La mission sénatoriale sur le vote à distance a rendu, lors d’une conférence de presse ce mercredi 16 décembre, ses conclusions. Ainsi que l’indique le dossier de presse, « L’objectif de la mission d’information est d’éclairer le débat public de manière apaisée et documentée, en s’intéressant tant au principe même du vote à distance qu’à ses contraintes techniques ». Pour le Sénat, « Ce travail doit servir de base à un débat plus large, réunissant l’ensemble des formations politiques. Des modifications aussi profondes de notre culture démocratique impliquent, en effet, un consensus transpartisan, au risque de susciter des accusations de manipulation ».
Le Sénat indique d’abord la primauté qui doit être celle du retour à l’urne, ce sur quoi on ne peut qu’être d’accord : « L’attachement légitime au vote à l’urne doit être réaffirmé, le vote à distance ne pouvant être qu’une modalité d’expression subsidiaire ». Mais les autres modalités de vote sont écartées. Le droit électoral français ne s’adaptera donc pas à la Covid-19.
Le refus du vote anticipé et du vote par internet
Le Sénat écarte d’abord le vote anticipé. D’après lui, « Le vote anticipé – organisé sur plusieurs jours de la semaine – ne garantit pas un meilleur « lissage » de la participation : quel que soit l’horaire d’ouverture des bureaux de vote, les « pics de fréquentation » sont toujours les mêmes, souvent en fin de matinée et en milieu d’après-midi. Sur le plan opérationnel, le fait d’organiser le scrutin sur plusieurs jours présenterait un coût humain et financier non négligeable, pour tenir les bureaux de vote et surveiller les urnes ». Massivement utilisée en Corée du Sud et aux Etats-Unis, cette solution est donc rejetée.
Le vote par internet connaît le même sort, la mission considérant sans surprise et à raison selon nous que « Le vote par Internet ne peut pas être mis en œuvre pour les élections régionales et départementales de 2021, les prérequis techniques ne pouvant pas être satisfaits dans ces délais. La réflexion sur les développements techniques doit se poursuivre pour sécuriser le vote par Internet et garantir la sincérité du vote afin d’envisager, à moyen terme, son utilisation au-delà des élections des Français de l’étranger ».
Le vote par correspondance écarté pour les élections départementales et régionales, au profit de futures expérimentations locales
Hélas, le Sénat écarte aussi le vote par correspondance, faute de consensus politique et au regard des contraintes de faisabilité : « Le vote par correspondance « papier » ne peut pas être mis en place dès les élections régionales et départementales de 2021, en raison du manque de consensus politique, des contraintes organisationnelles et des obstacles techniques ».
L’argument utilisé par le Sénat est le plus pertinent, y compris pour ceux qui comme l’auteur de ces lignes sont favorables au vote par correspondance, parce qu’il correspond et est conforme à un standard international : l’absence de consensus politique sur le sujet à ce stade est un obstacle majeur.
Sur le plan politique, l’organisation d’un vote postal pour les
Dossier de presse, p. 17.
prochaines élections régionales et départementales ne fait pas consensus. Ainsi le Sénat note que « Parmi les 43 présidents de région ou de département consultés, seuls 21,4 % estiment que le vote par correspondance peut être mis en œuvre pour les scrutins de 2021 ».
Le Sénat considère donc qu’une expérimentation serait nécessaire, lors de consultations locales, afin de redonner confiance dans ce dispositif avant de le généraliser.
Conclusion
Ce résultat est pour l’auteur de ces lignes une déception, dans la mesure où le Sénat aurait pu être en situation de donner la dernière impulsion possible avant que l’hypothèse du vote par correspondance ne soit écartée. Hélas, l’absence de consensus politique aura eu raison de cette idée, contre-argument qui est le plus solide puisque les standards internationaux exigent eux-mêmes le consensus politique en cas de modification tardive d’une modalité électorale.
Reste donc à savoir quelles seront les conséquences démocratiques de cette prise de position qui ne manquera pas de consolider la volonté de statu quo du ministère. Si l’abstention est très élevée, la France aura volontairement fait le choix de ne pas adapter son droit électoral à la Covid-19, à rebours des préconisations internationales. Il n’est pas certain que la démocratie française en sorte renforcée.
Il faut donc espérer que la deuxième ou la troisième vague(s) ne soi(en)t pas trop forte(s) et que le vaccin fonctionne, alors se profilent des élections départementales et régionales et désormais, peut-être, un référendum. Le tout avec un droit électoral totalement inadapté à la Covid-19 par manque de volonté politique.
En attendant de continuer à explorer cette problématique et d’ouvrir de nouveaux sujets, le blog du droit électoral vous souhaite malgré tout de passer d’excellentes fêtes de fin d’année, une année qu’on se sera pas fâchés de quitter !
Romain Rambaud