précédent. Plusieurs incriminations sont en cause ici, sur dénonciation initiale de la CNCCFP.
En premier lieu, il s’agit de l’interdiction générale de financement de campagne électorale par une personne morale visée par l’article L. 52-8 du Code électoral, en vertu duquel « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués« , cette interdiction étant visée au titre de celles pouvant faire l’objet de sanctions pénales par les articles L. 86 et s. du Code électoral, ici plus précisément l’article L. 113-1 Code électoral. Parmi les éléments constitutifs de l’infraction qui seraient présents en l’espèce : la mise en place pendant la campagne de 2012 d’emplois fictifs au bénéfice de M. Rachline, aujourd’hui sénateur, et de Nicolas Bay, porte-parole de campagne, ces deux cadres du FN ayant été recrutés par la société Riwal ; la mise à disposition gratuite de locaux ou d’employés, ou encore l’octroi au micro-parti de Marine le Pen, Jeanne, de crédits sans intérêts.
Les sanctions encourues semblent cependant faibles. Rappelons que pour ce qui concerne le financement illégal de parti politique, l’article L. 133-1 du Code électoral prévoit que « Sera puni d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement, tout candidat en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste en cas de scrutin de liste, qui (…) 2° Aura accepté des fonds en violation des dispositions de l’article L. 52-8 ou L. 308-1 » et « Sera puni d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque aura, en vue d’une campagne électorale, accordé un don en violation des dispositions de l’article L. 52-8« . Sauf à imaginer une peine d’emprisonnement, force est de constater que la peine financière est très faible… sans compter qu’il faudrait aussi pour certains lever les immunités parlementaires.
La société Riwal aurait aussi eu son intérêt à l’affaire, en fournissant (et de façon obligatoire) aux 525 candidats FN aux législatives des kits de campagne, dont le coût était fondé sur de fausses factures, dans le but de majorer les dépenses électorales remboursables. C’est alors qu’on rejoint une autre qualification pénale, plus inattendue, celle d’escroquerie : pour les juges, d’après Le Monde, la société aurait ainsi « trompé l’Etat français afin de lui faire remettre des fonds, valeurs ou biens quelconques, en l’espèce le remboursement des frais de campagne surévalués sur la base de comptes de campagnes frauduleusement établis ». Excusez du peu. Marine Le Pen s’est bien sûr défendue de toutes ces accusations. C’est ainsi qu’il y aurait ici escroquerie.
Quant aux faits d’escroquerie, qui en vertu de l’article 313-1 du Code pénal est « le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge », la sanction est plus sévère, puisque « L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende », mais c’est sans doute ici la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction qui posera le plus de difficultés.
A suivre, donc, dans un contexte par ailleurs très négatif pour le FN de manière générale.
Romain Rambaud